2023 Portrait d’Oana

5 mai 2023, 09h00 – Rendez-vous sur l’écran

Lorsqu’une bulle de savon éclate, elle ne disparaît pas du tout. Elle se rétracte et forme un anneau de bulles dix fois plus petites qui se répartissent à la périphérie, formant comme une couronne, une génération de bulles filles. Le processus peut se reproduire jusqu’à trois fois créant des nuées de mini-bulles invisibles à l’œil nu.

C’est dans une bulle que nous allons voyager avec Oana. Etre invisible et observer en toute discrétion un monde parsemé de poésie. Dès le matin, Oana se réveille dans le cocon angoissant de la Routine, comme nous tous. Une journée de travail l’attend et le sentiment qu’il faut d’urgence changer de rythme. Une Toilette matinale tout à fait particulière se charge de dégourdir son âme. Je lave mes pieds dans la rosée matinale, je lave mes yeux au ciel bleu du matin… Et c’est ainsi toute parée de bonheurs qu’elle monte dans sa bulle pour restituer la beauté à travers son regard. Malgré le stress quotidien de sa vie, elle sait capter des moments d’humanité qu’elle décrit avec compassion. Oana a 1001 façons de parler de la couleur de l’infini qui nous entoure. Ralentissons.

Depuis sa bulle suspendue au-dessus d’un arrêt de bus, elle voit un SDF qui ressemble à une Statue vivante. Personne ne semble remarquer ce personnage immobile qui existe pourtant. La preuve, il dérange. Dans le bus, huit personnes sont figées sur leur écran et deux passagères sourient au ciel du Printemps. Sur son trajet, le véhicule se remplit de voyageurs de toutes les nationalités, chacun dans sa bulle. Se parlent-ils? Le vieux mendiant les regarde en silence O…NU

Dans ce ciel voyageur, le Silence est omniprésent comme un espace de liberté. Oana nous fait entendre le bruit des flocons de neige, d’un battement d’ailes de corbeau et même de ses propres pensées.

Puis elle quitte le confort de sa bulle pour nous faire entendre d’autres silences poétiques. Oana se glisse dans la peau de l’autre en choisissant des points d’observation inhabituels. Demander à un adulte ce qu’il veut Devenir plus tard avec le risque qu’il réponde « faiseur de miracles ».

Etre complice d’un lit qui rend Hommage à l’être humain… ou est-ce l’inverse ? « J’aime son bruit de vieilles ferrailles… son insouciance… Il m’enveloppe de sa présence… mais quand tu es là, quand je t‘embrasse, il redevient un lit. »

Qui de mieux qu’un arbre coupé au carré peut décrire le désert de béton du quartier cubique dans lequel lui et ses congénères ont été transplantés ? Arbres de pépinière est un cri de détresse, un appel à résister à l’intention des humains puisque ces derniers se sont tus.

Le confort a ses limites et au fil de la lecture, une furieuse envie de liberté se profile, comme pour ces arbres enfermés dans leurs cages. Non seulement les frontières de l’espace deviennent étroites mais aussi celles du Temps que nous avons la prétention de maîtriser. Est-ce possible d’écrire une Epitaphe au Temps alors que chaque seconde s’ouvre sur l’infini ? Il suffit de Voler un jour au calendrier pour se rendre compte que le Temps est immortel et qu’il nous offre une liberté totale. Oana assise sur un banc se transforme en arbre qui se fond dans l’immensité du paysage. La liberté de prendre Rendez-vous avec soi-même, de contempler la beauté de l’Automne, de partager le Silence à deux ou simplement de savourer le Bonheur.

Electrique, Amour fondant, Femme pirate… Il est beaucoup question d’amour, un espace choyé comme un trésor toujours à portée de main qu’Oana nous livre comme un cadeau avec des mots singuliers qui lui ressemblent. L’amour qui nous enchaîne aux êtres aimés au point de consentir à perdre sa liberté, éternel paradoxe. Un sentiment qui se transforme en arme lorsqu’elle écrit A toi, une lettre à son ennemie, la peur.

Ce texte est un des rares qui prend la forme d’une nouvelle. La première Histoire est une autobiographie qui entr’ouvre légèrement la porte menant à l’écriture. Le cadeau de Dieu exauce son voeu de devenir faiseuse de miracles et lui vaut le 3e Prix du concours d’écriture 2020. Dans L’avocat, elle prend la défense de Dieu avec humour et revient à sa première histoire. La boucle est bouclée.

Oana se révèle à mesure qu’elle construit des ponts avec des mots qui flottent autour d’elle comme des grains de poussière et qu’elle assemble avec délicatesse dans une langue qui n’est pas sa langue d’origine. Sa bulle lui sert de fusée et une fois la stratosphère franchie, elle plane au ralenti et nous emmène dans un espace-temps de beauté.

A chaque fois que sa bulle éclate, elle donne naissance à une nuée de bulles de poésie. La grande aventure les contient toutes en partant de l’inconnu pour arriver à l’aventure suprême : Celle d’être soi-même.