Portrait de Marie Vallaury

12 octobre 2021 – Café croissants au soleil, sur la terrasse du Club Nautique de Versoix

Comme Marie Vallaury, il me faut un déclencheur pour commencer l’histoire. En lisant et relisant tous ses textes une image prend forme qui me servira de propulseur.

Imaginez que la Terre soit plate, comme les deux faces d’une médaille. Tout paraît simple, d’un côté tout est beau, ensoleillé, les arbres chantent et les oiseaux fleurissent. De l’autre côté, tout est triste et sombre. Les nuages n’en finissent pas d’obscurcir le regard et la pluie d’empêcher de lever les yeux au ciel. Ces deux mondes sont séparés par une tranche apparemment fort mince où le hasard joue à pile ou face avec votre destin. Pour voyager dans l’univers fluide de cette webwriter, vous n’aurez besoin d’aucun passe ni de titres. Vous naviguerez dans un sens comme dans l’autre sur un palindrome cosmique, au radar… Tentez l’expérience.

Vous avez été licencié, l’argent fait le bonheur et vous n’en avez plus. Volatilisés les amis, la famille… tout sombre. L’agitation de la rue vous agresse alors qu’auparavant cette hyperactivité vous semblait nécessaire à votre survie. Il ne reste plus qu’à vous abandonner sur un banc, ce banal meuble citadin étant un des passages symboliques qui font tourner la pièce en votre faveur. Dans une autre histoire, sur ce même banc, l’automne tourbillonne autour d’une frêle silhouette devenue totalement transparente pour les personnes pressées de rentrer chez elles. Que s’est-il passé pour que cette femme se retrouve du jour au lendemain enrobée de tristesse ? La pièce est lancée et soudain elle perd tout. Elle lâchera les amarres pour suivre sa voie. La boussole de vie indiquera le Nord, elle choisira le Sud. Que gagnons-nous quand la vie bascule? Peut-être la face au soleil… Marie redonne au vagabondage ses lettres de noblesse.

L’existence vous offre une pause temporelle. Qu’en faites-vous ? Mélanie utilisera le jour du 30 février et les suivants pour tourner la pièce en sa faveur. Le lecteur se délecte en suivant l’enquête fantastique entre HomeMade et Lov’attitude. Une immersion dans le monde de l’entreprise et du marketing décrit avec humour par Marie Vallaury sous une autre plume.

Elle nous livre des indices pour reconnaître le bonheur qui se cache dans un rythme intérieur, un souffle partagé avec la nature ou des émotions qui nous rapprochent les uns des autres. En d’autres mots : un retour au naturel, à l’authenticité. Cela paraît évident et pourtant nous nous en éloignons quotidiennement pour chercher  le bonheur dans l’artifice. A commencer par le corps.

Que d’efforts pour paraître ! Avec un humour tendre et corrosif, Marie place le lecteur dans les mocassins de ses héros et antihéros. Jamais un modèle dans une classe de dessin n’a été traité de nature morte immobile, un corps si parfait qu’il ne raconte rien. L’ennui s’installe parmi les élèves. Pour faire pivoter la pièce le professeur change de modèle. Le corps redevient sujet, volupté, une mappemonde terrienne qui célèbre la vie dans sa sensualité et sa fraîcheur.

Greffes de plumes de paons, injections de suc de géraniums, fourrure d’hermine sur la poitrine… les limites de l’absurde explosent pour se biotransformer lors d’une croisière interstellaire. Hommes et femmes, tous égaux devant l’égo. Marie se joue de nos angoisses dérisoires avec humour et sans jugement comme ce loup-garou qui découvre sa véritable nature dans un miroir.

Humains et machines se partagent une fin inéluctable : l’obsolescence. Ne plus être huilé, ne plus pouvoir se charger, perdre la mémoire, ne pas trouver les pièces de remplacement sauf quand on vous remplace entièrement sans état d’âme. Marie trace les parallèles qui se rejoignent entre humains et robots sous l’œil avisé des extraterrestres qui représentent une humanité à l’âge adulte. Ce n’est pas gagné… comme l’atteste cette rencontre du troisième type qui tourne court. Dans leur grande lucidité, les extraterrestres nous envoient des messages nous mettant en garde comme des parents bienveillants envers leurs enfants. Le Grand Ordonnateur ne s’y est pas trompé : les humains sont des ados qui ont mal tourné en construisant des Cités remplaçant la nature.

L’Espace, le domaine fantastique où tout est encore permis. Notre espèce a la pulsion obsessionnelle de dominer mais le revers de la médaille offre parfois une issue savoureuse, comique, jouissive ! Un grain de sable, un couple de coléoptères… Marie transforme l’infiniment insignifiant en arme fatale qui fait tout foirer. Le lecteur ne s’y attend jamais !

La surprise l’attend dans cette série d’un cynisme digne des tragi-comédies burlesques. Le fait divers satirique, des personnages monstrueux, des situations caricaturales saupoudrent le festin littéraire auquel nous convie Marie Vallaury. Déconseillé aux personnes sensibles.

Puis vient l’état de grâce. Le parapluie rouge dans un paysage turbulent au teint gris, digne des lavis chinois. Il symbolise la vie, l’espoir, la protection dans la tourmente. La météo est-elle le reflet de nos émotions ? L’écriture de Marie n’est jamais loin de la poésie. Son univers est peuplé d’une foule de descriptions originales et des expressions cultes vous restent : un homme furieusement barbu – la chemise à carreaux – la cellulite caché sous des plis Chanel – une rose dont la tendre couleur pastel soupire l’amour d’un homme…

Lorsque votre boussole pointe vers la dernière traversée, acceptez l’éventualité qu’elle soit la plus belle. Ce conte initiatique contient toute la gamme des émotions humaines, de la noirceur à la lumière. Une histoire dont le déclencheur est un traineau. Qu’importe le début, qu’importe la fin. Le message: ayez confiance dans la vie et relancez la même pièce puisque de toutes les façons celui qui perd… gagne.

Et lorsque vous broyez du noir, plongez dans la malle aux trésors… ou fuyez en choisissant la lumière en direction du Sud et concluez l’Armistice avec vous-même.

Marie nous livre une écriture fluide et vagabonde qui élargit notre univers. Son regard incisif et tendre sur les aspérités humaines est un régal. En lisant et relisant plusieurs fois ses histoires, vous sentirez votre âme sourire. C’est l’effet Marie Vallaury.

Retrouvez-la pour d’autres histoires et un atelier d’écriture sur www.marie-vallaury.ch

2021 Prix de l’Ailleurs, Au rire vous éveillerez (Ed. Helice Helas)
2021 Sélection Encre Fraîche, Frissons avec Un amour en hiver
2020 1er prix J’écris j’m’édite, avec Une fleur dans la vallée
2019 1er Prix Webstory, La dernière traversée (Livre IV Ed. Webstory).
2018 2e Prix Webstory, Espèce dominante (Livre IV Ed. Webstory).

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