Créé le: 03.11.2022
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TU, MOI!

Auto(biographie)

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© 2022-2024 SILA

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CHAPITRE 4

6

Les beaux jours s’installent enfin et je vais pouvoir bientôt prendre la fuite. Je pourrais continuer mon récit et vous racontant l’enfer que j’ai vécu en posant mes valises auprès de cet homme ; mais je ne me vois pas salir la seule histoire d’amour qui a vraiment compté pour moi. Oui, malgré tout, je l’ai aimé. Je l’ai aimé plus que tout. Je lui ai offert ma vie, mes rêves et même mon âme. Je l’aimais assez pour ça. Mais un jour, qui sait ? Je vous raconterai peut-être ce qui s’est passé là-bas…

Bon, reprenons ! Nous sommes en juillet, l’école se termine dans quelques jours et mes élèves s’en iront enfin dans leur famille pour les vacances d’été. Oui, je vous l’ai dit, à demi-mot, je suis enseignante. Je m’occupe du secteur école d’une Institution pour les jeunes à besoins spécifiques. Je sais, c’est drôle ! Vous devez sûrement vous demander comment une personne qui a étudié les déviances peut se retrouver dans cette situation. Ne chercherez pas trop loin, je souffre du syndrome de l’infirmière. Eh oui, c’est l’une des conséquences de mon enfance, de mes blessures personnelles et de mon histoire. Je ne peux même pas en vouloir à Zulmiro, il a juste profité d’une âme blessée comme la mienne, pour consoler la sienne. C’est d’ailleurs souvent ce qui arrive !

La semaine me paraît interminable ! Nous sommes mardi et il me semble que je suis dans cette dernière semaine de classe depuis des mois. Le temps me semble long et je commence à angoisser. C’est vendredi que je m’en vais, c’est vendredi que je quitte enfin la cage. Je compte les heures, les minutes et parfois même les secondes. Je n’ai rien préparé, mes affaires sont encore rangées au même endroit. Mes vêtements sont dans l’armoire, rangés par couleur, la salle de bain accueille le nécessaire de toilette d’un petit couple heureux, mes livres sont recouverts de poussière et j’ai même fait les courses. Zulmiro ne se doute de rien, il est comme d’habitude. Il se réveille à midi et passe ses journées devant son portable. Lorsque je rentre le soir, l’odeur du dormi est encore présente. Le lit n’est pas fait et les fenêtres n’ont pas été ouvertes. Il ne se doute de rien, il continue sa vie comme chaque jour. Pourtant, je lui avais dit que je partirais les vacances d’été venues. Mais, il avait éclaté de rire lors de cette annonce. Je m’en souviens comme si c’était hier ; il avait même pris la peine de mettre en scène son fou-rire. Lorsque je lui ai dit que j’allais partir, il a hurlé de rire avec sa bouche grande ouverte. Vous savez, sa bouche bien trop grande pour son visage. J’ai même pu voir toutes ses dents grisâtres recouvertes d’une couche de tartre plus épaisse qu’une feuille de papier. Il a ensuite ajouté à cela le mouvement ; il s’est roulé parterre. Vous savez, comme dans les dessins animés. Ce soir-là, je l’ai juste regardé ; sans rien dire, je l’ai observé. Je dois dire que j’avais l’habitude de le voir se mettre en scène. Zulmiro fait partie de ses gens qui ont besoin de faire de leur vie, une tragédie perpétuelle. Zulmiro aimait transformer les détails en montagnes gigantesques. Il pouvait, tel un magicien, transformer un mot en une situation conflictuelle et il arrivait même à la faire vivre dans l’espace-temps. D’ailleurs, lorsque je pense à lui, une phrase me vient à l’esprit : « Tous ce que vous direz sera retenus contre vous ! » Vous avez dû l’entendre souvent cette phrase, dans les films. Mais, l’avez-vous vraiment écoutée ? Avez-vous pu prendre conscience de ce qu’elle signifie vraiment ? Moi, j’ai pu le faire, j’ai dû le faire et croyez-moi, tous ce que je pouvais dire, étaient VRAIMENT retenus contre moi.

Un jour, j’ai eu le malheur de demander à Zulmiro de penser à reprendre le travail. Cette simple demande, plutôt justifiée, m’a valu plus d’une semaine de chaos. Il a commencé à me dire que je ne comprenais rien, que je ne le soutenais pas dans sa maladie et que je ne pensais qu’à moi. Sa maladie ? Zulmiro est loin d’être malade ; du moins pas physiquement. Il est jeune, en pleine santé et il a quatre ans de moins que moi. Mais passons; lui, il se sent très malade… Il a mal au ventre, de nombreuses bactéries logent, selon lui, dans son organisme. Je ne suis pas certaine de comprendre ni même de les avoir aperçus un jour. Toutefois, Monsieur est en grande souffrance et bien évidemment, je ne peux pas comprendre ! Son ventre le fait souffrir, il ne peut pas aller aux toilettes correctement et bien sûr, cela l’empêcher de travailler. Mais bon, moi, je ne sais que le rabaisser et lui faire des reproches… D’ailleurs, il a très bien su exprimer sa colère envers moi ou peut-être est-ce l’expression de sa colère envers lui, je ne sais pas.

Pendant que je me faisais un café, dans la cuisine de cette grande maison que je déteste, j’ai entendu des pas s’avancer. Je n’ai même pas eu le temps de me retourner complétement que Zulmiro était dernière moi. Il a saisi d’un seul geste, net et précis, ma chevelue. Ces mains sèches et rugueuses ne touchaient pas ma tête, mais je pouvais les sentir. Je ne sais pas comment il a réussi à mettre la totalité de mes cheveux dans sa main. Il a serré tellement fort que j’ai senti un décollement, comme si ma chevelure s’était éloignée de quelques centimètres de mon crâne. Le seul son qui a pu sortir de ma bouche ressemblait à un souffle, un petit sursaute ; je n’ai pas crié. Évidemment, je suis tombée sur le sol. J’ai pu embrasser le carrelage froid humide et d‘ailleurs, j’ai toujours préféré ça à ses lèvres abîmées. Pendant ce temps, le parfum du bon café continuait à embaumer la cuisine. Je me souviens d’avoir ressenti un pincement au cœur, à l’idée de savoir que ce café resterait sous la machine. L’odeur du café m’a d’ailleurs accompagné jusqu’à la salle de bain. La fameuse salle de bain ! Zulmiro m’a tiré, d’une seule main, du sol de la cuisine au sol de la salle de bain. Lors de ce voyage, mes cheveux n’ont pas cédé ; ils sont restés sur mon crâne, sous la bienveillance de sa main. Au passage, j’ai heurté quelques objets : la petite commode à épices, le pieds de la chaise de bar et le socle de l’entrée de la salle d’eau. Il m’a traîné et jeté dans cette toute petite pièce. Encore au sol, il a lâché mes cheveux et n’a pas oublié le dernier geste de colère. Tendrement, il a shooté dans mon corps ; mon dos je crois, je ne suis plus sûre. Et il a aussitôt fermé la porte. Zulmiro ne s’est pas contenté de fermer la porte, il a aussi tourné la clé. Ma seule pensée, à ce moment-là, a été celle du café, resté sous la machine. J’avoue avoir aussi pensée à mon paquet de cigarettes, resté sur la table. J’aurais tellement aimé pouvoir boire mon café, fumer une cigarette et jouer sur mon téléphone portable, au calme dans cette petite pièce.  Je savais bien que je passerais des heures dans ces 3 m2. J’ai un peu pleuré, mais tout en restant discrète. Zulmiro déteste m’entendre pleurer ou il adore, je ne sais pas vraiment. En tout cas, quand je pleure, il en rajoute ; comme si ça lui donnait du pep. Loin de moi l’idée de nourrir ses intentions, je préfère rester discrète. Je ne peux pas non plus me doucher, je n’ai pas de vêtements propres ici et j’ai bien trop peur qu’il entre pendant que je suis nue, sous la douche. Je choisis alors de me maquiller, j’ai tout le nécessaire à portée de main. Dans ce miroir, j’évite de me regarder. Je pose un regard global sur moi et je peins. Je peins mon visage avec de belles couleurs, je soigne les détails et je masque ma souffrance. Je sais très bien faire ceci, je le fais chaque matin depuis bien des années, maintenant. Un anti cernes pour couvrir les lacs de larmes qui ont gorgé mes joues, un bon fond de teint pour masquer les bleus. Attention, les bleus sont légers, jamais de coups au visage. Zulmiro prenait garde à respecter les zones visibles du grand public.

 

 

 

 

 

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