De quel legs avais-je hérité? Certes, j’avais toujours aimé copier ce que faisait ma mère ou mon père et j’avais beaucoup appris ainsi. À cette époque, j’étais persuadé que mon devenir serait d’être la bibliothèque familiale et que je saurais la créer afin d’être le premier de la famille possédant une telle bibliothèque dans le salon. Je retenais mal les textes et les résumais plutôt que de les mémoriser. N’avais-je pas encore un bon demi-siècle pour devenir le digne successeur de mes ancêtres? J’étais persuadé que ma capacité à copier mes proches était la clé de voûte de mon futur.

Jusqu’au jour où, en entendant les phrases d’Aristote à ce sujet : « Imiter est naturel aux hommes et se manifeste dès leur enfance. Ils imitent par des moyens différents, des choses différentes ou d’une manière différente », je me demandai, de mes gestes, de mes émotions et de mes pensées, lesquelles étaient à moi et lesquelles étaient des copies de mes parents; lesquelles étaient des copies copiées par mes parents…

Ma famille n’était plus simplement ces gens qui se rencontraient aux fêtes; ils partageaient ensemble tellement plus que je ne l’aurais cru : de copie en copie, des gestes, des émotions, des réactions étaient apprises, assimilées, crues naturelles voire personnelles; en fait, de copie en copie, les fondements de la famille étaient transmis, ancrés et disséminés par des alliances précieuses.

En copiant mes parents, étais-je le particulier dans lequel les traditions familiales se déversaient? La racine à partir de la quelle les lignées suivantes se constitueraient? Un élément d’une série tel le sommet d’une vague?