Créé le: 26.12.2018
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Temps et lieux (5)

Voyage

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© 2018-2024 André Birse

Suite de “Faire un tour”, “Vers le Morvan” et “Au-delà du Morvan”, “Plénitude de l’absence”.
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Suis resté – temps et lieux

 

 

En savons-nous réellement plus, d’une période à l’autre ? Grand-maman avait fait le plein, respiration, lumière, chants d’oiseaux, regards vers les étoiles, luttes et détermination. De génération en génération, l’on doit certes procéder à quelques aménagements psychologiques, voir autrement les relations, la question de l’altérité, famille, voisin, autorité, étranger, migrant. Elle aura connu l’étranger ou le réfugié, non le migrant, question de modes, de noms et de monde comme il va. Le programme est fourni et les malheurs abondants. Il lui a fallu rechercher ses autorités et ses références, comme toute personne qui souhaite lever le regard vers les personnages inspirants et au-delà.

 

Elle m’avait parlé de Calvin. Ça me revient. Elle m’a bien parlé de Jean Calvin. Un personnage intimidant, une autorité qui a fait ses preuves en marquant son temps et en restant dans les mémoires, jusque dans la vallée de nos enfances. C’est ce qu’elle avait retenu. Je revois les arbres de l’allée vers l’église, cette impression d’immobilité et de répercussion entre eux et les évènements. Je les regardais quand elle m’a parlé de ce personnage lointain mais bien établi dans la tête des gens, un dominant historique et culturel, qui avait marqué son temps et accompli quelque chose d’important. C’était il y a cinquante et je reste en contact imagé et émotionnel avec ce Calvin intérieur et d’origine. Je vis chez lui depuis 1982, une année après le voyage par le Morvan. Cette première sonorité, « Jean Calvin » qui, je m’en aperçois, dit tout du personnage, par la façon dont il est présenté, de l’espoir, du respect, de la crainte, dans l’évocation d’une destinée et d’un rôle historique, « Jean », m’avait apaisé, mais « Calvin », une part de sa vérité devait être dévoilée.

 

Chapitre précédent (4): Plénitude de l’absence

 

Temps et lieux

 

Cinquante ans plus tard, je connais sa date de naissance, 1509, quelques éléments de son histoire, Michel Servet, le procès, le bûcher, 1547, Sebastien Castelion, son écrit de défense, « contre le libelle de Calvin » publié « après la mort de Michel Servet », la bible de Castelion, à portée de main. L’institution chrétienne, grand livre de Calvin, est dit-on superbement écrit, l’un des premier dans notre langue actuelle. Le lirais-je ? Peu probable. Des extraits, un jour de pluie aux hasard de mes âges. Suis-je plus informé que je ne l’étais la première fois que j’ai entendu ce nom ? Oui, inévitablement, effets de quelques lectures et discussions, des balades en ville, et parfois à travers le cimetière qui présente sa fausse tombe. Mais pas tant de connaissance que ça à vrai dire, pour m’en faire sérieusement une idée, m’en trouver averti. Des esquisses, des éléments de réponse, mais un avis pour dire avec force qui fut Calvin derrière le premier « Jean » présenté par grand-maman, je ne sais que dire.

 

Seuls les historiens, et encore, les érudits – pas sûr non plus, le tout change d’éditorial en éditorial – pourraient nous en dire plus sans que nous soyons naïfs ou méfiants, et, dans le meilleur des cas, nous sommes l’un et l’autre. Il en va ainsi pour une très grande part des personnages apparus au ciel de mon enfance et démystifiés ou non au cours de la vie. D’autres ont repris une place dans ces constellations, mais aucune figure de vérité n’est venue triompher. Grand-maman continue, dans ma perception, de trouver de bonnes réponses avec son énergique silence, son sourire et sa confiance en je ne sais toujours pas exactement qui ou quoi.

 

Elle m’a fait, et me fait encore, réfléchir, en regardant certes les étoiles tout en scrutant l’univers réel qui tourne au-dessus de nos têtes et en elles aussi. Une telle plénitude de sa présence vaut, sans qu’elle l’ait voulu, au-delà de sa foi, de sa vitalité et de sa volonté, une expérience des horizons, de la justice et des fins de l’existence. Elle me trouverait un peu compliqué là, mais c’est bien ce que j’ai retenu.

 

Alors que j’écris ces lignes, nous traversons une vague de froid, la troisième de l’hiver. En 1956, une telle vague bien plus sévère a duré tout le mois de février. Je n’en avais pas entendu parler jusqu’à très récemment. Il est fort probable que la vie de grand-maman et celles de nos parents ont été conditionnées par cet épisode météo. Une invasion d’air froid, durable et sévère, souvenirs du corps, contraintes et appréhensions.  À Fribourg, en ce mois de mars 2018, la fontaine Tinguely s’est écroulée sous le poids de la neige. Autre actualité, nouvelle réminiscence. La machine du même Jean (comme Calvin, grand-maman avait en tête des personnages prénommés Jean et c’était aussi son premier prénom, au féminin, Jeanne Alice) l’avait amusée et rendue radieuse par instants. Lors de l’exposition nationale en 1964, sur les quais de Vidy,  nous l’avions contemplée ensemble, à son initiative. Elle s’en réjouissait. Il y avait cette machine à voir absolument. La radio en avait tant parlé. Il fallait se l’imaginer. Je revois son regard et son sourire devant cette œuvre parlante et surprenante. J’étais enfant et l’approche de la machine, dans la foule, le petit mystère artistique qu’elle représentait, dans la phénoménologie des premières années de la vie, le fait de la regarder et de l’avoir vue, le bruit qu’elle faisait, le noir, le mouvement, le hasard et l’organisation me sont restés ou, plus précisément, sont encore accessibles à mes efforts de mémoire qui, en levant ces voiles, affadissent toutefois ce qu’ils révèlent.

 

La machine était un possible avenir furieux, une disharmonie réelle et se mouvant, une sculpture vivante qui partait dans toutes les directions, alors qu’elle bougeait certes, mais sur place, et que seul l’imaginaire auquel elle donnait lieu était en partance. Voir aujourd’hui écroulée cette fontaine qui rappelait l’oeuvre de 1964 génère un sentiment contraire à celui de la fascination mêlée d’inquiétude face à l’inconnu, désormais démasqué par les années, et d’absurde mécanisé qui dominait alors. Sous le poids de la neige, effondrée, épuisement de la chose et du temps. Grand-maman serait triste aussi de la savoir tombée cette fontaine « à Tinguely » mais trouverait, tant que la vitalité est là, des sources de nouveaux sourires à la vie représentée par ces machines « à » quelqu’un. Jean Tinguely, l’artiste parti en 1991, se rit encore des convenances et de l’air du temps avec cette homonyme complice qui, d’un regard farceur, se sera réjouie de son art et l’aura intégré à la réalité physique et psychologique de notre monde.

 

Par ces évocations dues à de nouvelles actualités ou rencontres multimédias, c’est ainsi que l’on visite désormais le monument, je poursuis ainsi mes voyages avec grand-maman en restant attentif aux personnages qui l’ont intéressée ou émue, et à ceux dont elle aura considéré le prestige comme justifié, riche de possibles.

 

Un visage ancien qui surgit une fois encore au cours d’une existence, nouvelle tant qu’elle se poursuit. Consultant un ouvrage sur Léonard de Vinci, notant qu’il est mort à Amboise en 1519, je compare son Léonard et le mien au cours de nos vies. Il ne m’est plus du tout possible de dire si nous avions été attentifs en passant par-là, à Amboise si près de Chambord, ni même si nous savions qu’il y a vécu ses dernières années. Mona Lisa. Grand-maman aimait la nommer ainsi, je l’entends prononcer ce nom, lui donner une force intemporelle. La Joconde au Louvre, ne me laisse qu’un timide souvenir. L’approche peut-être, si vaguement, un lieu évènement « noir de monde ». Difficilement accessible le chef-d’œuvre, c’est ce qui s’entend au retour du grand musée et c’est ce que nous avons vécu. De loin, ce devait être elle. C’était bien elle. Nous avons dû renoncer. Récurrence de la Joconde. Echanges de regards. Toute humaine accession à la nature éternisée. Je relis plus attentivement l’histoire du peintre, cet homme classé génie. Son existence fameuse et inconnue, sinon par de rares spécialistes. Peu importe la classification. C’est l’attention portée par grand-maman à la Joconde au modèle, à sa représentation, qui retient la mienne. Même maltraitée jusqu’au ridicule par les uns et pour les autres dans notre contemporanéité et celles qui l’ont précédée – c’est inévitable au regard des différences qu’engendre le nombre – une telle femme rendue une autre fois vivante par celui qui a peint plus que son portrait a tenu une place de choix dans le réel de grand-maman ( portrait dans la chambre) et son imaginaire qui n’en eut que plus de force (représentation de l’œuvre et de la personne).

 

Du lien à l’existence et de l’éventuelle profondeur qui n’aura pas été vaine et comprendrait en elle un avenir partageable et donc multiple. La vie individuelle pourrait ne mener à rien puis ne mener qu’au rien.

 

C’est peut-être le cas, l’hypothèse la plus probable. Le souvenir de grand-maman, de sa personne et de son attention, suspendra toujours en moi cette idée du néant. La réalité d’une existence perçue qui ne laisse place qu’à un possible. Tant qu’on y est. Un oiseau sur la branche. Celle-ci plutôt que celle-là et il repartira. Son rapport à la Joconde, de femme à femme, et à son créateur, de femme à homme, ne cesse de me surprendre, de m’apprendre aussi. Ressources matutinales, cœur ouvert, ombres allégées. Un article du Guardian, lu dans les derniers jours de mars 2018, souligne le caractère artificiel des anniversaires dont celui de l’assassinant de Martin Luther King, le 4 avril 1968. Une remémoration, les faits, la vie et l’œuvre de la personne assassinée, le nom de celui qui a perpétré cet acte définitif, commis, tué, tiré, s’est caché, enfui. Ces noms souvent claquent dans toute vie, surprennent, lassent, révoltent. Un matin grand-maman m’a appris qu’ils avaient tué Luther King. Elle n’était plus tout à fait dans le petit monde de ces vacances pascales, mais ailleurs par les ondes, dans l’effroi d’une nouvelle déstabilisante. Sur le moment, j’avais perçu qu’elle en éprouvait une vraie tristesse et qu’un homme important à ses yeux, dont j’apprenais l’existence, venait d’être tué.

Sa déception était profonde, elle avait sur l’instant, comme rarement, laissé paraître un certain désespoir et une lassitude que je peinais à accueillir. J’avais dix ans et une faible conscience de la tragédie du monde, moins encore la tragédie généralisée que celle qui frappe toute personne individuellement. Ces deux réalités de l’existence se sont précisées et rapprochées dans ma perception au cours des ans. L’évènement était d’importance mondiale et séculaire. Robert Kennedy allait subir le même sort un mois plus tard. Les trois glorieux personnages américains des années soixante tués par balles dont le bruit claquât dans mon enfance et dans la cuisine de grand-maman constituaient alors le mal pris sur le vif dans l’absolu du présent. Ils se dissolvent, bruits sourds ou secs, têtes tombées, dans la bête et banale brutalité des temps incorrigibles. Nous en sommes les témoins provisoirement protégés. Martin Luther King privé de vie par la volonté mauvaise d’un tiers malfaisant était une réalité et un symbole. Depuis lors j’ai entendu souvent son discours de l’homme qui eut un rêve et pris acte de sa définitive importance autant que de la facilité avec laquelle le prochain massacreur n’en tiendra aucun compte. Je reste silencieux, un demi-siècle plus tard en pensée, comme ce matin-là devant la radio, triste de la tristesse et de l’inquiétude de grand-maman.

Cette tristesse résiste mieux au temps qu’elle n’avait pu lui résister sur l’instant. Je peux écouter les discours de Luther King et apprécier sa magie rhétorique qui séduisit toute une immense foule à Washington le 28 août 1963, moins de trois mois avant l’assassinat de JFK. Cette façon d’entamer les phrases et de les ponctuer.

La détermination de ses propos politiques et humanistes et la modération sans faiblesse de ses propositions de combat. Une intelligence et un cœur partagés avec ceux à qui il s’adressait. Ici encore, je ne m’exprime que sur des bribes de connaissance. Le choix de grand-maman, sa foi et son inspiration qui l’ont rendue si inquiète et si triste à l’annonce de la mort de Luther King, avaient de plus solides racines que je ne pouvais le comprendre sur l’instant. Son installation radio au moyen de laquelle elle a suivi les nouvelles ces 4 et 5 avril 1968 était spartiate. Mes moyens de nouvelles visions ou auditions en 2018 ne le sont pas. Pour ce qui est de la force et de la qualité des choix et émotions dans le réel social et politique, je ne peux me départir du sentiment que c’est l’inverse qui s’observerait.

 

Ce sentiment de l’effroi qui vient claquer en soi et fait de même chez beaucoup d’autres, dans toute vie, il revient souvent. Le mercredi 11 novembre 2015, Robert Badinter a tenu conférence à Genève. Il fut cette année-là le seul et unique conférencier des Rencontres internationales de Genève. D’autres personnalités de la pensée et de la culture s’y sont produites depuis 1946. Michel Porret, historien attentif à la violence, actuel président de ces rencontres a fait l’heureux choix de convier Robert Badinter. L’auditoire était bondé. Une autre salle avec installation vidéo a été ouverte pour le public. Robert Badinter s’est exprimé avec quelques notes pour tout support. Sur un ton calme, modulé en de brefs instants par la détermination voire la passion.

 

Le titre de sa conférence : « Le terrorisme et la loi ».

Il a d’abord parlé du terrorisme dont il a passé en revue l’évolution historique, évoquant ses souvenirs personnels, parmi lesquels l’affiche rouge dans le métro de Paris (Manoukian, Aragon, Ferré « Les poètes »). Il nous a rappelé Robespierre, « aux ennemis du peuple, la mort », la bande à Baader et la liste des personnalités ou chefs d’état qui ont été « terroristes », Castro, Boumediene, Mandela. Il a parlé du terrorisme du 19ème siècle, dirigé contre le souverain, a fait référence à Albert Camus, avec un respect certain, évoquant « Les Justes » et « L’homme révolté ». Le terrorisme des années 1970 avec ces gens qui s’auto-proclamaient juges de la société, tel ce tribunal improvisé des ravisseurs et des exécuteurs d’Aldo Moro, en 1978. Il est revenu au terrorisme de la décolonisation, avec l’Algérie puis a fait la transition vers le terrorisme qui sévit depuis 2001, celui du combat pour une autre cause, un silence imposant : « Dieu ».

 

Il s’est exprimé avec une ferveur contenue, une remarquable énergie intellectuelle et émotionnelle – à quatre-vingt-cinq ans – en donnant du poids et de la force à des mots simples et graves à la fois. « Je ne verrai pas la fin de ce terrorisme ». L’inquiétude et la gravité n’étaient pas feintes. Il y a chez cet homme beaucoup de nuance, d’expérience et de manière, mais rien n’est faux, ni surfait. La seule prononciation d’un mot lui redonne son sens, le régénère. La leçon de rhétorique et d’éloquence sous forme de démonstration efficace a constitué une expérience unique, probablement pour chaque auditeur. L’attention silencieuse était parfaite dans les deux salles. A ce point, c’est exceptionnel. Il a passé au chapitre suivant, comme dans une plaidoirie, « la loi ».

Etat de droit n’est pas état de faiblesse. La prévention permet une série de contraintes. Guantanamo n’est pas un moyen adéquat. « Je l’ai dit à mes interlocuteurs américains, en Algérie, nous avons eu la honte et nous avons perdu la guerre ». Cette brillance, par la manière et la force, dans l’élégance, la réflexion et la conviction ne peut laisser indifférent. Il a parlé de la loi avec la profondeur de son expérience et du terrorisme en laissant un message d’inquiétude. C’était le mercredi 11 novembre 2015.

 

Deux jours plus tard, le vendredi soir 13 novembre 2015 sont survenus les événements de Paris. France-Allemagne en match amical au Stade de France. Deux bombes. Puis des corps sur les terrasses des restaurants, à la kalachnikov et dans une salle de concert, dans la foule, les terroristes agissent, calmes et déterminés. Les victimes tirées au sort de la haine, se protègent, s’effondrent. Les tireurs rechargent leurs armes. La tristesse est immédiate. Colère, rage intérieure, inquiétude envahissante, cette nuit est épouvantable. Les troubles du sommeil sont collectifs. L’insignifiance de l’action, la lâcheté, le jeu avec la mort, la prétendue absence de peur de la mort, la négation brute de la vie. De jeunes extrémistes, mais c’est au-delà de l’extrême et très deçà de l’essentiel, se sont engouffrés dans les rues des 10 ème et 11ème arrondissements de Paris et au Bataclan pour distribuer leur non-sens létal. J’ai lu qu’Anne Sylvestre, qui a composé et chanté « Une sorcière comme les autres » et d’autres superbes chansons a perdu son petit-fils au Bataclan. Et Philippe Lançon nous a écrit en direct comment il a vécu et pas tout à fait échappé à “cette ch0se”.

 

Des noms de lieus à Paris ont pris depuis peu une autre résonnance. Ce devait être vrai avant. La Saint-Barthélémy, la Terreur, la Commune, les victimes sans nom et les tueurs sans visage, et ce sera vrai encore, souvent et longtemps. On se demande comment retrouver l’innocence, du moins par l’émotion, la disponibilité et la pensée. Nous n’étions pas en guerre en 1981. Nous ne le sommes toujours pas et ce pourrait-être le cas pour un moment encore. Ces dernières années des actes de violences, dont nous nous libérons étonnamment, mais en surface, ont changé quelque chose de la face du monde ou de notre face à face avec lui. Des images, les infos, quel que soit le canal, la volonté bête et absolue de tuer, comme à Paris, comme à Nice font que l’histoire assombrit le ciel tout intérieur qui persiste en nous qui avons vécu ces évènements, même à distance au regard de ceux qui ont directement souffert. Un soir, rentré chez soi, une info, et ça recommence, le direct, les chiffres, les noms les visages, des années couleur orange des habits des détenus de Guantanamo détournés par de nouveaux assassins. Des mouvements de population, une mer, des migrants, d’autres coups de feu aux Etats-Unis. Luther King et les Kennedy, c’était important, bien sûr et ça l’est encore, mais la série s’amplifie, elle est en cours, moins de surprise, le mal n’est plus source d’étonnement. Il confronte et menace toute existence. Nul besoin de chercher ailleurs ce qui en notre époque ou par elle a changé. Et nous n’avons cessé de célébrer des anniversaires, le début de la première guerre mondiale, cent ans en 2014, sa fin prochainement, et chaque année Hiroshima, les derniers survivants, auteurs ou victimes. Le monde s’élève ou s’enfonce dans ces célébrations et, probablement, ne voit rien venir. Il faut avoir quelqu’un à qui parler dans la vie, des choses essentielles, librement, des nuages roses de vacances et des ciels noirs du malheur.

 

Toute personne devrait avoir la chance de parler à quelqu’un. Un échange pour la vie. J’ai eu cette chance avec ma grand-mère, qui parlait peu du malheur sinon pour exprimer sa compassion, puis s’en tenir à distance. Nos grands-parents ont connu deux guerres. Singularisation des générations. Pas sûr d’avoir été en tout temps celui à qui elle aurait pu parler. Ce ne pouvait être mon rôle. Pourtant, et c’est bien connu, ce type de dialogue continue tant que l’un des deux participants est en vie. Pas de façon formelle, par des mots échangés, mais par des émotions uniques, saisissantes et fortifiantes. J’ai lu encore que la Tour Montparnasse sera détruite prochainement pour laisser la place à une autre et plus haute tour, tout autrement dessinée et l’on apprend aussi que Notre Dame de Paris est en fort mauvais état. Elle tombe par petits bouts, ses figures d’anges et ses diables sont ramassés au sol. On pense à elle pour demain.

 

J’aurais parlé de tout cela avec grand-maman. Toutes les conditions ont changé pourtant à commencer par celles de nos âges et de notre temps de vie. C’est assez facile à comprendre même s’il reste toujours beaucoup de questions de même que le choix de se les poser ou non, de se souvenir, simplement, comme elle le faisait des siens, de leur présence persistante qu’elle avait si clairement exprimée. C’était un temps précis dont je suis en partie encore constitué qui me tient et me libère. Je suis ce temps qui n’est plus. Autres vies, autres vestiges.

Durant l’été 2017, l’histoire de la donation d’un tableau à la République et Canton du Jura, a sinon défrayé la chronique du moins attiré l’attention de quelques-uns dont je fus. L’Etat jurassien s’est vu léguer un bien par un certain Hugo Berthold Seaman.  C’est une réaction empreinte d’incrédulité qui semble avoir dominé chez les édiles jurassiens, à lire la presse. Ce bien est un tableau de Gustave Courbet. Comme grand-maman qui pensait en avoir trouvé un dans son galetas, lorsqu’en m’interrogeant, elle fit de moi, consentant, un faux expert réellement sceptique. Son canton de cœur et de conviction reçoit un tableau de Courbet, le peintre que nous avions découvert ensemble dans sa vallée natale puis à Paris où elle et lui sont montés à un siècle et demi de différence. Cette coïncidence heureuse, « difficile à croire », qui ne tiendra pas, ne devait pas tenir, et finalement tiendra. Ils n’y ont pas cru les jurassiens, ce devait être un faux. S’il ne l’était pas c’est qu’il a aura été volé. Plus sceptiques que je ne l’ai été dans le galetas. Toutes les vérifications ont été faites et pour la soumission du tableau au véritable expert de Courbet, qui vit en Allemagne, un premier expert consulté le mis dans le coffre de sa voiture et le transporta à cette fin sur des centaines de kilomètre. De retour, il savait que le tableau est authentique Courbet, un jour de 1872, probablement s’est promené dans le Jura, s’est arrêté, a peint une entrée de gorges avec pont et ruisseau. « Paysage jurassien » est la désignation officielle du tableau. Alors que grand-maman venait au monde, en 1913, le directeur des usines Von Roll, grands métallurgistes qui dominèrent l’industrialisation de la région, était un aïeul du donateur décédé à Zurich en 2015.

Par attachement pour cette origine, au regard, possiblement, du motif du tableau, celui-ci décida de le léguer au Canton du Jura. On peut vérifier sur le site officiel du canton toutes les démarches qui ont été accomplies, dont un avis de droit, pour écarter les soupçons. D’avis d’experts en art et en droit, l’authenticité est avérée. On pourra s’y pencher vers ce paysage peint avec plus encore de sérénité. Vrai ou faux, ça change tout. Il faut que l’histoire tienne la route, et nous avec sur nos jambes ou en voiture, dans la 2 CV. Je regarde ce petit pont qui donne lieu à un chemin, d’un trait de dessin, une esquisse pour le peintre, plus travailleur sur les couleurs pour rendre vive l’eau. L’endroit, qui offre un passage, permet d’être et de disparaître. Lui alors, nous jadis – j’irai voir ce tableau et me balader encore au milieu de ces gorges -, d’autres ensuite, dans le pays et la culture.  Si c’est un endroit dans le Jura, il faut le situer. L’une des pistes possibles, selon le très prudent gouvernement du canton est identifiée. On le voit à l’image, une photographie d’aujourd’hui, un petit pont de pierre, une même atmosphère : les gorges du Pichoux. C’est crédible, c’est plausible, le tableau est là, ouvragé et admirable. J’irai le voir, ce paysage exposé au pays, je le vois déjà, dans son passé. L’avenir ne s’authentifie pas, c’est le regard réel et l’imminence des passages furtifs, qui permettent de s’approcher de tout ce que l’on n’aura jamais touché. Le ciel au-dessus des gorges, le destin dans les rochers, le lit de la rivière, ce que permet le pont. Il y a même, peint par Courbet, un panneau de bois qui ne lit pas l’avenir mais indique une direction. Le soleil est en mouvement, les nuages entre les rochers, on ne distingue pas, à l’entrée d’une gorge, ce qui est prometteur de ce qui est menaçant. Il devait faire chaud, ce devait être silencieux. Le vent, les bêtes et les arbres, ont une présence singulière en ces lieux.

On y perçoit, pour moi mieux qu’ailleurs, sa propre solitude et celle de tous les êtres du monde qui pourtant forment un tout, un étang, une bruyère, des fermes et des chemins. Gustave seul et fière, loin d’Ornans et de Paris, voyageait en cette contrée. J’éprouve un sentiment de bonheur à l’idée de sa présence et l’aurait partagé avec grand-maman. C’est à la fois essentiel et dépourvu de toute importance. Réel et soumis aux altérations des ans qui se suivent et nous entraînent avec eux. Je partageais les faits divers avec grand-maman mais nous ne parlions pas philosophie. Il me semble toutefois lui devoir une haute idée de la conscience, celle de l’homme en action. Il n’est pas utile de s’interroger sur le fait de s’être ou non tout dit. Entre deux personnes, dans une relation forte, je ne le disais pas à l’époque mais le perçois sans réserve aujourd’hui, c’était bien entendu de l’amour, s’être ou non tout dit compte pour la vie. Enfin, laisse celui qui reste avec cette conviction, imparfaite et changeante. Je pense aux nuages sur le tableau de Courbet. Mais ce tout ayant dû être dit est indiscernable et mouvant. Un soir de vacances, elle pelait des haricots, je m’étais assis face à elle et tentait maladroitement de l’aider. Elle me reprit vite le petit couteau au manche blanc et noir, ou jaune à bien y penser, je le vois jaune. Elle me l’enlève, c’est maintenant. Je devais avoir huit ans. Peut-être un peu plus. Nous nous mîmes à parler de l’an 2000, qui était très loin. Elle fit le compte. J’aurais alors quarante-deux ans. C’était inenvisageable et inaccessible. Elle fit le compte pour elle et ce fut quatre-vingts sept ans, sans aucune certitude. J’ai été saisi d’une puissante émotion de finitude inéluctable, pour elle, je ne m’incluais pas dans cette finitude, pas tout de suite, mais percevais insupportablement la sienne.

Je suis parti me réfugier dans la cage d’escaliers. Elle me laissa un moment et m’y rejoins avec un sourire attentif en m’invitant à ne pas me laisser tracasser vainement par ces idées comme celle-là. Elle n’aura pas vu l’an 2000 qui s’éloigne. Ce moment de tristesse comprend et absorbe toutes les autres. Le décompte du temps perd de l’importance. Il m’arrive encore de songer, pas seulement dans les cages d’escaliers, à m’arrêter un instant. Il me semble, malgré le poids des circonstances, qui caractérise toute vie individuelle, avoir écouté le conseil et ne pas me laisser tracasser par des idées qui ne nous viennent pas en aide. A plusieurs reprises, et à des âges différents grand-maman m’a exprimé sa confiance en m’invitant à « continuer comme ça ». Il y a un moment où l’on est en peine avec cette idée de continuation. Il faut y intégrer des notions d’évolution, de travail sur soi et d’adaptation, autres façons de continuer. Je m’y tiens, cherche à le faire. Grand-maman n’a certes pas été ma seule source d’inspiration et d’éducation. Il faudrait des dizaines et plus d’autres pages pour le dire et je n’aurai pas cette patience, ni cette volonté. J’ai pris ici prétexte du voyage en 2cv et de quelques figures célèbres pour évoquer mon histoire avec elle. C’est bon, je maitrise, enfin, me rassure à cette idée. Il y en a une autre qui me devance, que je ne rattrape pas, qui au-delà, bientôt très au-delà de l’an 2000, me laisse pantois, c’est la force unique de cette femme qui fut ma grand-mère. Cet accomplissement dans la vie et sa présence face à autrui, proches, voisins, gens d’ici. Tout tiers n’avait qu’à bien se tenir. Sans la foi, nous sommes inconsolables face au réel. Je le suis. Mais il y a un plus, tant que l’on a le privilège de la vie, qui se recherche et qui vaut la peine d’être suscité. Un plus dans la vigueur et le comportement et ce plus indéfinissable mais présent, je sais pour beaucoup le devoir à grand-maman.

Sans la foi, nous sommes inconsolables face au réel. Je le suis. Mais il y a un plus, tant que l’on a le privilège de la vie, qui se recherche et qui vaut la peine d’être suscité. Un plus dans la vigueur et le comportement et ce plus indéfinissable mais présent, je sais pour beaucoup le devoir à grand-maman.

Nous le devrions à Aristote aussi qui, par interstices en a fait la description. (Clément Rosset, les mots, deuxième partie première page). Ce plaisir et cette volonté que d’autres appellent joie. Oui, j’ai le sentiment de poursuivre ces balades et nos discussions et le fait d’y être revenu par écrit n’aura pas, je l’espère, un effet de total effacement. Peu probable à vrai dire. Toucher le souvenir, le fait frémir, se réveiller. Il se réanime, bouge, change de place, va peut-être jusqu’à se métamorphoser. Deux personnages dont me parlait grand-maman, ne s’éveillent que maintenant dans mon récit. Elle m’en a parlé très vite. Deux Albert que j’ai un temps confondus, Schweizer et Einstein, qui, je le vérifie aujourd’hui étaient amis. Albert Schweizer était un héros pour grand-maman et pour beaucoup de monde à cette époque. Je le voyais en blanc, à Lambaréné, se vouer fraternellement à soigner les lépreux. Elle en parlait avec une volonté de partager son sens de la compassion. Bien avant que je n’emploie ce mot. Il était allé sur place. Avait bâti un hôpital, C’était un docteur devenu fameux, qui « a fait la carrière que l’on sait » (Sartre Les mots, p. 1). Il y avait de l’estime dans le regard de grand-maman lorsqu’elle parlait de cet homme. Barack Obama l’a cité en … dans son discours de réception du prix Nobel de la paix qu’Albert Schweizer a aussi reçu en 1953. Cet accomplissement du bien reconnaissable et reconnu en une personne, cette approche pastorale, je les ai très tôt accueillis avec une certaine défiance.

C’est pourtant une phase essentielle de la construction psychologique d’un enfant, son rapport avec le combat contre le mal et le malheur. Et cette première réticence aussi avait son poids. Ce devrait être un enthousiasme éclatant et ça ne l’est pas. Il y a dans ce réflexe de non-adhésion à une personnalisation du bien quelque chose de sain, une distance mais aussi une première résignation. S’ensuit un processus silencieux, et constant de justification secrète et intérieure de cette réticence qui se poursuit toute la vie. Egoïsme est un mot outrageant qui peut murir et vieillir sans le devenir absolument. Indifférence aussi. Je ne crois pas avoir fait de progrès dans ma détermination à combattre le malheur. Une attitude, une présence, un acte, répété, dans une vie sociale et professionnelle, oui, bien entendu. La prise en considération du fait que les fardeaux, dont celui de la souffrance ne sont pas également répartis, oui encore. Bien évidemment. Vivre son propre sort avec ce type de conscience, oui à nouveau. Mais partir, à Lambaréné avec le pouvoir de tout sauver, en commençant par là. Non, je n’y ai jamais pensé. Ni convaincu, ni séduit. Pour cause de complexité de toutes les réalités et de leurs définitions dont le mot charité. Grand-maman a dû percevoir mes silences. Son admiration pour le « docteur Schweizer » n’en était pas moins belle et crystaline, et le personnage mérite toujours notre plus vif respect, certes critique, avec les ethnologues et autres historiens de tous ordres, mais notre entier respect intergénérationnel. Les « hommes de bonne volonté » étaient une espèce à laquelle a dû croire grand-maman ou dont elle a dû espérer la survenance un jour. Nous savons aujourd’hui que tel ne sera pas le cas.

L’espoir ne peut être que celui d’une organisation des sociétés qui leur permette de se prémunir sans violence de toute nouvelle, autre ou plus ample survenance du mal. Albert Schweizer, n’est plus un héros qui fascinerait. Il demeure un personnage historique qui a eu des émules et des semblables, voire des supérieurs en notoriété. Ghandi, Mère Thérésa, l’abbé Pierre ont disparu. Personne ne leur succède. Nous sommes en attente d’autres types de bravoures ou peut-être ne sommes-nous capables d’admirer que la puissance et l’efficacité. Prochain héro. A voir. Nous avons les milliardaires philanthropes. Merci à eux. Mais il s’agit d’une générosité parcellaire. Je me demande qui grand-maman pourrait bien considérer aujourd’hui comme un bienfaiteur absolu. L’oncle Tom est le nom qui me vient à l’esprit. Personnage de roman. Souffrance, injustice, détermination et non-violence. Son combat est à faire. Les propos de l’adulte qui écrit sont-ils plus pertinents que le silence de l’enfant qui s’interroge ? Un chemin est parcouru. La confrontation au réel de l’existence a façonné une connaissance toute entière et imparfaite qu’elle soit. Je ne crois pas avoir dépassé mes silences d’enfant, ni même pouvoir leur répondre. Grand-maman l’avait compris aussi comme tel sur le champ. Il en allait de même pour elle. Le jardin secret de nos aspirations originelles.

Un autre nom, je vois un autre pan de la colline qui mène à l’église en le prononçant intérieurement, allait surgir dans ma vie par la voix de grand-maman : Albert Einstein. Il était connu mais son apport au monde était moins saisissable. Un savant, un physicien qui aurait compris plus que l’humanité n’avait dans la totalité de ses réflexions pu comprendre jusqu’alors. La lumière, sa vitesse, de la relativité dans un univers courbe, grand-maman n’allait pas jusque-là.

Elle laissait parler les siens autour du repas et n’attendait pas grand-chose de l’univers tout en laissant au génie humain le soin de creuser son tunnel. Elle connaissait la réponse ou avait fait le choix d’avoir confiance en elle. Autre approche de la lumière. Einstein venait de mourir, il y avait dix ou douze ans. On parlait du sort réservé à son cerveau. Si le premier Albert avec une moustache blanche allait disparaître de la culture (deux livres à son propos sur les stands des puciers ce samedi 13 octobre 2018 et ces mots, les siens « … ceux qui ont lutté et sont parvenus à cette paix qui surpasse toute connaissance ») des actualités, le second, avec une semblable moustache blanche, prendra de revue en revue, de référence en référence, dans le concret de l’actualité du monde en mouvement une importance centrale jamais démentie. Il est un homme des siècles à venir. Sa personnalité fut aussi tourmentée que celles de beaucoup, mais ce qu’il a écrit en 1905 puis en 1915, sur la petite et la grande relativité, constitue une production unique de la connaissance, une description inouïe du réel. Un premier tiroir ouvert sans que l’on connaisse le nombre effectif que comporte la semainière (devant alors être re-nommée) qui serait celle comprenant une connaissance équivalente à ce que Dieu aurait pu savoir. Sept pour la semainière dont l’origine est biblique. Einstein a théorisé des équivalences, comme chacun de nous en pressens. Mais ce qu’il a décrit et comment il l’a fait, je ne serais pas capable de l’expliquer à un enfant aussi bien que grand-maman l’avait fait à mon endroit pour d’autres sujets.Einstein prend la place de l’énigme qu’il était censé résoudre. Lumière, nous avions une idée. Temps, celui qu’il fait, les coups de fouet de la pluie, c’était perceptible. Mais l’autre qui ne se voit ni ne se sent, il faut qu’on nous l’explique. Cet autre Albert l’a fait.

Sa démonstration n’est pourtant ni rassurante ni complète. Grand-maman a pris acte de sa grandeur et nous laissé poursuivre le travail, de loin en loin. Me relisant, je comprends mieux encore combien ces préoccupations m’ont défini, presque prédéterminé et dans cette prédétermination étaient cachés des lapins de Pâques appelés liberté. En chocolat, les oreilles, l’indigestion qui guette. Je me repose un moment sur l’herbe haute, vers les noisetiers, dans le jardin de grand-maman. Je ne voulais pas y revenir, mais la chanson insiste. Elle est présentée aujourd’hui comme une comptine pour enfants. Il y a plusieurs variantes depuis le moyen âge et le texte, à le relire, a sa cruauté. J’avais oublié qu’à la fin « un rossignol chantait ». Systématiquement, je regardais grand-maman quand elle arrivait à ces mots, le rossignol, qui donnaient du courage et me semblaient bien correspondre à sa vision de la vie. « Sur la plus haute branche » aussi me convenait. Une abondance de vie et de réalité à rattraper imprégnait mon imagination, venait constituer un monde intérieur à palper, à mieux considérer. J’avais le temps, mais la grandeur et l’altérité des autres vies, de la vie des autres, autour de la mienne apparaissait d’imposante façon. Un réel immense et profond jaillissait de ce simple chant. Toute la famille autour de la table s’époumonait et grand-maman ne se retenait pas. La chanson comme un nouvel évènement à chaque fois sortait haut et fort de sa voix. Je les écoutais. J’ai dû m’aventurer un peu dans cette goualante qui me paraissait venir du fond des âges et correspondre à une vérité que, bien sûr, je n’ai jamais définie.

 

Temps et lieux

Elle me rappelait des situations de vie que je découvrais peu à peu s’agissant de la mienne et plus encore dans ces moments-là. Fils d’un prince, encore moins d’un baron, qui est à la prison, on le pendouillera, et sa Jeannette avec. Le tout chanté gaiement. Plus de cinquante ans plus tard, je comprends le malaise qui me saisissait. Cette histoire, mariage forcé, prison, exécution. Le rossignol chantait les louanges de Pierre et de Jeannette et ce mot, louanges, me paraissait redonner vie aux martyrisés. Enfin, une certaine justice, un nouvel élan. Je m’y perdais et m’y perd encore. Grand-maman savait que la vie est rude et chantait « Ne pleure pas Jeannette » avec réjouissance. Elle a dû penser que, loués et célébrés les tourtereaux s’en sortaient bien. Elle a donné beaucoup de sens et de force au rossignol, dont en effet et toute sa vie durant elle a su guetter le chant.

 

Suite (6): Chemin se faufilant

Commentaires (1)

We

Webstory
28.12.2018

'Il y a un André Birse au présent, et celui qui voyage avec sa grand-mère. Le second nous fait vivre cette relation particulière, faite de tendresse et de sagesse. Chacun de nous en aurait appris plus sur le monde et les êtres en vivant cette expérience avec une grand-mère comme celle-ci ou la sienne. Peut-être n'est-il pas trop tard? Le voyage commence avec QUELQUE CHOSE DE NOUS

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