Créé le: 03.05.2020
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Une Douille pour les Cieux

Journal personnel

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© 2020-2024 Nicolas Rochey

Chapitre 8

8

Donc un oncologue.

 

Si ce que j’ai pu faire comme recherche est fiable, c’est un type qui doit adorer annoncer des mauvaises nouvelles aux gens. Avec une préférence pour ceux d’entre nous qui ont des problèmes de perte de cheveux. Il faut aussi être sacrément physionomiste pour déjouer les patients sournois qui auraient la mauvaise idée de prendre dix ans d’âge entre deux rendez-vous hebdomadaires.

 

Mais ça, c’était avant de rencontrer le Dr Walter.

 

***

 

Pousser la porte d’un service d’oncologie vous projette instantanément dans un monde de ouate et de gentils.

 

« Monsieur Rochey ? Bienvenue » me dit la secrétaire avec un grand sourire.
J’aurais peine à dire si ça m’était déjà arrivé que l’on me souhaite la bienvenue dans un service de l’hôpital. La cafétéria incluse.

 

D’habitude j’ai plutôt droit à: « Carte d’assurance et remplissez le formulaire ! Après, allez attendre par là-bas ! ».

 

« C’est la première fois que vous venez nous voir ? »
Bon, pour être honnête, je ne viens pas spécifiquement vous voir, ne vous emballez pas non plus. Il se trouve que je suis comme qui dirait, obligé de venir.

 

« Installez-vous, on verra s’il faut remplir quelques papiers plus tard. » Elle me désigne un coin un peu plus loin. Il y a un canapé très stylé, deux fauteuils confortables et une table basse design. Très lounge comme ambiance.

 

Deux personnes sont déjà là. Une jeune femme et un homme plus âgé. Le deux portent une perruque à ce que je peux en juger. Ils me sourient avec bienveillance et tentent très rapidement d’engager la conversation.

 

« Première visite ? » me demande la femme.

 

Je fais oui de la tête en tentant de maîtriser mon pied qui tapote le sol.

 

« Vous êtes au bon endroit, tout va bien se passer » ajoute l’homme en joignant ses mains comme s’il se faisait une poignée de main à lui même.

 

Et hop, en moins de deux minutes, ils m’avaient accueilli dans une nouvelle famille. La famille des cancéreux… la famille de ceux qui jouent avec le crabe…  la famille de ceux qui ne gagneront pas tous.

 

***

 

Le docteur Walter est jeune, hâlé, souriant, il a un look de sportif. Genre randonneur de haute montagne ou 300 km de vélo par semaine. S’il avait été en cuissard j’aurais pu en avoir le cœur net à sa marque de bronzage. Pas de chance, il est en blouse.

 

Il m’accueille sur un bureau avec un plateau de verre. Immaculé, pas un papier, juste une souris sans fil sur le côté. La table de réunion attenante est également en verre. En fait, tout respire le calme, la sérénité et la transparence. Il n’a pas l’air du gars qui va me faire des cachoteries. Ça m’a plu.

 

« Comment vous sentez-vous ? Là, maintenant ? » me demande-t-il pour commencer. Et après une réponse brève, mais courtoise de ma part, il se tait et attend.

Je comprends vite que ce n’était pas une question d’accroche ou de rhétorique, mais une vraie curiosité pour moi. Un intérêt intime pour la façon dont j’appréhende mon nouveau statut.

 

J’ai parlé pendant les vingt minutes suivantes. Il n’a rien noté, il n’a pas jugé, pas conseillé, pas questionné. Il a juste écouté mon histoire. MON histoire.

 

***

 

« Les résultats des deux biopsies sont très encourageants, mais il y a deux choses que je voudrais que vous fassiez maintenant: un scanner et une scintigraphie. Ça nous permettra de voir si… »

 

« Stop, excusez-moi si je vous interromps mais voici comment j’ai décidé d’aborder ça; vous me dites de faire un scanner, je le fais. Et ensuite, seulement ensuite, en fonction des résultats, vous me décrivez les prochaines étapes. Je veux affronter ça dans l’instant, pas avec trois coups d’avance. « 

« Ca vous paraît jouable ou c’est complètement suicidaire ce que dis? »

 

« C’est plus que jouable puisque c’est votre décision. Vous semblez déterminé et c’est bien, vous aller en avoir besoin. »

 

***

 

Un scanner est une grande machine imposante qui a l’air moderne, jusqu’à ce qu’on s’en approche. Elle est faite de plastique à l’extérieur, mais avec un bruit de casserole à l’intérieur. Ça vibre de partout et on ne serait pas si étonné de voir un écrou se dévisser pendant l’examen.

 

Si vous avez des connaissances qui ont cette manie de jouer avec leur alliance, en la tournant sur elle même, en la sortant et la remettant, alors vous savez ce qu’est un scanner. Et c’est vous le doigt.
On vous trimbale dans la bague, puis dehors, dedans, dehors, sans fin. Et la bague tourne autour de vous. Beurk, même à Europa Parc, ils l’ont refusée cette attraction.

 

L’autre réjouissance du scanner, c’est le liquide de contraste. C’est un liquide qui est sensé améliorer la qualité de l’image… puisque tout le monde sait que les photos sous l’eau sont toujours plus nettes que celles en surface.

 

En quelques secondes, l’injection vous donne une sensation de chaleur intense dans le bras qui remonte vers votre épaule. Votre cou commence à brûler à son tour et la chaleur ne faiblit pas. Un goût métallique arrive dans votre bouche et vos pieds se mettent à transpirer. C’est carrément flippant comme sensation.

 

Et puis… et puis… cette impression juvénile de se faire pipi dessus. C’est très gênant pour un adulte. Mais il paraît que c’est normal. Merci de m’avoir averti, abruti.

 

***

 

La scintigraphie c’est un peu pareil, avec une machine encore plus pourrie, mais un liquide moins violent.

 

En fait, on prend un liquide radioactif par voie buccale et on glande trois bonnes heures avant d’aller faire de la lumière dans la machine.

 

Là, le but du jeu, c’est de faire des couleurs sur l’écran. Bon, on ne m’a pas vraiment expliqué quelques étaient les bonnes et les mauvaises couleurs. Alors j’ai fait de mon mieux.

 

Un technicien regarde les coupes de mon corps, des cheveux à la pointe des orteils, comme s’il lisait dans la Matrice. Les images sont incompréhensibles pour un non-initié comme moi. Ça bouge sans arrêt, et il a effectivement plein de couleurs différentes… et aucun moyen de savoir si c’est les bonnes…

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