Chapitre 1

1

Les événements s'accélèrent et l'on commence à comprendre qui sont et que veulent vraiment ces terroristes.
Reprendre la lecture

Chapitre 9
 

Il fait chaud ce mardi de fin septembre. Par les fenêtres, on jouit d’une vue splendide sur le lac de Gruyère et la campagne environnante. Au fond, on devine la ville de Bulle qui, vue d’ici, semble se tasser au pied du Moléson. Pour la majorité des participants, c’est la première fois qu’ils viennent en Suisse et la vue de la « verte Gruyère » qui s’offre à eux ne peut que les conforter dans les clichés qu’ils avaient de ce pays.

 

Devant l’auberge, un serveur fume sa cigarette tout en examinant les voitures parquées immatriculées en Suisse, en Italie, en Allemagne en France et en Espagne. Il se fait la réflexion que les participants à ce séminaire organisé par une entreprise multinationale doivent jouir de confortables revenus, bien supérieurs à ce qu’il gagne ici.

 

A l’étage, dans la grande salle réservée pour l’occasion, les personnes présentes s’arrachent peu à peu à la contemplation du paysage pour prendre place autour d’une grande table parsemée de dossiers remplis de statistiques d’exportation de matériel médical et de quotas de productions par pays.

 

Un homme dans la cinquantaine,vêtu comme les autres d’un complet-cravate, prend la parole. Il s’adresse à son auditoire en anglais. Ses cheveux gris parsemés de quelques reflets bruns sont attachés par un catogan et son appendice capillaire oscille et s’agite au rythme de son discours.

 

Mes chers amis, je tiens d’abord à vous rappeler qu’officiellement vous êtes tous employés par « Pharmatech Ltd », entreprise multinationale basée à Freiburg en Brisgau avec des succursales dans vos pays d’origine, la Suisse, l’Espagne, la France, l’Italie et la Turquie, d’où les papiers que vous découvrez à vos places et le code vestimentaire exigé pour aujourd’hui. La simple boîte aux lettres que nous avons à Freiburg ne donnera pas le change longtemps et ne résisterait guère à des investigations plus poussées, mais cette couverture éphémère aura au moins servi à tous vous réunir aujourd’hui.

 

Avant de commencer, je demande à nos amis Ahmed, Werner et Vladimir de se répartir la surveillance de l’extérieur : le restaurant, la place de parc, et le trafic sur la route. Au moindre doute sur les intentions d’un intrus, vous avertissez Pietro qui restera devant la porte de cette salle et nous donnera immédiatement l’alerte. Ces mesures de sécurité étant posées, venons-en à ce qui nous réunit.

 

Comme vous le savez, tout ce qui peut déstabiliser ces démocraties décadentes sert nos intérêts et notre but à tous : l’établissement d’un ordre mondial libéré des défenseurs des droits de l’homme, des féministes du politiquement correct, des juifs, des homosexuels, des mous et des humanistes de nos religions respectives, du désordre, des grèves.

 

Nous voulons des gouvernements forts et des peuples qui travaillent, se taisent et respectent leurs chefs. Nous voulons pouvoir faire des affaires sans que des emmerdeurs viennent nous parler de moralité ou de conditions de travail. Nous voulons collaborer entre les Etat islamiques de l’Orient que vous voulez créer chers collègues et les Etats fascistes de l’Occident que nous appelons de nos vœux et que n’auraient pas renié nos maîtres à penser que sont Mussolini, Hitler, Franco, Videla ou Pinochet. Si nous respectons nos engagements sur nos zones géographiques d’influence, nous ne perdrons plus de temps à nous quereller et pourrons nous concentrer sur ce but.

 

Mais le chemin est encore long. Il faut pour cela que les démocraties occidentales se délitent et que les pays musulmans rejoignent votre interprétation rigoriste de l’Islam. Le chaos que nous pouvons provoquer en occident amènera de nombreux musulmans à quitter ces contrées pour rejoindre les pays où votre vision de l’islam, intransigeante et intolérante, aura triomphé. Je salue au passage le fait qu’en Arabie Saoudite, au Pakistan, en Turquie par exemple, vous progressez de manière significative et que dans quelques autres contrées, votre travail de de propagande est bien avancé.

Et chez nous, en occident, la peur de l’étranger, la haine des migrants et l’idée que ce chaos est dû aux élites bien pensantes, aux humanistes, aux féministes, aux juifs, aux homos, va précipiter les gens dans les bras des partis nationalistes et xénophobes qui nous sont très proches et que nous n’aurons aucune peine, une fois qu’ils seront au pouvoir, à en épurer les éléments les plus mous et les plus tolérants à l’égard des démocrates. Nous atteindrons alors notre but d’instaurer un état fort débarrassé de toutes les contraintes constitutionnelles antérieures. Là aussi, par exemple, les actuels gouvernements hongrois, polonais, italiens nous donnent l’espoir d’être sur le bon chemin.

 

Dans l’immédiat, si nous sommes réunis aujourd’hui et dans ce lieu, c’est qu’une phase importante de la guerre que nous menons va se dérouler tout près d’ici. Nous avons en effet l’occasion d’éliminer d’une seul coup quatre dirigeants politiques qui constituent de gros obstacles à notre projet et de frapper l’opinion publique. Non seulement la disparition de ces ennemis déstabilisera les gouvernements concernés et les populations, mais l’ampleur de cette action avec son lot inévitable d’autres victimes collatérales, engendrera un besoin de sécurité que le laxisme des autorités actuelles ne peut fournir. Et c’est là que nos partis amis pourront intervenir : en promettant l’ordre et la sécurité, en blâmant les musulmans et en expulsant un maximum d’immigrés source d’insécurité selon la ligne de ces partis. Là, nous sommes gagnants à tous les coups : les musulmans, ostracisés et marginalisés, se radicaliseront plus facilement et rejoindront votre zone d’influence. Les citoyens des pays occidentaux ne jureront plus que par la sécurité et l’ordre à tout prix, qu’ils nous croiront les seuls à pouvoir les leur procurer.

 

Très concrètement, notre action aura lieu le 3 octobre lors de l’excursion des politiciens réunis à Genève du 2 au 4 octobre, au siège européen de l’ONU pour discuter d’immigration.

 

Nous ferons une action de diversion en faisant exploser une bombe devant le siège d l’ONU à Genève. Nous avons trouvé deux volontaires français parmi des volontaires jihadistes qui ne demandent pas mieux que de donner, au besoin, leur vie pour la cause et mourir en martyrs pour se retrouver au paradis avec les vierges promises par vos théologiens. Ahmed, notre responsable sécurité, est chargé de les coacher et les préparer à cette mission.

 

L’attentat majeur, celui que nous attendons, aura lieu tout près d’ici, lors de l’excursion des politiciens et de leurs accompagnants dans la ville de Gruyères, perchée au sommet d’une colline, accessible par une seule route et dont tout le centre historique est piéton. Ils suivront une visite guidée de la ville et du château qui se conclura par un repas dans un restaurant de la place. Le convoi, certainement installé sur les deux parkings les plus proches de l‘entrée de la ville, reprendra sa route pour Genève dans l’après-midi.

 

Nous avons déjà loué depuis l’été passé, une maison se trouvant proche de l’unique route d’accès. Nous y avons aménagé des caches impossibles à découvrir lors des fouilles préalables qui vont certainement avoir lieu tout au long du parcours. Nous y avons stocké trois armes filoguidées antichar avec lesquels nos hommes viseront les trois voitures véhiculant les principaux dirigeants visés puis mitrailleront le convoi. Nos combattants seront équipés de kalachnikovs AK47 achetés en Bosnie et de fusils d’assaut de l’armée suisse, des FASS 90, volés dans une caserne il y a deux ans avec l’aide d’un de nos hommes qui y accomplissait son cours de répétition annuel de 3 semaines, comme les citoyens suisses doivent le faire chaque année. Les munitions nécessaires sont déjà stockées dans la cachette.

 

Il y a, au bas de la route d’accès, deux bosquets assez touffus dans lesquels nos hommes aménageront leur poste de tir. L’essentiel des forces de sécurité accompagneront le cortège officiel et s’il en reste par hasard au bas de la colline et autour des petites forêts qui bordent la route, nos hommes, équipés de silencieux, les élimineront.

 

Nous interviendrons au moment où le convoi quittera Gruyères Nous avons déjà recruté 8 hommes, dont 4 proposés par la partie djihadiste : 1 libyen, 1 pakistanais, un suisse d’origine turque et un français. De notre côté nous alignerons quatre soldats issus de nos groupes nationalistes que nos ennemis appellent fascistes mais qui est pour nous un compliment. Il y aura un italien, notre ami Pietro chargé de la sécurité aujourd’hui ainsi qu’un espagnol, un allemand et un suédois. 6 hommes se chargeront de l’attaque. Un autre sera dans la maison, prêt à sauter dans une camionnette pour récupérer ses camarades après l’attaque. Enfin, le dernier, sans arme puisqu’une fouille sera certainement organisée à l’entrée de la ville, se mêlera aux badauds et donnera l’alerte par message téléphonique quand le convoi quittera la place de parc supérieure de la ville. Pietro est celui qui connaît le mieux la région pour y avoir grandi quand ses parents ont émigré d’Italie et parle le français avec l’accent du coin. Ce sera lui qui vous donnera le signal de l’attaque.

 

Tous ces hommes ont une formation militaire antérieure et ont, de plus, suivi un entraînement commun dans vos camps de Syrie et de Lybie. Surtout, je peux vous assurer que ce sont les meilleurs et qu’ils ont été sélectionnés parmi des dizaines de candidats. Nous les payons à la hauteur de l’importance de la tâche qui leur est assignée. S’ils s’en sortent vivants, ils seront à l’abri du besoin pour le restant de leurs jours. Ils ont reçu aujourd’hui même leurs dernières instructions précises.

 

Je dois vous donner une autre information qui pourrait s’avérer inquiétante pour nous. Un réseau d’espionnage a ét montée par les kurdes de cette région du nord-est de la Syrie qu’ils appellent le Rojava, avec l’aide de militants de gauche et de défenseurs des droits de l’homme occidentaux. Ils ont documenté plusieurs actions qui pourraient retarder ou faire du tort à notre projet commun. Par exemple, et je vous cite en vrac, ce que vous avez accompli chez les Yézidis ; les drogues que nous donnons à nos combattants pour éviter la fatigue et la peur ; les compromissions du gouvernement turc avec les organisations jihadistes ; l’implication d’un certain nombres d’entreprises occidentales dans le domaine du ciment,du pétrole, des armes, des olives, des pistaches et j’en passe. Tout ceci, c’est sans compter bien évidemment les armes qui vous sont livrées, mes amis jihadistes, directement par la frontière turque ou par l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe, en provenance d’Allemagne, d’Espagne, de France, de Suisse, des Etats-Unis, de Chine ou du Pakistan.

 

La publication de ces informations pourrait nuire grandement à notre projet en décourageant un certain nombre d’entreprises qui ne voudraient pas être montrées du doigt par la communauté internationale. Les preuves de notre collaboration pourrait également à la fois refroidir nos sympathisants des deux côtés qui ne comprendraient pas cette alliance qui pour eux est contre nature pour des raisons religieuses ou idéologiques.

 

Nous avons fait le nécessaire pour éliminer le principal organisateur de ce réseau d’espionnage, un certain Suat Kocho, yézidi et professeur de littérature kurde, qui s’était réfugié en Suisse. Nous l’avons liquidé dans une attaque qui a passé pour un attentat jihadiste comme les autres destiné à punir les réfugiés, désignés comme traitres qui s’étaient enfuis de leurs pays. Nous pensions qu’un militant de ce réseau pouvait avoir obtenu ces renseignements de la part du professeur kurde éliminé. Nous connaissions son identité et avons tenté de mettre la main sur lui en Irlande où il résidait après avoir quitté la Syrie, puis en Suisse en enlevant sa sœur pour le faire réagir. Cette dernière tentative a été déjouée par la police locale mais nos hommes, dont l’un est tombé en martyr, ne parleront pas et nous nous remettrons en piste une fois accompli notre prochain coup d’éclat dont je viens de vous parler.

 

Si vous êtes réunis ici aujourd’hui messieurs, c’est donc pour donner corps à notre projet en participant financièrement à sa réalisation. Vos entreprises, en Turquie, en Suisse, en France, en Espagne, en Italie, en Irak en Syrie et même aux Etats-Unis contribuent depuis longtemps à notre projet et partagent notre vision du monde dans lequel vous jouerez un rôle économique important pour le maintenir prospère et sûr. Je vous propose donc aujourd’hui d’augmenter exceptionnellement et pour cette année à venir, de 10 % vos contributions régulières afin de mener à bien cette opération qui nous apparaît comme une étape importante sur la route du pouvoir. Et qui dit pouvoir dit aussi garantie future d’une bonne marche de vos entreprises actives dans ces domaines essentiels à notre projet que sont la Chimie, l’alimentation, la construction, l’armement et la télécommunication.

 

Je vous remercie pour votre engagement et vous assure que le comité vous informera en détail de la suite de nos activités et des stratégies mises en place pour exploiter le mieux possible les retombées de la bataille que nous allons livrer. En effet messieurs, nous sommes en guerre et ne l’avons pas encore gagnée mais cette prochaine bataille nous permettra de faire un grand bond en avant.

 

Je reste à disposition, ainsi que mes collègues du comité, pour toutes les questions que vous auriez. A la fin de la séance, je vous convie au repas que nous avons commandé dans ce restaurant connu loin à la ronde pour la qualité de se cuisine mais en vous donnant une consigne stricte de sécurité : nous n’y parlerons que que de produits pharmaceutiques, de souvenirs de vacances ou d’autres banalités. Dès le début du repas, nos hommes chargés de la sécurité pourront disposer.

 

Merci de votre attention.

 

Pietro, un quadragénaire barbu, aux cheveux bouclés noirs et à la stature imposante de rugbyman, ouvre la porte pour laisser sortir les convives. La caméra dissimulée dans les branches de ses lunettes les photographie tous au passage. Il va ensuite prendre congé du comité directeur de trois personnes, un irakien, un pakistanais et un suisse, dont les visages restent aussi gravés en numérique sur l’appareil miniaturisé dont Pietro s’est équipé.

 

Dans la voiture, il synchronise avec le système « mains-libres » le dernier téléphone à carte pré-payée qu’il vient d’acquérir.  Il démarre et roule en direction de Fribourg. Au village du Bry, il s’arrête brièvement sur le bord de la route pour composer un numéro puis redémarre.

 

— Nesto ?

— Oui

— C’est Pietro. Ecoute moi-bien. Je n’ai pas beaucoup de temps. Il faut que tu me décroches un rendez-vous avec quelqu’un de la police fédérale ou des services secrets. Il me faut une huile, quelqu’un d’autorisé à prendre une décision. Je vais livrer le plan détaillé d’un attentat prévu le 3 octobre prochain à Gruyères, contre les chefs d’état qui seront présents. J’ai également, et pour la première fois, les photos de toute cette bande de salopards d’amoureux du totalitarisme qui ont organisé cette mafia du terrorisme, dont le comité exécutif de trois personnes, prises aujourd’hui même dans le deuxième sommet de cette alliance de souffre et de sang. J’étais en charge de la sécurité, Tu te rends scompte ! ?  Il y a six ans que je me fais passer pour une de ces ordures fascistes. J’ai réussi au-delà de toutes mes espérances et tu sais comme moi tous les renseignements que j’ai pu transmettre aux structures anti-terroristes européennes.  Ils croient tellement à mon engagement et mon dévouement qu’ils veulent que je participe à l’attentat, ce qui n’est réservé qu’aux plus insoupçonnables de leurs combattants. Mais je suis arrivé au bout de ce que je peux faire et je veux tout arrêter. Mes camarades du Rojava et tous mes amis engagés dans la défense des droits humains avec moi comprendront que l’on ne peut pas passer une vie entière dans la clandestinité. Mes révélations ajoutées à celle de Suat vont freiner ces fous pour un moment et surtout, vont déclencher des menaces de sanctions économiques contre la Turquie si le dictateur en place persiste à vouloir éliminer les Kurdes et à soutenir les jihadistes. Je peux tenir jusqu’au jour prévu de l’attentat et aider à le faire échouer. Mais j’ai une demande prioritaire : s’ils ne me démasquent pas avant et que je m’en sors vivant, je veux la garantie de pouvoir changer de visage et de vie. Autrement dit, je veux une nouvelle identité, un nouveau visage après un passage en chirurgie esthétique et je veux pouvoir disparaître au bout du monde, en Amérique du Sud ou ailleurs, avec ma copine qui vit actuellement en Angleterre et qu’ils ne connaissent pas. Tu peux m’obtenir ce rendez-vous au plus vite ?

— Je ne connais personne à la police fédérale pas plus qu’aux services secrets mais je connais une inspectrice de la police cantonale en charge de l’enquête sur l’attaque de Villarlod qui a tué Suat. Elle a l’écoute de ses chefs et j’espère que ça fonctionnera. Tu veux la réponse pour quand ?

— Dès que possible. Au pire avant vendredi soir. Le samedi, je dois rencontrer mes complices et réceptionner avec eux les munitions à cacher à Gruyères. Dès dimanche, nous ne sommes plus sensés sortir de notre maison jusqu’au jour J.

— Merci Pietro et bravo ! On sait ce qu’on te doit ! Ne te bile pas, je fais fissa et te redonne des nouvelles. Par quel biais ?

— Je n’ai pas le temps d’utiliser le kiosque. Rappelle-moi sur ce portable : c’est la première fois que je l’utilise. Et pour le rendez-vous, demande un endroit discret où personne ne pourra me repérer.

— C’est tout bon. Je fais le nécessaire.

— Et Pietro.

— Oui, quoi ?

— Sois prudent un max, pour toi d’abord mais aussi et surtout pour ce que tu peux permettre d’éviter…

— Je tiens à la vie Nesto, et jusqu’à présent, ma prudence a payé…. A bientôt l’ami.

Commentaires (0)

Cette histoire ne comporte aucun commentaire.

Laisser un commentaire

Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire