Créé le: 19.09.2020
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Salutaires chaussures
Les feux de la rampe
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A peine posé et informé de son prochain défi, il fulmine :
“Mannequin ! Non là, ça dépasse les bornes. Et Gina ! C’est quoi ce prénom ? Et impossible marcher avec des stilettos aussi hauts, je vais me casser quelque chose.
– Bien sûr que vous y arriverez. Des milliers de femmes rêvent de porter celles-ci et plus encore d’être admirées sur un podium de grand couturier ! réplique Lexa, imperturbable.
– Quoi ! un grand couturier ? Je refuse d’être déguisé en femme, encore moins en mannequin.
– Essayez au moins une fois, ça vous éclairera, avec tous ces sunlights.”
Il renonce à ce dialogue impossible, tout en se demandant si cette machine n’est pas programmée pour se moquer de lui. A l’extérieur, on se précipite déjà : “Gina chérie, te voilà enfin, grouille-toi, le boss te réclame, il est de mauvais poil.”
On l’emmène jusque dans les loges, où une troupe s’affaire autour d’autres femmes au corps gracile. Habillage, maquillage, coiffure, le stress et la nervosité sont palpables. Plus encore, quand une voix impérieuse retentit. Juché sur un strapontin destiné à compenser sa petite taille, le boss attend le silence avant de hurler :
“Va falloir qu’on mette les bouchées doubles, bande de feignasses. À toutes et à tous, je rappelle que votre seul rôle ici consiste à mettre en valeur mes créations géniales. Considérez comme un privilège de pouvoir les porter. Par conséquent, interdiction de sourire, les gens doivent voir mon œuvre et rien d’autre.”
Le maître fixe la personne à qui sa dernière charge est réservée : “Dis-donc, Gina, si tu veux continuer dans le métier, faut que tu arrêtes de bouffer, ton cul prend tellement de place que tu vas faire exploser mon chef-d’œuvre. Donc, ou tu perds ta graisse ou tu retournes à ta vie de merde, compris ?”
La musique, mélange de techno et de classique, donne le départ du défilé. Le niveau d’adrénaline atteint son maximum. Dans le public, ça frétille entre les journalistes triées sur le volet et les clientes privilégiées qui trustent les meilleures places.
Médusé, il contemple dans l’immense miroir sa transformation très réussie, comme l’attestent les regards envieux des autres filles. Certes, Gina est parée de la création censée être l’apothéose du défilé, pourtant une seule idée domine son esprit : ne pas se casser la figure, à cause de ces chaussures affreusement hautes.
La salle est debout. Le boss vient prendre sa dose d’applaudissements au-milieu de ses mannequins. Les spots éteints, on repart dans les loges. Les VIP se pressent dans le hall, chouchoutés par le boss qui distille sourires, poignées de mains et paroles hautes en couleur. Gina songe à s’enfuir, quand elle se sent poussée vers un type impeccable, alors que le boss lui glisse quelques mots dans l’oreille : “Gina, sois gentille avec Monsieur l’actionnaire, il voudrait passer un moment avec toi. Ta carrière, ma belle, pense à ta carrière.”
Elle n’a pas le temps de protester, alors que le monsieur l’entraîne vers une Bentley bleu nuit dont le moteur tourne déjà. Il lui susurre des paroles sans équivoque. Une lueur dans son regard lui rappelle quelque chose. Mais sans chercher plus loin, elle se dégage et fonce se réfugier dans sa loge où elle exige de récupérer son apparence ordinaire, après quoi il file retrouver le drone, en jurant que Lexa va l’entendre :
“ Rends-moi mes chaussures. Je veux rentrer maintenant, ça suffit.
– Que retirez-vous de ces deux premières étapes ?
– Comment ça, premières étapes ? Ramène-moi chez moi. Je peux payer la rançon, pas de problème, j’ai ce qu’il faut.
– Il n’a jamais été question de ça. Allez, accrochez-vous et préparez-vous, on va beaucoup plus loin, ce coup-ci.”
Commentaires (2)
Thierry Villon
21.09.2020
Merci Mouche, ton commentaire m'encourage, content que tu aies aimé.
Mouche
20.09.2020
Superbe imagination, belle leçon de vie... bravo, j'ai beaucoup aimé !
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