Créé le: 02.01.2024
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Fantastique, Nouvelle

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© 2024 Acinos

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Beltane

2

Alana

 

 

 – Les feux de Beltane ont lieu ce soir ! , s’écrie Kélya. Un sourire immense lui étire les lèvres. Elle court vers les autres filles en riant.

 

Bien que très impatiente, je sens une sorte de pression au niveau de mon plexus.

Je m’interroge. Que m’arrive-t-il ? Moi qui rêve de participer à cette fête depuis si longtemps. Voilà déjà cinq étés que j’incarne la Vierge et si je dois porter une fois de plus ma tunique blanche, Kiera aura du pain sur la planche pour l’ajuster encore.

Malgré son ingéniosité et ses talents de couturière, mon corps ne cesse de vouloir dépasser de tous les côtés.

Ce sentiment ressemble à l’ombre des nuages les soirs d’orage. Un voile légèrement opaque qui m’oppresse. Une angoisse sourde. Je me suis renseignée auprès des autres femmes. Leurs récits ont éveillés des vagues de chaleur dans mon ventre. Je me suis imaginée ce moment, des centaines de fois. Ma curiosité me pousse constamment à en savoir d’avantage. Ma mère répète que je sors des sentiers battus dès que j’en ai l’occasion.

 

Alors pourquoi ne suis-je pas aussi excitée que mes amies ?

Peut-être que je pressens les changements profonds qu’aura sur moi la maternité ?

Ou alors que je ne sais pas comment je vivrai le fait de ne pas enfanter ?

Quoiqu’il advienne, quels qu’en soit les plans que la Déesse dessine pour moi, rien ne sera plus comme avant.

Mes ruminations m’entrainent sans que je m’en aperçoive au bord de l’étang sacré.

Assise sur la rive herbeuse, je plonge mon regard dans l’eau limpide et claire. A cette époque de l’année, je peux aisément en apercevoir le fond. Les bosquets de noisetiers resplendissent couverts de leurs feuilles arrondies. La chaleur du soleil sur mon visage et mes bras me remplit d’une douce chaleur. Je sens les tensions quitter peu à peu mon corps. Je m’allonge sur le sol et je me plonge mon regard dans le bleu azur pur du ciel.

Un faucon passe, au-dessus de moi, en lançant son cri. Je le regarde s’éloigner en planant. Prendre de la distance et observer avec un oeil perçant cette ombre qui obscurcit mes pensées.

Plonger mon regard dans le lac de mon esprit. Voilà tout à fait ce que me conseillerai ma grand-mère.

Et c’est à ce moment-là que je l’aperçois. Elle se confond presque entièrement avec le vert tendre de ce mois de mai.

– As-tu vu également Gauvain ?, me demande-t-elle.
– Gauvain ?
– Le faucon de mai, ma fille. C’est un très bon présage, répond ma grand-mère malicieusement.

 

Je me blottis contre son ventre, refuge chaud et doux. Elle me caresse les cheveux tendrement et à cet instant-là, j’aimerai redevenir la petite fille que j’étais.

– Ma chérie, chaque passage a une raison d’être. Chaque fête, chaque rite qui se succède, nous amène vers un changement. Ce cycle est essentiel à la vie. La roue tourne pour chaque être vivant. Elle rythme notre temps ici et nous apprend à mieux nous connaître.

– Est-ce que toi aussi, avant tes premiers feux de Beltane, tu as eu peur ?

 – Oui, j’ai eu peur et je savais que ma place était ici. Mon rôle de prêtresse était ma voie. Écouter l’air du vent demeurait mon destin. Jusque là, je n’avais pas envisagé ma vie autrement.

 – De quoi avais-tu peur ? Tu étais prête à accomplir ta mission pourtant…

 – J’ai eu peur de mettre au monde un garçon. Je ne savais pas si j’aurai eu la force de vivre ici en sachant que mon enfant grandirait entouré par d’autres bras que les miens.
– Je crois que moi aussi, cette idée me préoccupe. Comme toi, je sais que je suis là où je dois être. Enfin, être mère m’effraie de toute façon. Je ne sais pas comment vous avez su gérer tout ça, maman et toi !

– C’est normal Alana !  Devenir mère a été la plus forte et la plus belle expérience de ma vie. La plus terrifiante aussi !, m’avoue-t-elle dans un rire. On sait ce que l’on perd, jamais ce que l’on gagne. Ce fut une tempête qui balaya tout ce que je croyais savoir sur moi. Une nouvelle part de moi est née en même temps que ta mère. J’ai découvert une dimension qui m’était restée inconnue, inaccessible.

– Tu as raison, cela m’a l’air parfaitement terrifiant, je réponds en me levant d’un bond.

 

L’eau de l’étang ondule et je crois entendre un chant qui flotte dans l’air.

Ma confidente comprend en plongeant ses yeux dans les miens. Nous n’avons plus besoin de mots. La voix de l’eau m’appelle. Je me laisse emporter par sa douceur.

Plus rien d’autre n’existe. Mon corps y répond naturellement et le calme s’installe en même temps que je m’y immerge entièrement.

 

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