Charlotte
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CHARLOTTE
Rose était chez le médecin quand Ollie et moi on est partis acheter un chariot. Je me sentais vraiment apaisée avec lui, et si heureuse qu’il nous accompagne sur l’Oregon Trail. Je savais qu’il avait changé ses projets rien que pour nous (Rose aurait dit pour moi), je lui en étais reconnaissante. Tous les deux on avait tellement de choses en commun. Et pas seulement parce que comme moi, il s’était échappé d’une plantation.
Non pas seulement.
On marchait tranquillement dans Saint Joseph, je ne me sentais pas très à l’aise parce que je voyais bien qu’on nous regardait de façon étrange, c’est vrai, deux noirs dans cette ville, c’était pas quelque chose de bien normal. Ollie m’a conseillé de pas faire attention, que les regards comme ceux là, ils nous poursuivraient toute notre vie. C’était vrai mais ça faisait mal quand même.
Quand on est arrivés au magasin. Il était désert alors on a commencé à regarder un chariot quand un homme est apparu et nous a crié dessus. Qu’est-ce que vous foutez là ? Me dites pas que vous êtes intéressés par ce schooner !
En fait on était vraiment intéressés mais on nous a tout de suite répondu qu’il était pas à vendre.
– Ben c’est qu’il est pas à vendre !
– Celui ou un autre, peu importe.
Du moment qu’on pouvait partir, on s’en fichait nous du chariot, le type, lui, il l’a pas entendu comme ça.
– Vous savez ce qu’on dit à ceux qui partent ?
Là, il y a eu un silence, parce que on savait vraiment pas ce qu’on pouvait dire à ceux qui partent, alors on a répondu non.
– Va vers l’Ouest, jeune homme et grandis avec ton pays ! qu’il a fait l’homme.
– C’est encourageant a répondu Ollie.
– Ben cette phrase, les niggas, elle s’adresse vraiment pas à vous.
On nous insultait encore une fois et j’ai bien vu qu’Ollie allait pas en rester-là, qu’il commençait même à pincer ses lèvres. C’est pour ça que j’ai pris son bras en lui soufflant à l’oreille qu’on reviendrait plus tard avec Rose mais là, je sais pas ce qui lui est passé par la tête. Il a juste oublié qu’il était qu’un esclave et qu’on doit jamais parler aux blancs sur ce ton-là.
– On nous a demandé de ramener un chariot, non pas de revenir les mains vides qu’il a dit.
L’homme a serré les poings et le sheriff, je sais pas comment il a fait , il est arrivé tout de suite. J’ai alors tout de suite compris que ça allait mal tourner.
– Un problème Jack ?
– Non, sheriff, c’est juste que j’vends pas mon matos à n’importe qui. Et que j’ai pas envie que mon pays il grandisse avec des gens de leur espèce !
Le sheriff il avait l’air d’être content d’entendre ces mots-là. C’est peut-être pour ça qu’Ollie il a pas su se retenir. Il se sentait humilié, il avait raison on était humiliés mais fallait pas le montrer, fallait repartir la tête basse. On avait l’habitude de toute façon.
– Nous sommes d’honnêtes gens !
– T’as déjà vu des noirs honnêtes, toi ? Ils se sont mis à rire tous les deux. Un rire affreux, supérieur.
– Ollie, je crois que nous ferions mieux de…
J’ai pas eu le temps de finir ma phrase que déjà le sheriff il me prenait par le bras pour me jeter dehors. Il me faisait mal alors j’ai juste un peu crié Aïe, lâchez-moi, vous me faites mal !
– Ne la touchez pas, a dit Ollie. Lui aussi, il serrait les poings.
– Mais de quoi qui s’mêle çui là ?
-Une dernière fois, lâchez-la ou je ne réponds plus de rien !
Après les deux brutes, ils se sont jetés sur lui, ils l’ont rué de coups. Je ne savais plus quoi faire, et c’est Ollie qui m’a ordonné de partir, d’avertir Rose, que tout ça allait s’arranger.
Et j’ai couru, couru sans me retourner.
Bientôt un nouveau chapitre
Commentaires (6)
Starben Case
17.03.2024
Passionnant récit de courage et de résilience. Nanny of the Maroons, Mûlatresse Solitude, Deanna, Flor Bois Gaillard… la liste est longue de ces héroïnes des Antilles qui ressurgissent d’un passé douloureux. Merci Caroline
Caroline Bench
06.03.2022
Wild West Women est à l'origine un texte destiné au théâtre. Cette pièce tourne depuis 5 ans entre la Suisse et la France. Pour information, elle sera jouée le 20 mars à Lausanne au Centre culturel des Terreaux. Au plaisir, qui sait, de vous y retrouver... Caroline
Caroline Bench
05.08.2020
Bonjour Naëlle, Que de pression pour la suite qui, je l'espère, saura vous divertir tout autant ! En tout cas, le voyage ne fait que commencer, isn't it ?
Naëlle Markham
04.08.2020
Dès les premières lignes, et malgré le fait que je sois valaisanne, je suis tombée en amour, comme le disent si joliment les Québécois. Avec son humour so british et cet accent inimitable qui se perçoivent en filigrane à chaque ligne, notre conteur, par la plume admirable de son auteure, nous embarque dans son voyage au gré de son langage au charme suranné. J’attends avec impatience de déguster la suite de ses aventures.
Caroline Bench
03.08.2020
Bonsoir Alice, je vous remercie de votre commentaire et suis ravie que ce récit ait pu vous toucher. J'espère que la suite vous plaira également. À bientôt alors !
Alice Leloup
02.08.2020
C'est délicieusement écrit. Je trouve toujours fascinant d'être emportée à lire d'une traite, portée par l'écriture, alors que l'univers n'est a priori pas du tout de mon intérêt. J'attends la suite avec impatience.
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