Créé le: 03.05.2020
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Une Douille pour les Cieux

Journal personnel

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© 2020-2024 Nicolas Rochey

Chapitre 11

11

Cette chimio a finalement été assez décevante. Lorsque je fais quelque chose pour la première et unique fois de ma vie, j’attends souvent d’elle qu’elle soit exceptionnelle. En bien ou en mal d’ailleurs. Mais cette injection aurait été un non-événement… sans la gentillesse de Clémentine.

 

J’ai même pas fait pipi bleu, ni fait de la lumière la nuit…

 

Par contre, c’est vrai que j’ai bien senti la fatigue dans les jours qui ont suivi. J’étais juste là pour être le champ de bataille d’une armée de carbo-platines qui ratissent le périmètre, maison par maison pour débusquer la cellule dormante qu’il faudra éliminer.

 

Je n’ai aucune idée, s’ils en ont trouvé une, mais en tout cas, ils ont foutu une sacré trouille à tous mes organes, muscles et autres. Personne n’a bougé pendant trois jours.

 

Ah si ! Je me souviens être allé trois fois jusqu’à la cuisine le premier jour… puis deux… puis une.

 

***

 

« Vos résultats de globules blancs sont magnifiques ! »

 

Comment est-ce possible que le Dr Walter trouve toujours « magnifique » le moindre examen sanguin que je lui propose ?

 

« Vos défenses se sont très rapidement reconstituées. Selon moi, vous pouvez reprendre une activité tout à fait normale. Vous ne risquez plus rien. »

 

Je crois que c’est là, et seulement là, que j’ai commencé à réaliser la guerre que j’avais menée dans sa globalité. Je m’étais attaché à être toujours dans le présent, de ne regarder ni derrière, ni devant.

 

Alors oui, j’avais bien compris que je gagnais quelques batailles, mais à aucun moment je ne m’étais permis ni d’avoir des angoisses, ni de me réjouir. J’ai juste tracé, tout droit, guidé par Verge, Walter, Clémentine et les autres.

 

« Je suis impressionné par la légèreté avec laquelle vous avez traversé tout ça Monsieur Rochey, mais, ne vous y trompez pas… vous avez bel et bien eu un Cancer. »

 

***

 

Aujourd’hui encore, de toute cette période, il ne me reste qu’une impression d’action. Décider, faire, re-décider, re-faire. Refuser le doute, repousser la peur.

 

Malgré les derniers mots du Dr Walter, auxquels je repense parfois, j’ai souvent ressenti de l’illégitimité à parler de mon cancer.

 

Lorsqu’en soirée, une amie qui décrit son cancer du sein se tourne vers moi pour dire « Toi Nicolas, tu vois exactement ce que veux dire, non ? »

 

J’ai envie de lui dire que non, bien sûr que non ! Tes douleurs je ne les ai pas eues. Ni tes nausées. Ni tes poignées de cheveux qui tombent, ni ta visite chez le perruquier. Ni tes nuits à pleurer tellement la peur te harcèle. Ni de savoir que le plus faible des virus peut te tuer quand tu enchaînes les chimios rapprochées.

 

Mais je dis juste: « Tu peux vraiment être fière de toi »

 

***

 

C’est clair, au jeu des sept familles du cancer, c’est pas moi qui ai eu le Pierre Noir. Ni le père, ni la mère… Moi, j’ai juste pioché la gentille sœur… genre sœur Emmanuelle.

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