Portrait d’Eloiz

11 juillet 2022 – Rendez-vous sur l’écran

J’ai rendez-vous avec Eloiz sur le net lundi 11 juillet 2022 à 18h30. Cette nuit-là, le téléscope spatial James Webb nous fait parvenir la toute première image SMACS 0723. Dans cet amas de galaxies, la Quintette de Stephan – NGC 7319 – abrite un trou noir massif, invisible et sombre qui absorbe toute la matière proche de lui.

A l’image d’un trou noir, le vide est le premier indice qui éclaire l’univers d’Eloiz. Par son immatérialité, sa non-existence, il dérange les personnages autour de lui. L’absence est un élément-clé qui influence le cours de nos vies. Dans L’ombre qui attendait Yvette remplit à l’infini le trou de mémoire d’un non-événement. Le rendez-vous avec Mario a-t-il seulement existé ?

La mémoire est un vaste vide de débris sélectifs. Dans Perdues et retrouvées le passé disparaît d’un tour de collier magique, que le lecteur peine à accepter. Louise est fascinée par la danse folle des longues mains d’un vieillard assis sur un banc, des mains qui font valser la foule au moyen de fils invisibles. Il agite les étoiles et le cosmos tout entier dans un étrange ballet de souvenirs qui rendra à la jeune fille son passé perdu. L’objectif n’est pas de comprendre, mais d’accepter l’intervention d’un phénomène irrationel pour résoudre l’énigme.

Accepter l’imprévu fait partie du jeu. Lilian en fera l’expérience au huitante-troisième étage de la tour EstK4 en l’an 2314. Un contexte futuriste pour un vide abyssinal : celui représenté par l’escalier en spirale de 2037 marches de l’immeuble et celui de sa vie sociale. Elle meuble ses journées en assemblant des puzzles qui lui donnent l’impression de maîtriser son monde. Et puis le vide réapparaît dans le trou laissé par une seule pièce de puzzle manquante et tout bascule. La pièce du fond est une métaphore originale d’un retour à la vie, de l’ordre au désordre. Dans la cosmogonie antique grecque, l’abîme se nomme Chaos, ce qui veut dire « Faille, Béance ». Il offre deux possibilités de chute : le gouffre sans fond pour une chute sans fin ou la chute sans orientation où l’on est projeté dans tous les sens. En véritable cheffe d’orchestre, Eloiz ordonne ce mouvement imperceptible de l’ordre au désordre. Dans une société obsédée par le contrôle, l’imprévu devient un fragment de lumière[ve1] . Une seule consigne à suivre : se laisser entraîner dans ce vertige pour laisser entrer l’imaginaire.

Une seule pièce vous manque et le monde est dépeuplé. L’abandon est un vide qui oblige à tourner la page. Marquée par l’abandon de sa mère, c’est ce que Lilian n’arrive pas à faire. Ni Yvette qui tente inlassablement de rejoindre Mario.

Le géniteur mystérieux rencontré un soir de Coup de lune disparaît au gré des marées comme si un peu de sable et de vent suffisaient à la conception d’un être. Le désir se charge du reste. Pour satisfaire le désir d’enfant, Odette opte pour la version consumériste en achetant son bébé au marché (avec AUDIO), une nouvelle qui a valut à Eloiz le 2e prix du concours 2017.  Depuis, elle ne nous a plus quitté.

Dans un monde devenu fou, comment les animaux familiers survivent-ils aux humains Des os et des croquettes ? Dans un monde fou, il arrive qu’une maman explose et il devient possible de créer un océan dans une cuillère à soupe et des lambeaux de lumière avec des fourchettes. Gaïa et sa soeur retrouvent leur maman, « mais elle est restée friable comme une sculpture de sable… ». Dans un monde trop bavard, la poésie d’Eloiz est discrète et légère comme une plume. Il faut la débusquer en se déplaçant au ralenti. Alors seulement, vous vous laisserez «  dissoudre pour rejoindre la poussière qui danse dans la lumière » Comme un vrai début de fin de monde.

En quête de sens, vous serez tenté d’associer Rien que du vent à une métaphore. N’essayez même pas. Acceptez cette histoire comme une allégorie picturale.

Passer de l’ordre au désordre. Dans un monde parfait, le moindre grain dans l’engrenage mène au déréglement. N’est-ce pas le déclencheur de toute création ? Viviane – une contrôle freek normale – a beau établir un plan, avoir un but, préparer le terrain, prévoir le chemin, calculer le temps… la vie agite la boule de neige et son expédition tourne à la catastrophe. Les humains sont imprévisibles.
Il vaut mieux être seul ou vivre avec Jak0, un robot plus ou moins humain programmé pour satisfaire le moindre désir de sa propriétaire. Pourtant issu de la plus haute technologie, son cerveau électronique est dans l’incapacité de comprendre les humeurs imprévisibles de Julia, sa propriétaire.

S’humaniser. A toute faim utile, l’histoire d’un dérèglement dans une petite ville bien banale qui aurait sa place dans un paysage de train électrique miniature : Tribom. Pourtant les quelques indices annoncent la faille: l’immeuble de cinq étages qui dépasse tous les autres, le Grand Magasin véritable temple de la consommation. La peur s’installe dans ce cadre rationnel face à des créatures venues de nulle part et qui se contentent… d’être. L’héroïne Magda saura vous montrer le chemin du coeur. Les personnages, les dialogues, la trame… Eloiz réussit son texte le plus long avec une fin surprenante… Son imaginaire mène toujours sur le chemin de l’originalité.

L’arrivée d’un désordre peut être invisible. Dans Cher professeur, un certain virus écrit une lettre à son créateur. Je vous laisse découvrir cette petite perle d’humour.

Je garde Attention aux lapins blancs pour la fin car cette fable vous concerne. Vous l’écrivain. Qu’arrive-t-il à tous ces débuts d’histoires jamais poursuivies, ces personnages nés dans votre imaginaire puis laissés inachevés, ces intrigues jamais résolues ? Ne les abandonnez-pas et faites la promesse, comme Alice :
« … je viendrai tous vous chercher! Je vous ferai vivre de mon stylo, et vous connaîtrez les vies merveilleuses que je vous inventerai! Moi, Alice, votre créateur, je ne vous laisserai pas vous effacer dans l’oubli! »

Eloiz, comment te décrire? Peut-on définir la musique, la grâce, l’immatérialité? Sans craindre de me brûler les ailes, j’ose une description: tu es un objet céleste visible par le rayonnement que tu dégages.

Retrouvez-la pour d’autres histoires et un atelier d’écriture sur www.eloiz-ecrit.com

P.S. Méfiez-vous de votre chat (noir) dans la nuit de Halloween 2022