Chapitre 1

1

Lolotte est toujours assoupie et dans l'attente d'informations sur les lieux de l'attentat. Elle continue de nous raconter son enfance et celle de Nesto. Pour ce dernier, les conséquences de son accident ont douloureusement marqué son enfance.
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Chapitre 3
Le médecin ordonna une période de repos de deux semaines. Le souvenir que j’ai de Nesto à cette période est celui d’un garçon calme comme il ne l’avait que rarement été, presque amorphe, mais relativement souriant et content de pouvoir passer son temps entre la lecture de bandes dessinées et la télévision. Quand mes deux parents étaient simultanément absents au travail, une voisine, qui ne travaillait pas à l’extérieur, passait régulièrement voir si tout allait bien, l’invitant chez elle quand elle avait trop à faire pour pouvoir passer plusieurs fois dans la journée.

 

Il me manquait et les trajets à l’école sans lui m’apparaissaient bien plus longs et plus ennuyeux. En le retrouvant à la maison, le contact n’était plus le même. Certes, il me racontait sa matinée ou son après-midi mais plus sous forme d’une énumération monotone d’activités qu’avec l’esprit vif, critique et enjoué que je lui connaissais. Parfois, mais rarement, il me demandait des nouvelles des camarades de classe.

 

Ce dont je me souviens le plus, ce sont les sautes d’humeur de Nesto qui sont apparues peu après son retour à l’école. Alors qu’auparavant, nous parvenions toujours à louvoyer, à comploter, pour tenter d’obtenir une permission, il ne supportait désormais plus la moindre frustration et entrait dans des rages folles, allant jusqu’à briser de la vaisselle ou d’autres objets quand il ne pouvait avoir immédiatement gain de cause. Dans ces moments-là, je ne pouvais rien faire : il paraissait complètement hors d’atteinte de la moindre de mes remarques. Je voulais lui éviter punitions et remontrances mais c’était mission impossible et je me sentais coupable de ne pas être capable de le protéger contre lui-même.

 

Nous retrouvions parfois notre complicité et pouvions, comme avant, passer de bons moments à jouer devant l’immeuble, à nous abrutir de dessins animés quand nos parents étaient les deux absents ou à commenter les amours et les disputes de la cour d’école. Mais ces moments devenaient rares et si Nesto ne montrait que très rarement de l’agressivité à mon égard, sauf quand j’essayais de le raisonner, mes parents et les enseignants en prenaient pour leur grade et commençaient à saturer face à ce qui ne pouvait leur apparaître que comme des caprices et de la mauvaise volonté.

 

Avant son accident, Nesto n’était certes pas un élève modèle, studieux, sage et sans aspérités. Mais ne serait-ce que pour sa tranquillité, il faisait son travail d’écolier sans rechigner et tentait de passer inaperçu aux yeux du maître et des élèves dits « populaires », les « grandes gueules qui roulaient les mécaniques » comme il les qualifiait. Mais depuis son retour en classe, la situation n’était guère différente qu’à la maison : il apostrophait l’enseignant en plein cours, répondait quand ce dernier lui faisait une remarque, manifestait son dédain pour certaines branches comme la grammaire qu’il jugeait inutile, refusait parfois un travail et se retrouvait impliqué dans toutes les bagarres en cours de récréation, provoquant et insultant les « populaires » qu’il évitait auparavant.

 

Je tentais à chaque fois de le calmer, de le défendre parfois et surtout de lui démontrer qu’il avait tout à perdre à se comporter de cette manière. Mais dans ces moments-là, il ne m’écoutait pas et me demandait sèchement de me mêler de mes affaires et de retourner papoter avec les filles. Les jours où une crise venait assombrir la journée d’école, ce qui devenait de plus en plus fréquent, en rentrant à la maison il arrivait qu’il se lance dans de grands discours où il se posait en victime. Mais en général, il se fermait comme une huitre et ne pipait mot pendant tout le trajet pas plus que durant le repas.

 

Mon père plaisantait toujours en détournant deux expressions pour qualifier une situation explosive et parlait de « l’étincelle qui a fait déborder le vase » ou de « la goutte d’eau qui a mis le feu aux poudres ». Il aurait pu l’appliquer à ce qui se passa en classe ce jour-là au retour de la récréation. C’était un mercredi de juin, je m’en souviens. Alors que le maître réprimandait Nesto pour une dispute en récréation, déclenchée il est vrai par un tir nourri de moqueries et de remarques acerbes de trois autres garçons, Nesto se leva, fixa successivement le maître et les trois garçons avec qui il avait échangé des gnons et renversa d’un geste brusque son pupitre avant de se diriger vers la sortie et de quitter la classe en claquant la porte.

 

Il ne revint pas en classe. Le maître téléphona à ma mère qui, ne le voyant pas revenir à la maison, appela la police. A midi, j’arrivai à la maison essouflée, paniquée, la boule au ventre. Ma mère me força à avaler une assiette de pâtes que j’ingurgitai avec peine. Je fis une série de téléphones pour mobiliser des camarades de classe afin d’organiser la recherche de mon frère. Environ dix copains répondirent qu’ils étaient disponibles et chacun obtint l’aval de leurs parents respectifs. Je connaissais les habitudes de Nesto et restais persuadée que nous serions plus efficaces que la maréchaussée. Il n’était pas 13 heures quand les premiers copains sonnèrent à notre porte.

 

Nous partîmes en vélos, à pieds, en trottinettes après nous être partagés les endroits à quadriller : le centre-ville, les berges de la Sarine, les bois environnants du côté de Villars-sur Glâne sans oublier toutes les petites cachettes prétendument secrètes des immeubles alentour que nous utilisions, Nesto, moi et quelques camarades triés sur le volet.

 

Ce fut finalement un promeneur qui le retrouva en fin d’après-midi, recroquevillé au pied d’un arbre, la tête dans les bras, sanglotant. Ce retraité arrivait de Villars-sur-Glâne et cheminait en direction de Fribourg en passant par le « mamelon », cette toute petite colline couverte d’un bosquet, au nom dangereusement évocateur pour les jeunes adolescents mais qui se contentait, plus prosaïquement, d’offrir aux habitants des immeubles environnants un sentiment campagnard en été et de petites pistes de luges en hiver.

 

Avec toute la patience du quadruple grand-père qu’il était, Aloys, c’était son prénom, réussit à arracher à Nesto son nom et son adresse. Ils parlèrent un moment puis Aloys lui tendit la main et lui dit simplement :

 

— Viens, on rentre maintenant, tes parents doivent être inquiets.

 

Je rentrais de ma troisième tournée de recherche quand j’aperçus Nesto près de l’entrée de l’immeuble. Un vieux monsieur, cheveux en bataille, barbe blanche, vieux jeans et chemises à carreaux lui donnait la main.

 

Aloys prit le temps de boire le café que ma mère, reconnaissante, lui offrit. Prostré, recroquevillé sur une chaise de la cuisine, Nesto ne disait rien. Après une dizaine de minutes, Aloys dit à ma mère :

 

— Il va vous falloir être patiente madame. Nous avons parlé un peu, votre fils et moi, et je crois qu’il s’en veut de vous avoir donné tout ce souci mais il ne peut pas oublier non plus une grosse blessure d’amour-propre subie à l’école. J’ai quatre petits-enfants dont deux déjà adolescents et j’étais, jusqu’à ma retraite, psychologue scolaire. Alors, si je peux faire quelque chose pour vous, je vous laisse mon téléphone. Maintenant il faut que je file ou c’est mon épouse qui va s’inquiéter.

 

— Merci beaucoup, monsieur… ?

— Aloys, Aloys Bardem.

— Au revoir alors et merci encore Monsieur Bardem !

— Ce n’était rien, c’est normal. Au plaisir madame…

 

Je coupai court aux innombrables questions de mes camarades qui voulaient en savoir plus sur les raisons de la fugue de Nesto. Je leur répondis simplement que depuis son accident mon frère était devenu hypersensible aux remarques et encore plus aux moqueries et qu’il avait vraiment dû très mal vivre l’incident en classe.

 

A la maison, mes parents me demandèrent de me retirer dans ma chambre pendant qu’ils discutaient avec Nesto mais revinrent me chercher cinq minutes plus tard, Nesto refusant de leur parler en mon absence.

 

Il réussit à dire que tout l’énervait et que la moindre remarque lui faisait grimper les tours et sortir de ses gonds en moins de temps qu’il fallait pour le dire. Il ne comprenait pas pourquoi, s’en voulait de se mettre dans de telles colères mais ne parvenait pas à se maîtriser. Il nous dit aussi qu’il avait parfois l’impression de ne pas pouvoir se concentrer sur ce qui se passait en classe et que le contenu des cours lui échappait. Il avait honte, répétant qu’il « foutait en l’air « notre famille.

 

Mes parents évoquèrent la possibilité d’aller discuter avec son maître, éventuellement de consulter un psychologue. Nesto, après une longue discussion, accepta que mes parents se rendent à l’école. L’entrevue avec l’enseignant titulaire donna la mesure de la plongée spectaculaire des apprentissages scolaires de mon frère. Les notes étaient en chute libre et Nesto était devenu complètement réfractaire aux travaux de groupe auxquels il ne participait que par sa présence muette mais pratiquement sans jamais faire sa part, se mettant ainsi à dos les autres enfants. La moindre remarque d’un autre élève, la moindre plaisanterie, même dépourvue d’intention moqueuse, était vécue par Nesto comme une insulte. Il piquait donc la mouche presque quotidiennement, en classe, en récréation ou sur le chemin de l’école, entrainant par là des réactions de méfiance, voire de rejet, de la part d’une majorité de camarades. Malgré les appels du maître à la tolérance, au respect de sa différence due à l’accident, ce dernier se trouvait de plus en plus isolé : on ne le choisissait qu’en dernier dans les équipes formées lors des leçons d’EPS (Education Physique et Sportive que nous continuions à appeler simplement la « gym »). Il n’était plus invité aux anniversaires et rares étaient les camarades à lui adresser la parole pendant les récréations.

 

Cette situation était d’autant plus difficile pour nos parents qui, malgré leur passé de soixante-huitards, nous avaient imposés et appris quelques règles élémentaires de politesse comme, par exemple, dire s’il vous plaît, merci, ne pas se servir avant tout le monde, écouter, ne pas interrompre ni répondre de manière impolie ou en usant de gros mots. Ils désespéraient de voir Nesto transgresser régulièrement ces règles de savoir-vivre par des comportements pour lesquels nos parents ne transigeaient pas, y compris avec nos camarades en visite chez nous. Ils furent donc preneurs de tous les conseils que pourraient leur prodiguer des professionnels de l’éducation.

 

L’enseignant souligna l’urgence de procéder à un bilan psychologique et émit l’idée d’un possible placement dans une structure spécialisée pour permettre à Nesto d’avancer à son rythme dans une classe à petits effectifs et de bénéficier d’un accompagnement adapté de la part d’enseignants spécialisés, ce que ne pouvait offrir une classe de cinquième primaire (« 7H » actuellement) à 27 élèves. Nesto mit les pieds contre le mur : il n’irait pas chez un psychologue. Rien de tel pour que toute la classe et tout le quartier me traite ensuite de fou, affirmait-il. Après d’âpres négociations, il accepta à condition que ce soit Aloys. Retraité, Aloys accepta tout de même de recevoir Nesto et le persuada d’accepter de voir un de ses collègues encore en fonction. Nesto posa seulement la condition que ce soit Aloys qui lui prenne le premier rendez-vous auprès du pychologue scolaire.

 

Le psychologue confirma le bien-fondé de la proposition du titulaire de classe. Mes parents visitèrent les deux institutions susceptibles d’accueillir Nesto et il fut inscrit dans celle qui semblait le mieux à même de le prendre en charge et surtout dans celle qui avait de la place immédiatement pour un stage et dès la rentrée scolaire pour une intégration à plus long terme.

 

A l’époque, les changements s’organisaient relativement facilement entre l’école, les parents et les institutions, le tout étant organisé ou simplement approuvé par l’inspecteur des écoles concernées.  Quand je pense qu’actuellement, toute décision de changement d’orientation scolaire passe par une « cellule d’évaluation » composée de spécialistes, certes, mais sans lien direct avec les enfants concernés et que la tendance est de maintenir coûte que coûte les élèves dans leurs classes régulières, je trouve que les choses ont bien changé. Et cela, à mon humble avis de maman, pas toujours forcément dans l’intérêt des enfants concernés. Une amie, maman d’un enfant « à besoins particuliers » comme ils disent, camarade de classe de ma fille Montse l’année passée, m’a dit la souffrance de son fils qui avait de l’aide 6 unités de 50 minutes, sur les 28 unités hebdomadaires. Il ne pouvait en aucun cas suivre correctement les programmes scolaires actuels, conçus pour être servis à la louche plutôt qu’à la petite cuillère. Après une année perdue à ne travailler à son rythme que 6 unités par semaine et à se persuader le reste du temps qu’il était nul, qu’il n’atteindrait jamais le niveau des autres et ne comprendrait jamais rien, il a enfin pu être placé dans une classe spéciale à petits effectifs où il progresse à son rythme et surtout, reprend petit à petit confiance en lui. Mais que de temps perdu avant et quelles conséquences pour son intégration au monde du travail, au monde des adultes ?

 

Nesto a eu beaucoup de chances de vivre sa scolarité à l’époque de notre enfance.

 

L’institution prévue dans notre district, celui dit de la Sarine n’avait plus de place et la deuxième possible se situait à Bulle, chef-lieu du district de la Gruyère (le canton de fribourg est divisé en sept districts géographiques et administratifs). Cette école avait l’avantage que les classes spéciales en dépendant soient intégrées dans les bâtiments de l’école primaire régulière. Mes parents cherchèrent une famille d’accueil proche de l’école et trouvèrent, finalement, un foyer éducatif accueillant une petite dizaine d’enfants de 7 à 12 ans. Un stage de deux semaines fut décidé et comme nous étions à mi- juin, mon frère ne réintégra pas notre école de quartier à Fribourg. A mon grand étonnement, il ne manifesta aucun regret et ces deux semaines de stage lui plurent beaucoup.

 

L’été passa trop vite. Je retrouvai mon frère, mon Nesto, espiègle et complice sur les chemins de randonnées, en Valais, où nous séjournions avec maman chez mes grand-parents paternels à Saillon et sur les plages de Ligurie où nous avions loué un modeste appartement pour les deux semaines de vacances que papa pouvait prendre en été. Nous adorions ces voyages où l’un de nos parents dépliait la carte routière quand l’autre conduisait. Ils réussissaient parfois à se perdre au milieu de nulle part, ce qui donnait aux vacances un goût indéniable d’aventure et de parties de rires. Maintenant, pour mon confort, j’utilise un GPS et mes enfants ne sauront probablement plus utiliser une carte malgré les rudiments qu’on leur donne en classe mais qui malheureusement ne font guère plus sens pour eux à l’heure du tout-numérique. Ils ne pourront pas non plus évoquer mon sens de l’orientation déficient et en rire encore des années après.

 

Mais toute bonne chose a une fin et Nesto se retrouva donc, à la rentrée, dans une classe de 9 élèves et surtout, en internat dans ce foyer éducatif qui l’avait hébergé durant son stage. L’éloignement de l’école, à une trentaine de kilomètres de notre domicile, et surtout la longueur du trajet en transports public, firent opter mes parents pour cette solution que Nesto, à ma grande surprise, approuva avec enthousiasme, désirant avant tout, nous expliqua-t-il plus tard, couper les ponts avec certains de ses anciens camarades de classe qui se trouvaient évidemment être aussi ceux de son quartier.

 

Il réintégrait le domicile familial pour le week-end et repartait sans problème le dimanche soir après nous avoir conté par le menu tout ce qui avait rempli sa semaine. L’enseignante spécialisée titulaire de sa classe, était jolie, sévère mais juste comme il se plaisait à la décrire. Il nous racontait les nouveaux copains, les activités sportives et de loisirs organisées par les éducateurs de son groupe, les repas, les incidents, comme les disputes et les inévitables sanctions ou encore de mémorables fêtes d’anniversaire.  Sur le plan scolaire, il progressait à son rythme mais pouvait maintenant travailler dans un niveau, à peu de choses près, équivalent à ce que j’apprenais dans notre école de quartier.

 

Il me manquait et je mis du temps à organiser ma vie extra-scolaire sans ce jumeau dont j’avais été si proche depuis mon plus jeune âge. J’avais l’impression que ma vie « boîtait » sans lui et je dus me faire violence et faire preuve de beaucoup d’initiative et d’imagination pour aller de l’avant sans mon frère.

 

J’avais une bande de potes du quartier autour de laquelle s’est organisée et articulée ma vie sociale et extra-scolaire jusqu’à la fin de l’école obligatoire. Nous nous retrouvions le soir, après l’école et après les devoirs, devant les immeubles, dans la cour de l’école primaire ou parfois, lorsque nous voulions être plus tranquille, au bout d’un chemin de terre qui traversait un champ et aboutissait aux abords d’un bosquet d’arbre, sur une petite colline que les gens du coin, comme je vous l’avais dit plus haut, appelaient le mamelon, ce qui faisait glousser les garçons.

 

Mes parents voulaient que je pratique un sport et je me suis mise au volley et au ski. Mes parents ne skiaient que rarement et mal. Mon père n’en n’avait plus fait depuis son service militaire. Il s’y remit, pour nous, et nous accompagnait sur les pistes du canton et parfois même en Valais, où vivaient encore mes grands-parents Raphy et Merce qui nous accueillaient dans leur maison de Saillon. Nesto était le meilleur en ski : son école organisait régulièrement des sorties et c’est lui qui poussa la famille à reprendre ce sport. Maman n’aimait pas le ski et profitait de nos absences pour préparer ses cours ou se plonger dans des romans historiques dont elle faisait une consommation époustouflante.

 

Nesto était présent les week-ends et les vacances scolaires. Il restait assez ombrageux et pouvait encore, quand il était contrarié, « péter un fusible » comme disait mon père, et piquer de grosses colères, hurler, jurer, tempêter en allant parfois jusqu’à briser des objets qui se trouvaient à sa portée Mais cela n’arrivait que rarement et il faut reconnaître que son médecin avait trouvé le bon dosage d’une médication qui stabilisait son humeur sans pour autant l’assommer et le rendre amorphe.

 

Il ne se plaignait jamais de son internat et de son école spécialisée. Il y retournait chaque fois avec plaisir. Il y avait « fait son trou » et construit de bonnes relations tant avec ses camarades que ses enseignants et les éducateurs. Mais surtout, il avait pris en confiance en lui et en ses capacités tout en sachant qu’il était responsable de ses apprentissages et que, sans travail personnel, il n’y parviendrait pas. Il comprit enfin qu’il n’était pas une victime qui a besoin d’aide mais bien un élève responsable et que ni les meilleures structures éducatives, ni les moyens auxiliaires ou les aides procurées ne remplaceraient la part d’efforts qui lui incombaient.

 

Quelques mois plus tard, le patron de papa racheta un garage à Bulle et décida d’en donner la responsabilité à mon géniteur. Mes parents ne réfléchirent pas trop longtemps et décidèrent de déménager à Bulle. Nous emménageâmes donc dans un immeuble à la fois proche du centre-ville et du bois de Bouleyres, une forêt voisine prometteuse en termes d’aventures et d’explorations. Nesto pu ainsi regagner le domicile familial et compensa, par sa présence et notre complicité retrouvée, l’éloignement de ma bande d’amis de Fribourg.

 

Mes parents avaient mis la pédale douce côté militantisme. Ils s’intéressaient toujours de près à la marche du monde, aux luttes des peuples pour plus de liberté et de justice sociale, soutenaient des amis coopérants au Nicaragua, étaient inscrits aux syndicats, participaient à la vie de l’association de quartier et votaient toujours à gauche. Mais les réunions jusqu’à pas d’heure, les querelles de chapelles, les grands débats idéologiques avaient fini par les fatiguer. Ils avaient par ailleurs bien dû constater que parmi leurs amis militants, comme partout, on trouvait même de fichus arrivistes, de fieffés égoïstes et des hommes au comportement pour le moins machiste qui n’auraient pas détonné dans des partis bien à droite. Ils rencontrèrent aussi des voisins, des collègues qui ne s’intéressaient pas du tout à la politique mais qui avaient le cœur sur la main, le sens du partage et de l’humour, le sourire et l’empathie en bandoulière. Sans remettre en cause ses convictions politiques, mon père affirmait que c’est l’être humain, la personne, qui compte et que « les étiquettes, souvent, c’était du toc et qu’il en avait sa claque ».

 

Ils avaient la passion de leurs professions respectives, voulaient prendre soin de leur couple et de leur présence aimante et éducative à nos côtés. Cela représentait déjà beaucoup et suffisait à leur bonheur.

 

Bref, j’ai un souvenir assez lumineux de cette période de la fin de l’école primaire. Ma scolarité, les activités sportives et de loisirs, les amitiés que j’y nouais, la qualité de notre vie de famille, notre complicité fraternelle, tout cela contribuait à mon bonheur.

 

(à suivre)

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