Un écran de fumée

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Une jeune femme, nue dans son séjour, contemple sa dernière acquisition : une toile de maître révélant des personnages qui affichent leur opulence. Une fresque sociale, sans concession questionne la valeur de la richesse et de l'argent
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Sur l’écran défilent des plages paradisiaques, des maisons de rêve, des bolides hors de prix et des couples stylés.

Tout ça dans la petite chambre d’une ville qui tente le tourisme pour diminuer le chômage. Les images se succèdent : une fille s’amuse à embrasser un gars qui descend l’escalier roulant qui l’a fait monter. Un gars offre des cadeaux aux filles qu’il croise : téléphone, préservatifs ou bonbons, selon l’humeur et l’âge. Une petite maison avec spa donne sur l’océan pour une bouchée de pain. Les clichés se suivent et font envie ou pas.

Le glissement d’un doigt et nous voilà au pays des merveilles, chez Alice ; mais sans les ennuis, les jalousies et les distorsions : un méchant vole une fille ; le gentil le rattrape et rend à la pauvre impuissante sa virginité et son honneur ; de quoi former un couple heureux pour la vie, même si, après quelques jours, le méchant s’est révélé être le copain ! Qu’à cela ne tienne, c’était une bonne plaisanterie, un bon hack pour que les amours se retrouvent, elles qui n’étaient séparées que par un petit manque d’âme.

Si le diable existait, son visage serait celui d’Internet : tous les pouvoirs divins sans les contraintes : l’omniscience, l’ubiquité et la toute-puissance : il suffit d’une publication virale pour être parmi les riches qui savent profiter de la masse des autres et de leurs frustrations.

La fenêtre, celle avec des battants qui peuvent s’ouvrir, donne sur un parc entretenu qui arbore des arbres jaunes et rouges, couleurs de l’automne. Un lieu parfait pour s’y promener la journée : calme, beau et serein. Le soir rôdent quelques dealers de drogues interdites, bien moins addictives que le monde virtuel qui pilote sa vie.

C’est peut-être pour cela qu’à la nuit tombante, pour les narguer, son corps nu expose des petites fesses ajustées aux paumes de la main, des formes d’une sensualité maîtrisée, discrète et prenante. Puis elle retourne à ses amours plates caressant l’époxy d’un doigt et sa peau d’un autre, lentement, avec plaisir et douceur, jusqu’à une jouissance solitaire bien loin du monde si restreint qu’offre sa ville de naissance; presque à la hauteur de la luxuriance de sa fenêtre ouverte sur son navigateur de rêves.

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14.01.2022

Soirée du 25 octobre 2021 chez Cristobal DEL PUEY – Les textes inspirés par la rencontre avec cet artiste sont visibles dans Histoires > Catégories > D'écrire l'artiste

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