Cette toile, immense dans la galerie, devenue si petite dans son séjour ; pleine de couleurs, de personnages et de surprises, elle est accrochée aux poutres de sa pièce maîtresse. Cadre en or massif ou plaqué ? Qu’importe.

À son habitude, elle se promène nue dans son immense chez soi, talons aiguilles aux pieds. Un reste de toutes ces années d’abondances ? Une coquetterie innocente ou une simple habitude due à sa volonté sans failles d’être toujours plus grande, plus considérée, plus désirée ?

Pour elle, sa dernière acquisition représente le summum. Elle est fière de cette toile commandée qui exhibe son passé comme le sacre de Napoléon.

Elle est rentrée au pays, riche et accueillie par la petite coterie qui ne parle jamais qu’en bien d’un passé pourtant fait d’un trop grand don de soi, de baisers volés et de jouissances virtuelles vendues à la chaîne.

Elle assume sa nouvelle richesse acquise avec tant de balafres, de reniement de soi et de chute de confiance dans les talons, aiguilles perçant un cœur galvaudé.

Il lui reste de cette morgue acquise au gré des rencontres et des passages d’indifférents à sa personne, cette capacité de mentir les yeux dans les yeux, cette volonté de briller dans la société à coup de voiture de luxe et autres valeurs échangées contre sa valeur personnelle.

Les autres cachent leur passé sous des toiles de paysages insipides, elle l’étale sur le grand mur du salon, entassant sur la solitude façonnée par son histoire, la solitude de son orgueil gonflé par sa richesse d’une grandeur relative à la pauvreté de son pays natal.

Cette fresque lui rappelle surtout à quel point l’argent est le moyen de faire faire à d’autres ce que l’on ne peut faire soi-même.

Bientôt un nouveau chapitre