La télé réalité, la vieillese, les retraites, la pandémie.

3

Retour au clavier, le jour s’est maintenant véritablement levé, même le soleil s’est mis de la partie, rendant la neige fraîche encore plus lumineuse que naturellement. L’ordinateur ronronne, la chatte aussi et il me faudra bien quelques phrases pour arriver à retrouver le fil de mon histoire commencée pas plus tard que ce matin même. Ah ! oui, bonne nouvelle, j’ai retrouvé quelque part dans un coin de ma mémoire le nom oublié de l’auteur, il s’agit de Boris Vian. Son nom m’est revenu, tout à l’heure, alors que je n’y pensais plus du tout. Vous avez certainement eu l’occasion d’en faire vous-mêmes l’expérience : plus vous vous arqueboutez pour vous rappeler d’un nom ou d’un fait, plus il vous fuit. Vous avez beau froncer les sourcils au risque d’attraper une vilaine ride entre les yeux, rien n’y fait, le souvenir reste inaccessible. Vous avez tendance à penser là que c’est de manière définitive, mais que nenni ! Il suffit que vous n’y pensiez plus, que vous vous détendiez, pour que tout à coup sans crier gare, la mémoire vous revienne comme un éclair fulgurant de lucidité au milieu d’un océan d’informations oubliées ou refoulées par votre machine à trier les choses de votre vie. Là, je suis assez fier de cette phrase. Dites-moi ce que vous en pensez. Oui, car je n’ai que vous pour me dire si cela sera publiable ou non. Les éditeurs ne sont pas des humanistes, non, non, ils sont des gens raisonnables prêts à faire une bonne affaire surtout pas à prendre des risques insensés pour publier un inconnu qui leur aurait fait bonne impression. Vous n’avez pas remarqué combien c’est important, l’impression qu’on fait. Voyez-vous, moi qui suis assez timide, j’ai de la peine avec ces 3 premières secondes dont vous avez peut-être entendu dire tout comme moi, qu’elles sont essentielles à la naissance ou non d’une relation entre des individus. Il paraîtrait que les éléments concernés par le processus sont tellement nombreux et interdépendants qu’il vaut mieux que chacun s’en remette à la destinée ou à la chance, voire au ciel, plutôt que d’essayer en vain de contrôler tous les paramètres. De toute manière, vous plaisez ou vous ne plaisez pas à certaines personnes rencontrées, c’est ainsi. Même constat avec certains animaux que vous croisez. Dans une époque reculée, j’avais un grave problème avec les chiens. N’importe quel toutou croisé dans une rue me faisait monter l’adrénaline, ce qui de fait déclenchait en lui une agressivité qui pouvait aller de la simple intimidation parfois même jusqu’à la morsure grave, en passant parfois par des aboiements intempestifs. Quand vous passez vos journées à frapper à la porte des gens, pour leur vendre quelque camelote, ce défaut a vite tendance à devenir majeur et à vous plomber l’ambiance. Il m’a même empêché parfois de faire mon travail.

 

Mais voilà que je sombre encore dans les réminiscences passées, excusez-moi cette tendance et n’hésitez pas à me dire quand cela vous empêche de suivre le fil du récit. Malgré les apparences, il s’agit en effet d’un récit censé vous balader dans une aventure plaisante et rigolote, si j’y arrive. Car faire rire les gens n’est pas donné à tout le monde, nous ne sommes pas égaux devant le rire, loin s’en faut. Certaines personnes en effet n’ont aucune répartie drôle à partager lors d’une conversation entre amis. Certains ont une tendance naturelle à glisser de l’humour quand il le faut, d’autres tombent toujours à faux et leur tentative se solde par un calme plat du côté des zygomatiques de leurs interlocuteurs. Pour quelques personnes, c’est le côté physique qui les avantage, parce qu’elles ont une tête qui fait rire, un rire qui fait rire, un nez qui prête à la plaisanterie. N’étant pas spécialiste en la matière, je ne peux que restituer mes propres constats, bref. Il faut de tout pour faire un monde. Là, j’ai vraiment lâché un lieu tout ce qu’il y a de plus commun ! et vous ne protestez même pas, m’objectant que je vous fais perdre votre temps avec mes billevesées. Non ? vous avez tout votre temps, et bien, c’est tant mieux, vous êtes toujours d’accord pour l’aventure commencée il y a déjà quelques pages.

 

Allons plus loin, maintenant. Il est vrai que je ne vais pas vous entretenir durant 300 pages (si j’y arrive) au-sujet de ce vous pensez que je pense que vous pensez par rapport à l’opinion présupposée que je m’imagine que vous défendrez face à mon verbiage. Il est temps maintenant d’en venir au vif du sujet. Si vous êtes encore là, assis dans mon canapé, c’est la preuve que vous êtes patient, capable d’écouter et surtout curieux comme je ne sais quoi.

 

Il y a quelques années de cela, je pensais qu’écrire était une tâche très technique, très structurée, avec un flot de règles à observer tellement abondantes qu’il fallait être expert en littérature pour pondre quelque chose de lisible. Et bien, voyez-vous, j’en suis revenu ! la preuve : vous lisez en ce moment un texte qui n’a pas été construit suivant le schéma habituel dont sont faits les best sellers, (pour les francophones émérites, cela signifie simplement les meilleures ventes… Je vous en prie, c’est bien naturel !). Ce qui ne veut pas dire que ce texte n’a aucune chance de se vendre (clin d’œil à mon éditeur). Le nœud du problème est bien à chercher dans les influences du marché sur toute œuvre d’art ou prétendue telle.

Une très chère amie, bien en place dans le milieu de la communication m’objectait l’autre jour :

         « Finalement, ce qui compte, c’est que le sujet fasse de l’audience, qu’il soit vu par des gens !

–       Moi, j’ai plutôt tendance à penser que le contenu a une importance dans l’œuvre qu’elle soit littéraire, musicale ou même télévisuelle !

–       A quoi te sert de produire une œuvre si elle ne parvient pas à être reconnue, publiée, écoutée ? tu vas rester avec ton contenu très bien dont personne n’entendra jamais parler.

–       Je ne crois pas que le seul fait d’être reconnu donne une quelconque valeur à une œuvre.

–       Moi, je fais de l’audience avec ce que les gens attendent, les sentiments qu’ils souhaitent éprouver, les réponses qu’ils attendent…

–       Même des réponses aux questions qu’ils ne se posent pas, n’est-ce pas ?

–       Tu ne peux pas dire quand même que l’émission d’Untel est nulle et n’apporte rien au public.

–       Oui, j’avoue, je la regarde temps à autre…

–       Tu vois, tout n’est pas à jeter…

–       Par contre, ce qui me défrise complètement, c’est le vide sidéral des émissions de télé réalité, avec l’étalage indécent des coulisses de ces concours bidons où l’on nous montre des apprentis stars en pleine action !

–       La mode est bientôt passée. Tous les pros planchent déjà sur autre chose à proposer. L’important est de ne pas décevoir les sponsors.

–       Les vaches à lait, comme vous les appelez entre vous !

–       Sans eux, beaucoup de choses n’auraient pas l’occasion d’être vues. Nous pouvons les considérer plutôt comme les nouveaux mécènes de l’art.

–      Crois-tu que les artistes du passé aient fait autant de compromis, voire de compromissions pour avoir droit de d’exprimer leur art ?

Sans aller chercher très loin, on sait que les artistes du temps de l’ère soviétique étaient aux ordres et que leur art, pour exister, devait bien célébrer le pouvoir en place.

–      La généralisation est toujours sujette à caution. Il y a des exceptions dans toutes les époques… »

Je dialogue, monologue un peu. Tout cela cache le fait que je ne me rappelle plus un sujet important dont j’avais décidé de vous entretenir. Si, si, j’y tiens beaucoup, c’est comme qui dirait : essentiel. Mais comment faire pour m’y retrouver ? il me semble bien que j’avais énoncé une théorie sur le sujet un peu plus haut. Allons voir si cela fonctionne… je relâche la pression sur mon cerveau, j’essaie de ne pas me tendre pour me rappeler, et cela donne ?

Alzheimer, Alzheimer, voilà bien de quoi je voulais parler. Cette maladie dégénérescente qui atteint de plus en plus de nos aînés. Ma mère, avant de décéder, en a souffert durant plusieurs années. Mon ami vient de m’appeler pour m’annoncer le décès de sa mère, après un long calvaire nommé Alzheimer. L’autre jour encore, nous étions à table avec la mère d’un autre ami. Elle tournait le même couplet en boucle qui allait d’un baiser dans le cou reçu d’un admirateur de sa maison de retraite pour finir par l’affirmation péremptoire de son envie de mourir… qu’on en finisse une bonne fois pour toutes.

 

Il semble que la longévité des Européens et Européennes a tendance à s’allonger de plus en plus, malgré cette maladie. Statistiquement parlant, on ne cesse de nous annoncer qu’il n’y aura pas assez de gens valides pour financer nos retraites. Moi qui avais naïvement cru que l’argent qu’on me pompait allègrement chaque mois était placé dans un endroit sûr et qu’on me le ressortirait sans rechigner lorsque je ne serai plus en état de gagner ma vie à la sueur de mon front…  Une fois de plus, je suis obligé de déchanter. Ne pas être pour une fois la seule victime de cette arnaque organisée ne me console qu’à moitié. Il semble en effet que les jeux soient faits. Pourquoi est-ce que ce sont toujours les plus modestes que la société n’a de cesse de monter les uns contre les autres, disant aux jeunes :

« Regarde, ce vieux, il s’accroche à son travail et t’empêche d’en avoir pour toi. Plus tard, quand il t’aura enfin laissé la place, tu n’auras plus qu’à travailler pour lui financer sa retraite. »

Là, je ne désire pas ouvrir une controverse, car je sais bien que le jeu habituel est de diviser pour régner. Par conséquent, je m’efforce de ne pas mettre de l’huile sur le feu, mais je n’en pense pas moins. Ceci restera dans un coin de ma mémoire. Avec un peu de chance, je l’oublierai et nous serons quittes pour cette petite digression qui s’arrêtera d’elle-même.

 

Qui nous dit d’autre part que les personnes vont devenir de plus en plus âgées, que les projections statistiques nous garantissant ceci ou cela sont fiables à 100% ? D’accord pour les modèles mathématiques, tant qu’on admet qu’il ne s’agit là que de présomptions et non pas de vérités absolues sur lesquelles il est possible de se projeter dans l’avenir ! bien écrite celle-là, n’est-ce pas ? vous dormez ou quoi ? il n’est pas l’heure. Nous sommes dans l’après-midi. Tâchez de rester concentrés. Bon, je disais que les statistiques, c’est bien joli, certes. Mais qui nous assure que la situation ne va pas s’inverser et que les humains ne vont pas, comme souvent dans leur histoire, se trouver confronté à une nouvelle menace, genre épidémie galopante ou pire pandémie atteignant très directement les couches âgées de la population terrestre ? Je vous le demande et si quelqu’un a des informations sur le sujet, il serait bienvenu de sonner l’alarme au plus vite, avant qu’on en vienne aux mains entre les plus âgés et les moins jeunes. Nous avons déjà assez de problèmes entre les nantis et les pauvres, sans nous embarrasser d’une nouvelle flambée de violence. Remarquez avec quelle grâce j’introduis le mot « flambée » et vous comprenez tout de suite que je vais parler des banlieues françaises enflammées. Bien vu ! je n’hésiterai pas à aborder le sujet, si je n’étais pas étranger. Mais vu mon origine suisse, je ne sais pas ce que je risquerai avec une telle attitude. Ce sera pour une autre fois, quand j’aurai l’occasion de camoufler l’affaire dans un faux dialogue entre 2 personnes ou plus finement lors d’une rencontre entre des Suisses et des Français qui mettront inévitablement le sujet sur la table, juste à côté de la bouteille de bon rouge, entre la poire et le fromage, s’il en reste, bien évidemment.

Jusque là, je ne m’en suis pas trop mal tiré avec l’écriture. Mais nous arrivons au moment où vous allez peut-être décrocher, trouvant que ma prose ne conduit nulle part ou justement dans des endroits que vous évitez habituellement à vous risquer, prudence oblige !

Lire le chapitre suivant

Commentaires (1)

Webstory
28.01.2021

Cher Thierry Villon, enfin un langage non adapté à certains réseaux, même pas utile de rajouter "sociaux". Seul le webwriter-écrivain peut se permettre d'être authentique, comme les artistes, les poètes et les créateurs. Ecrire, c'est le souffle de vie qui pulse de l'oxygène! Merci pour ce billet d'humeur!

Laisser un commentaire

Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire