Portrait de webwriter Aydan
10 juin 2017 – Café restaurant des Bastions, Genève
Mon deuxième rendez-vous a pour nom Aydan. Un pseudo court et percutant comme les premiers mots de sa première nouvelle sur Webstory : «Je l’ai tuée». Cette nouvelle, Requiem pour Sandy, a gagné le premier prix du premier concours d’écriture Webstory.
En 2013, il gagne le 3e prix avec Tout finit par se payer, concours où toutes les histoires commencent par les mots «J’aurais dû faire marche arrière… », encore une phrase proposée par Aydan et choisie comme thème de concours. En 2015, sa photo est votée par le public pour lancer le concours L’arbre et le miroir, qui éblouit le jury et les lecteurs par la diversité des sujets traités, comme si cette image a ouvert la boîte de Pandore…
Nous devons beaucoup a Aydan. Mais quand tout cela a-t-il commencé?
Il écrit depuis son enfance, régulièrement, pour extérioriser ses émotions. Un jour, son meilleur ami l’informe d’un concours en ligne. Ayant déjà eu une mauvaise expérience en exposant ses sentiments au public, il se méfie. Pour notre plus grand bonheur, Aydan est insomniaque et lorsque les mots envahissent l’obscurité de la nuit, il a beau résister, les mots gagnent. Tout à coup, une phrase jaillit et tout s’enchaîne. Le voilà entraîné malgré lui. Il ne lâche pas l’écriture jusqu’à l’aube.
Le jour de la remise des prix 2012, Barbara Polla, membre du jury, lui adresse quelques mots: combien elle a été touchée par son histoire qui décrit la manière dont il s’est séparé d’une partie de lui-même, qu’elle avait trouvé des similitudes dans sa force d’écriture et la sienne. Requiem pour Sandy est un mélange détonnant de violence et de tendresse. Aydan est bouleversé par cet hommage, il a l’impression que Barbara Polla a réussi à percer le mystère de sa plume. Depuis ce temps-là, il partage, avec nous, sa vie surprenante. Il se sent en confiance sur ce site où chacun est respecté pour sa création.
Le terreau de tant de créativité, c’est sa famille. Il écrit de lui-même « Je suis le fils de la Terre, fils du Vent.», une récit imagé décrivant l’ambivalence de ses origines et des son vécu. La Terre et le Vent, ne luttent-t-ils pas sans cesse l’un contre l’autre, pour ensuite jouer ensemble, passant d’une émotion à l’autre sans préméditation.
En découvrant avec pudeur la complexité et la violence de son histoire, on prend conscience de sa résilience. Premier cri, une histoire pleine d’humour, se prolonge dans Le magnétoscope, allégorie de la vie depuis le premier mouvement « Play » jusqu’au « Stop » final, toujours racontée avec beaucoup de lucidité et de tendresse.
Autre récit: Les saisons de ma vie nous fait passer par tous les frissons de la vie, avec légèreté.Tout individu a ses antécédents et ceux d’Aydan sont décrits dans Racines maudites à Saragosse, le 28 janvier 1939, dans l’Espagne franquiste. Vous serez perdu, tant l’histoire de cette famille est complexe. Trahison, déportation, séparation, amour, guerre et finalement un mariage entre un soldat et une infirmière qui le sauve des camps. La terrible banalité d’une époque que tant de gens ont vécu.
De là lui vient sa révolte contre toute forme d’injustice et son combat pour défendre le plus faible. Dans Tout finit par se payer, Aydan nous fait vivre dans la peau de personnages que nous côtoyons au quotidien et fait ressortir, comme un coup de poing, ce qu’il appelle « l’effet papillon …qui gangrène l’histoire de l’humanité depuis la nuit des temps… ». La discrimination.
Chacune de ses nouvelles vous emporte dans un flot d’émotions si fortes et si étranges… cela ressemble à un film d’Almodovar. Comme si Aydan peignait directement dans votre cerveau, agitant son pinceau dans vos émotions. Un tableau sombre et joyeux à la fois.
Des expressions typiques de son invention « J’ai grandi dans l’usure ».
Trois grands virages l’ont façonné: un changement d’identité radical, la rencontre avec sa femme, la naissance de son fils Dans ce cœur de père. De la révolte… à l’amour qui triomphe Reflets d’amour, Depuis toujours je t’attendais et Comme péché d’Eve
Celui qui a été « son propre père », nous invite à le suivre. Mélancolique, aimant la beauté et les gens, Aydan reste un être passionné. Vous êtes prévenu : rien de ce qu’il écrit est anodin !
Merci Aydan de votre fidélité à vous-même et à l’écriture.
Cette rencontre a eu lieu à Genève, le 10 juin 2017