Créé le: 22.11.2013
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Premier cri

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Cri : Parole, son émis par quelqu'un sous l'effet d'une émotion, d'un sentiment, d'une sensation ; hurlement.
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Nous sommes des milliers ou plutôt des millions. Nous courrons tous dans la même direction. J’ai peur. Il y a des bousculades, un attroupement comme je n’en ai jamais vu. Il faut que j’arrive à les distancer, ils pourraient me blesser à force.
Je cours sans m’arrêter un seul instant, comme si j’avais le diable à mes trousses.

 

Il fait sombre et chaud. Un climat plutôt tropical vu la moiteur et la température. J’ai du mal à m’orienter aussi je fais confiance à mon instinct. Soudain, au loin, je distingue une sorte de bunker. Je redouble d’efforts et je défonce la porte. Une fois à l’intérieur et après n’avoir pas aperçu de danger, je me barricade totalement. Je ne sais pas si j’ai réussi à semer les autres mais, dans le pire des cas, ils ne pourront pas rentrer.

 

Je suis éreinté mais alors que je m’apprête à me reposer, mon être se fend de part en part. Une partie de moi se met à tapisser les parois du bunker de la matière gélatineuse qui s’échappe d’elle-même. Cette substance croît et recouvre tout sur son passage.
Je panique. Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Pourquoi suis-je rentré ici ? Vais-je seulement arriver à m’en sortir ?

 

Non ! Pas ça ! Un liquide coule à flot à l’intérieur de la pièce et il n’y a pas de système d’évacuation ! Je vais mourir noyé ! Le niveau augmente, je suis piégé ! Je suis immergé ! Je… Je…

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Hein ? C’est impossible…. Je ne suis pas mort ?
Je me retrouve à flotter dans cette pièce, ce liquide, sans avoir la moindre idée de qu’est-ce que je fous là…
Je sens mon cœur dans un écho tonitruant. Comme si le son faisait ricochet contre ces murs visqueux. Mes nerfs sont en ébullition et me donnent de faux airs de centrale électrique. Je ne sais pas si c’est cette situation particulièrement délicate, mais je me compare à une batterie d’énergie prête à exploser et pourtant clouée sur place.

 

Je me lance dans l’exploration de moi-même histoire de voir l’ampleur des dégâts. Deux sortes de trous bizarres se sont formés. Ils sont petits et je ne sais absolument pas à quoi ils peuvent bien servir ni comment ils sont arrivés là. Ce n’est pas tout. J’ai découvert quatre masses qui poussent sur moi. Quatre boules, deux en haut et deux en bas. Ça tire mais ce n’est pas douloureux.

 

Puis une sorte de mystérieuse sonde… Elle est longue et s’entortille comme le câble d’un vieux téléphone des années 80. J’essaye de découvrir à quoi elle me relie et, à ma grande stupeur, l’autre bout est connecté au bunker.
A quoi peut bien servir cette chose ? La réponse se manifeste sans tarder. Je remarque une sorte de purée glisser à toute vitesse par la sonde et venir à moi. Je suis rempli comme une dinde à la veille de Noël. Mais on m’engraisse ma parole ! Et qui d’ailleurs ? Qui me retient prisonnier ici ? Qui…?

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Je suis obligé d’uriner dans ce liquide qui m’engloutit. Un peu plus ou un peu moins de toute façon…

 

Mes quatre masses ont évolué. Elles se sont transformées en de sortes de tiges longues avec d’autres ramifications au bout. Je suis devenu une sorte d’arbre ! Par contre, d’avantages de trous se sont développés. Deux qui sont recouverts d’espèces de petites nappes de peau, puis un autre beaucoup plus grand que les autres et qui m’a l’air bien profond…

 

Ce qui me surprend le plus, c’est que je ne ressens aucune douleur. Au contraire, je dirais même ressentir une sorte de bien-être. Ouais… Soit c’est le syndrome de Stockholm, soit on me drogue ma purée ! Et comme je ne pense pas être tombé en amour devant une cellule sombre recouverte de gelée et qui me maintient captif en pataugeant, ça doit être forcément cette pseudo bouffe…

 

Je m’ennuie… Je m’amuse à coller mes doigts sur la matière qui tapisse les parois, j’y laisse mes empruntes. Je touche… C’est gluant, ça fait « boing »…
Soudain, je suis pris de convulsions. Mon corps se met à faire des bonds incontrôlables sans pouvoir s’arrêter. Je suis secoué de tous les côtés comme une chaussette à l’intérieur d’une machine à laver en mode essorage. Stop !

 

C’est fini… Ouf… J’ai mon estomac complètement retourné. Je le masse un peu et je le griffe accidentellement. Il faut dire que mes ongles ont sacrément poussé sans parler du fait que ma peau est devenue très fragile avec toute cette flotte ! Depuis quand suis-je ici déjà ?

 

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Petite nouveauté tiens ! J’ai comme l’impression d’être épié… De ne pas être seul. Je ressens une présence, tout autour de moi, qui s’amplifie de jour en jour. Et même que dernièrement, il m’arrive d’entendre des voix, surtout une. Elle n’est pas claire, pas du tout distincte. C’est comme si plusieurs filtres étaient là pour m’empêcher d’écouter…

 

Là ! Je l’entends à nouveau ! Ce qui me frappe d’avantage, c’est que mes émotions s’intensifient lorsque je colle mes oreilles contre la paroi. Je sens de la joie mais aussi de la tristesse, tout dépend des jours finalement. Peut-être existe-t-il un lien entre moi et cette chose qui me retient en captivité ? Non…. Cela ne tient pas debout… Je ne vois pas pourquoi on me voudrait du mal, je ne connais personne de toute façon…

 

Ah ben ça ne m’avait pas manqué ! Voilà ma séance de fitness quotidienne ! Et rebelote… Je suis ballotté dans tous les sens…. Oh ! Y en a marre ! C’est quoi ce cirque ? Ça ne vous suffit pas que je sois ici et de plus en plus à l’étroit ? Car oui, cette gélatine se resserre d’avantage que le temps passe et je commence à flipper. Si ça continue comme ça, je vais manquer d’air ! Enfin… de liquide… Oui, bon… Je ne sais même pas ce que c’est comme mixture ce truc-là…

 

Une idée illumine soudainement mon cerveau. Je suis réceptif à cette chose mais… Si cette chose était réceptive à moi ? Peut-être je peux essayer de rentrer en contact avec mon ravisseur ? Lui faire comprendre mon ras-le-bol et surtout que je souhaite être libéré au plus vite ? Qui sait…

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Mes muscles se développent au fil des jours. Les jours…. Je ne les compte plus. J’ai perdu totalement la notion de temps au point de me demander si j’en ai eu une.
De petits fils très fins, presque transparents, me sortent du crâne à présent. Je mue. En quoi ? J’en sais rien… Et puis maintenant, j’arrive à bouger les petites nappes qui couvraient deux de mes trous. Ce ne sont plus des trous d’ailleurs. Ils ont été comblés par deux billes colorées.

 

Depuis quelques jours déjà, je fais un peu d’exercice pour ne pas rouiller. Je bouge, je m’étire, je fais des roulades, j’attrape mes pieds et me balance afin de garder la forme. Puis je frappe plusieurs fois par jour contre le bunker. Je le boxe joyeusement. Je ne me blesse pas étant donné qu’il rebondit !
Et même que parfois le mur en gelée me réponds ! Je ne trouve pas très amusant… Mon geôlier se fout de moi en plus !

 

Je suis perplexe. Les nouveautés ne cessent d’arriver. Voilà que ma peau devient plus épaisse, plus dure. Remarque je préfère car j’ai l’air moins fripé comme ça ! C’est vrai quoi… Un peu plus et ma mutation virait en raisin de Corinthe !

 

Maintenant, au moins, mon kidnappeur est plus cool. Il me nourrit selon mes envies ce qui n’était pas le cas au début. Je pense viande et j’ai de la viande. Certes en purée et par sonde mais j’en ai ! Et ça marche relativement bien, du moins assez couramment. Mais bon… Je rêve de liberté.

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Une matière grasse a recouvert l’intégralité de ma peau. On dirait qu’on m’a tartiné avec dix kilos de beurre. Je n’arrive pas à l’enlever et ça colle de partout.
Je me sens comme un pantin, impuissant. Je me questionne sur la suite. Que va-t-il encore m’arriver ? Est-ce que l’issue est proche ? La fin de cette situation…. Peut-être la fin tout court.

 

J’articule chacun de mes os, ils sont plus épais, plus durs. Je me sens raidir. Quelque chose pousse à l’intérieur de mes gencives mais ne sort pas. C’est dur, très dur. Je commence à manquer de patience. Je n’en peux plus de cette prison, de ces changements qui s’opèrent en moi…

 

Je ne sais si c’est parce que je suis en immersion totale, mais mes poumons ont gonflé et sont parsemés de milliards de trous. Un travail si précis qu’ils ressemblent à de la dentelle. Je le sais parce que je sens le liquide les traverser à chacune de mes respirations. Des flots de jets qui ruissellent en gigantesque nombre et qui me chatouillent allègrement.

Mon ouïe s’est affinée. Je perçois plus clairement les sons et les voix qui sont à l’extérieur du bunker. J’entends des conversations, de la musique, l’environnement extérieur…

 

Mon désir d’évasion devient plus intense, presque viscéral. Je cogne à nouveau. Je frappe de toutes mes forces avec les mains, avec les pieds. J’entends la voix qui me demande de me calmer. Son ton n’est pas menaçant mais plutôt comme une supplique qui se veut rassurante.
Je me résigne. Ça ne sert à rien. Je suis crevé, fatigué. Je me roule en boule, je m’endors.

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J’ai du mal à bouger. Ce que je craignais est arrivé. Je n’ai presque plus de place. Vais-je me faire absorber par cet amas de matière gluante ?

 

Les dernières nouveautés au programme ? Des poils qui poussent sur les deux sortes de nappes de peau qui recouvrent les deux billes. Parlons-en des billes. Depuis peu, elles m’aident à percevoir de la lumière. En très faible quantité et pour une durée limitée d’ailleurs. Cette douce lumière émane d’un des côtés du bunker et illumine la matière visqueuse de la paroi.
C’est rose. Pas un joli rose mais un rose bizarre. Un rose-gris… Bref ! On s’en fout de la déco, je ne suis pas Marc-Emmanuel et si j’étais resté avec les autres, c’est à dire “Tous ensemble”, peut-être bien que je ne serais pas ici à l’heure qu’il est…

 

Le liquide dans lequel je baigne continue à m’intriguer. Je me décide à le goûter en me disant que rien de pire ne peut se passer. Je me lance ! Mauvaise idée… C’est dégueulasse ! En même temps, j’avais légèrement oublié que je pissais dedans ! Beurk… Plus jamais ! Je préfère de loin rester ad vitam aeternam avec mon tube et ma tambouille ratatinée.

 

Mon cerveau est bizarre… A l’intérieur, il doit y avoir un sacré merdier ! Voilà que du courant électrique s’amuse à y faire un marathon. Ça me lance et des milliers d’éclairs font une sacrée fiesta dans mon crâne. Vivement que ça cesse et que ça ne tourne pas en after.
Puis j’ai faim ! J’ai envie de poisson. Non ! De crustacés…. Pourrais-je avoir un plateau de fruits de mer s’il-vous-plaît ? Version purée pour changer !

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Ça y est. Je suis totalement comprimé contre la paroi. Elle m’entoure de toute part. Je n’arrive quasiment plus à bouger. Que va-t-il se passer ? Est-ce que mes pressentiments vont s’avérer justes ? Vais-je être dévoré par la matière ? Était-ce le but depuis le début ? Me modifier, m’engraisser afin de m’engloutir ?

 

La sorte de beurre sur ma peau est presque partie. Cette dernière est devenue rosée et bien plus lisse qu’auparavant. Mon corps et mon visage sont très ronds, presque un peu bouffis et mes ongles ne cessent de pousser.
Je m’éveille et je me repose au rythme de la douce lumière que j’entraperçois à fil des jours et je sens, de toute manière, que c’est bientôt la fin.
Était-ce un rêve ? Était-ce un voyage immobile vers le néant ? J’ai l’intime conviction que j’en aurai très prochainement le cœur net.

 

Dans un ultime effort, je me recroqueville sur moi-même, me roule en boule et j’essaye d’inverser mon axe de la tête au pieds. Cela me prend beaucoup de temps et d’énergie mais, finalement, j’y arrive. Ainsi, dans cette position qui me maintient à l’envers, j’espère une mort ou peut-être une délivrance. Je sais que c’est proche. Je sais que c’est là, dans un futur à venir sans tarder.

 

A nouveau éreinté par autant d’exercice, de lutte et de sentiments qui me bouleversent, je m’assoupis encore. Non sans espérer un happy-end. Un heureux dénouement à cette histoire…

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Toujours là. Je ne quitte plus ma position. Pour la rendre plus confortable, je décide de croiser mes jambes et mes bras tout contre moi.
Je suis surpris, malgré cette mésaventure, de me sentir aussi plein d’énergie, aussi vivant, aussi fort. Est-ce l’espérance qui me nourrit et m’anime ?

 

Alors que je croyais ne plus m’en sortir, une brèche s’ouvre d’un coup sous moi. La gélatine vient de céder ! Je regarde s’écouler tout le liquide peu à peu et je panique à l’idée de devoir respirer de l’air. Suis-je capable de le faire n’ayant connu que ce liquide durant autant de temps ?

 

Il n’y a presque plus de flotte et une lumière de plus en plus intense pénètre le bunker. Je tente d’ouvrir d’avantage la brèche mais cela m’est impossible. Je n’ai plus assez de place et mes bras sont croisés.
Soudain, une idée ! Et si je faisais comme les vers ? Je me tortille de plus en plus et petit à petit j’avance. La technique me réussit. Je commence à mettre des coups de boule et la brèche cède sous mes assauts. La lumière est là ! Aveuglante !

 

A cet instant et sans prévenir, deux mains à l’extérieur attrapent ma tête et tirent vers elles. Libre ! Je suis libre ! Je crie de joie, de peur ! A m’époumoner, à en pleurer.

« – Félicitations Madame », dit la sage-femme. « -Vous avez un magnifique petit garçon. Il est beau, fort, en excellente santé et il vous ressemble. »

Apparences

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Alors ? Vous avez marché ?
Comme vous avez pu le constater, j’aime jouer avec les apparences, surtout celles qui sont trompeuses… Et je viens, une nouvelle fois, de vous en faire la démonstration.
Dans cette petite nouvelle fantastique, je vous ai simplement retranscrit les états d’âme d’un spermatozoïde qui évolue jusqu’à obtenir l’apparence d’un fœtus et qui finit, à terme, par la simple naissance d’un nouveau-né.

 

Dès lors, mes titres de page n’ont plus de mystère. Neuf comme les mois nécessaires à faire opérer la magie. Vous pensiez tomber sur un conte à la « Alien » ? J’ai fait mieux que ça. Je vous ai fait croire à un début plutôt martial, à un milieu très martien et à une fin très réaliste.

 

Eh oui chères lectrices et lecteurs… L’habit ne fait pas le moine ou, dans ce cas, la gelée ne fait pas le bébé !
Ce qu’il y a de sûr et de certain, ce que j’ai pris un grand plaisir à vous berner. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur…

 

Bien à vous, Aydan. Prisonnier d’un bunker, il y a 34 ans déjà.

 

© 2013, Aydan

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