Créé le: 26.03.2023
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Contes, Humour, Science fiction

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© 2023-2024 Marie Vallaury

Il sera une fois ... conte futuriste sur la loyauté
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Il sera une fois, dans un futur proche, une histoire de loyauté qui aurait pu mal finir.

En 2074, les preux chevaliers des temps jadis ont été remplacés par des robots. Ils sont toujours forts, courageux et au service absolu de leurs maîtres, mais leurs cœurs ont été remplacés par des circuits électroniques, et leurs pensées ne sont que des lignes de commandes codées avec précision.

Le chevalier des Mac Arthur se nomme MégaPro IV. C’est une version de luxe, anthropomorphe, et pourvue des derniers gadgets de sécurité. Son rôle est de veiller sur la famille et de satisfaire ses moindres désirs, et il s’y applique avec une loyauté toute numérique.

John Mac Arthur, le père, est un être flasque qui, selon son épouse, manquerait d’une colonne vertébrale et d’une paire d’accessoires. Elle l’a épousé pour sa fortune en crédits universels à la banque et ne fait que le regretter depuis 15 ans. Ce qui dénote chez elle une forte propension au déni et à l’illusion, car seul un mari de type mollusque peut se prêter sans réagir à toutes les manipulations et réprimandes qu’elle lui fait subir. Elle, c’est Pamela, blonde génétiquement modifiée des pieds à la tête, jusqu’à sa chevelure luminescente la nuit ou son nombril auto-vibrant qui muscle ses abdominaux pendant qu’elle dort.

Ce couple, aussi bien assorti qu’un gant de boxe et un punching-ball, a donné naissance aux deux enfants réglementaires autorisés par la loi. Tous les termes du contrat sont remplis, y compris leurs deux carrières professionnelles, l’achat de l’alvéole familiale, les périodes hebdomadaires de contribution bénévole à la société et l’élevage des 1000 poissons nettoyeurs nécessaires à la dépollution de la mer. Leurs destins glissent sur des roulements à billes bien huilés, sans heurts et sans révolte.

MégaPro IV est le pilier central de cette superbe organisation. Ses talents multiples lui permettent de résoudre tous les problèmes et bien souvent de les anticiper. Il est le gardien, le protecteur, le majordome et le garant de la loi. Impossible de sortir du droit chemin tant qu’il est là, et toute la famille le sait.

Les plus réfractaires sont les enfants. Il faut bien que crise d’adolescence se passe. Mais MégaPro IV est implacable et ses punitions exemplaires et très imaginatives. Zac a compris le message, et il ne se risque que rarement à transgresser les lois. Léna, sa petite sœur, est sage comme un bouddha et évite ainsi de s’attirer les foudres du robot chevalier.

Zac passe beaucoup de temps à cogiter, entre ses cours sur le logiciel Eduka et ses simulations de tennis et de guitare. Ce robot, encore plus énervant que ses parents, doit avoir une faille, et il va la trouver. Dans les contes racontés par son IA nourrice quand il était enfant, le héros allait chercher de l’aide chez un sorcier. En 2074, la magie se cache dans les souterrains de la mégalopole, là où œuvrent des informaticiens de génie.

Pour échapper à la vigilance de MégaPro IV, Zac prétexte l’achat d’un cadeau pour la fête d’anniversaire de son père qui a lieu ce soir. Il faut une raison plausible pour échapper à la vigilance du robot et à son détecteur de mensonges. Le seul moyen de rejoindre les souterrains est de prendre un hydrotaxi, solution qui égratigne quelque peu son compte en banque, puis de continuer à pied. Il est déjà venu avec des copains, par curiosité, et ne s’étonne pas de la faune rocambolesque squattant ces endroits abandonnés par la population des nantis. Il doit demander plusieurs fois son chemin dans ce dédale de ruines, et finit par arriver dans l’antre du sorcier-hacker.

–            Si je comprends bien ce que tu me racontes, tu voudrais faire bugger le robot familial ? Hey, ce n’est pas une mince affaire que tu me demandes là, petit… D’autres s’y sont déjà cassés les prothèses. Mais le défi me plaît, et je pense avoir une idée. Tu connais les trois lois de la robotique d’Isaac Asimov ?

–            Je les ai apprises au berceau, avant même de savoir lire. Ma nourrice me les répétait toute la journée. Première loi, un robot ne peut pas porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger ; deuxième loi, un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi ; troisième loi, un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi.

–            Bravo petit ! Tu vois où je veux en venir. On va jouer sur la loyauté de ton robot. Je t’explique.

Ragaillardi par le plan prometteur du sorcier-hacker, Zac rentre à l’alvéole, sans oublier d’acheter au passage un cadeau pour son père. Il ne reste qu’à convaincre sa sœur.

En arrivant, il dépose l’air nonchalant le paquet enrubanné sur la table, sous le regard laser multifocal de MégaPro IV. Le robot interrompt sa tâche une milliseconde, puis se remet à la décoration d’anniversaire. Ouf, songe Zac, MégaProut n’a pas détecté mon petit détour par les souterrains. Il file retrouver sa sœur dans son cocon personnel. La gamine est en immersion sensorielle, probablement en train d’écouter un de ces sempiternels concerts des Acqua Boys. Zac la secoue sans ménagement. Pas de temps à perdre, car demain est la journée idéale pour réaliser le plan du hacker. L’adolescent expose les détails du projet à Léna, un peu angoissé à l’idée qu’elle refuse. Mais le plan ne pose aucun problème à sa sœur, elle a même l’air ravie, bien que sa motivation soit différente. L’encadrement étroit et la surveillance extrême du robot ne la dérange pas outre mesure, par contre elle le trouve moche. Il existe maintenant de nouveaux modèles beaucoup plus sexy et elle serait enchantée d’aider à cramer les circuits de MégaPro IV pour que ses parents soient obligés de racheter une version plus récente.

Les deux enfants échangent des regards de conspirateurs, et surexcités par leur accord secret, passent leurs combinaisons de soirée pour l’anniversaire de John. Ce soir, ils vont doublement s’amuser en imaginant les dernières heures de MégaPro IV.

Le lendemain, les parents sont absents pour quelques heures, le temps d’aller visiter une alvéole plus grande dans un quartier plus chic, autorisation accordée à la suite  d’une promotion du père. Les enfants sont entièrement sous la garde du robot en sursis. Pour l’instant, ils jouent tranquillement dans le coin jardin. MégaPro IV les observe, imperturbable, quand soudain, un bruit d’explosion se fait entendre à l’intérieur de l’alvéole. À partir de sa vision à 360°, le robot analyse la situation dans le jardin, et la considérant sans danger, fonce vers la source du bruit. Pas de traces d’explosion, ni de fumée. Il parcourt les pièces de l’alvéole jusqu’au cocon de Zac, où l’écran de l’interface affiche la scène d’un jeu en 3D. L’androïde, mortifié de n’avoir pas su reconnaître le son d’une explosion factice, retourne dans le jardin. Celui-ci est vide ! Le robot active la recherche infrarouge et distingue rapidement les silhouettes des deux gamins. Bien que ce soit formellement interdit, ils sont montés dans les arbres synthétiques, chacun d’un côté du jardin, et semblent dangereusement près de la perte d’équilibre.

En vertu de la première loi de la robotique, MégaPro IV doit sauver les enfants de la chute, mais lequel choisir ? Ses circuits s’activent pour déterminer celui qui paraît le plus susceptible de tomber, il compare les centres de gravité, simule les trajectoires de chute en fonction de leur poids. Même si ses calculs sont ultra-rapides, il ne peut s’empêcher de rester immobile quelques secondes, ce qui n’est encore jamais arrivé. Le robot semble incapable de prendre une décision.

Zac et Léna passent à la phase 2 du plan. Ils se penchent un peu plus en direction du vide et crient à l’unisson : Sauve Léna ! Sauve Zac !

MégaPro IV doit exécuter les ordres, c’est son boulot. Mais lorsqu’ils sont contradictoires, comment agir ? Quelques câbles commencent à grésiller à l’intérieur du robot. Il ne bouge pas, et son regard laser oscille à la vitesse de la lumière entre les deux enfants, chacun à un bout du jardin. Une vibration résonne le long des structures du robot, comme une plainte. Soudain, le programme d’analyse du chemin de vie qu’il avait lancé dès la première seconde du conflit donne son résultat. Zach est plus important à sauver, ses coefficients de réussite sont plus élevés que ceux de Léna. Alors que le robot s’apprête à s’élancer vers l’arbre de Zach, Léna prend conscience que leur plan va tomber à l’eau et pousse un cri déchirant.

Le robot est stoppé net dans sa course. Le cri de Léna, enregistré dans sa mémoire instantanée, repasse en boucle, et semble plus intense à chaque fois. Dans un dernier sursaut, MégaPro IV essaie de faire demi-tour. Mais la tension est trop grande. Des étincelles crépitent autour de sa tête. Encore quelques soubresauts et le robot s’immobilise définitivement, tandis qu’une fumée noire s’élève au-dessus de sa carcasse.

Léna et Zac poussent un hurlement de joie. L’ennemi est vaincu. Ils redescendent souplement de leurs arbres respectifs et vont se servir un petit goûter, vu que MégaProut n’est plus là pour les en empêcher.

Vous pensez que la morale de cette histoire est que les enfants vivront libres et heureux ? Non bien sûr. En arrivant, les parents constatent la défection de MégaPro IV, et bien que les enfants soient sagement en train de regarder Multiversal Pictures et n’aient visiblement pas fait de bêtises, ils s’empressent de commander … non pas un remplaçant pour MégaPro IV, mais deux !

C’est ainsi que HyperPro I et II, livrés dans l’heure, font leur entrée dans la famille Mac Arthur. Le programme pourra à nouveau tourner rond, foi de chevalier !

 

Lisez une autre histoire de robot de Marie Vallaury: L’ordre parfait

 

Commentaires (1)

Webstory
26.03.2023

Malheureusement, c'est à se demander à quel moment la catégorie Science fiction de ce récit sera remplacée par Notre société... Heureusement, chez toi, l'humour reste omniprésent!

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