Priam et Starben Case ont entrepris d’écrire une histoire à quatre mains, sous le pseudo de PongPing. Chacun son tour, 2000 signes. En improvisation totale. Puis l'histoire a fait son propre chemin sans prévenir. N'étant pas d'accord sur la tournure des événements, chacun a repris sa liberté en écrivant la suite de l'Engagement. Vous pouvez aussi continuer l'histoire...
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Pong commence…

Je m’appelle Pong. Pong comme éponge, sans les “e”, ou comme gong, mais avec un “p” à la place du “g”…. mais non, pas Gonp… Pong. Je ne vais pas me décrire d’emblée, car j’ai de la peine à me définir, et vous à me saisir. Vous pouvez pour l’instant vous imaginer l’avatar que vous voulez, je m’adapterai sans souci à vos attentes et votre besoin irrépressible de représentation. Voilà, j’en ai déjà assez dit sur moi.

De toute façon, quand j’entre en scène, c’est le noir total. Impossible pour le public de sentir ma présence, d’entendre un souffle, un froissement de tissu. Le public, bien au contraire, moi je le vois et je peux l’ausculter tout à loisir, comme un voyeur. C’est comme un œil de mouche gigantesque. Un œil à facette qui peut voir partout, dans toutes les directions, simultanément. Mais pour l’instant, c’est l’obscurité total et et l’œil de mouche vibrant devant moi ne peut contempler que lui-même ou le grand rectangle noir de la scène.

©Pong

 

Ping: Le tunnel

Pong ouvre la scène et en cela, il pose le décor, l’ambiance, le ton. Il attribue même le rôle de diva à Ping. Ping, c’est moi. Les apparences sont trompeuses. En fait de noir total, c’est Pong l’éclaireur qui met en lumière la première scène. Je suis PING, diminutif ridicule de mon nom de scène, Patricia Inglewoods, que Pong a institué dès mon arrivé. Une façon de s’approprier les vedettes, sans doute.

La scène s’ouvre sur une nuit noire. Lorsque mes yeux s’habituent, je devine un tunnel et au fond de ce tunnel, quelques surfaces brillantes, comme des miroirs qui réfléchissent une lueur inexistante. Comment me suis-je trouvée là ? Je me souviens être sortie de scène sous les applaudissements enthousiastes du public. En voulant revenir saluer mon public, j’ai heurté un objet assez dur. J’ai failli tomber, mais en contournant l’obstacle, je me suis perdue dans les rideaux, puis dans les coulisses. Curieux, ce silence. Je n’entends même plus le public. Autant se diriger vers cette faible brillance que j’aperçois. Un œil de mouche gigantesque? Pong exagère. Je dirai plutôt une paroi de cristal…

Cela semblait si proche et pourtant je marche depuis au moins une demi-heure! Enfin, j’arrive au bout de ce sinistre tunnel et me retrouve devant une gigantesque paroi de métal formée de triangles, une paroi en relief où chaque triangle incliné dans un sens, puis dans l’autre, fait penser à une œuvre de Vasarely. Fascinée, j’étends ma main pour effleurer la surface lisse d’un triangle. Il devient lumineux et une image apparaît…

©Ping

 

Pong.

Je l’ai perdue. Perdue de vue tout au moins. Elle avait quitté l’avant-scène, mais les applaudissements étaient si fournis qu’elle aurait dû se montrer pour un deuxième salut. Moi, je reste derrière le rideau rouge, je scrute les coulisses, l’arrière-scène qui s’étend et se perd dans le noir. Je doute un instant que les applaudissements soient pour moi. Non, impossible, je n’étais qu’un faire-valoir, elle avait le beau rôle. Peut-être m’aurait-elle pris par la main pour aller saluer la seconde fois… La salle s’échauffe, elle tape des pieds sur le parquet, les mains, les pieds, les cris… tout en rythme. On dirait une armée de fantassins qui approche. La salle est toujours dans le noir. Que fait l’éclairagiste? Il doit être aussi désemparé que moi. Je scrute à nouveau les coulisses et le trou noir de l’arrière-scène espérant distinguer le scintillement de la robe à paillettes de Ping. C’est plutôt une forme triangulaire, extrêmement lumineuse qui soudain apparaît dans les noir poussiéreux. Ce n’est pas un spot, pas plus un miroir, mais c’est aussi clair qu’une fenêtre ouverte sur le ciel.

©Pong

 

Ping: Le miroir

Dans ce miroir qui n’en est pas un, une image apparaît. Elle montre une scène familière. De celle que je viens de jouer. Je reconnais l’ambiance, les acteurs parlent silencieusement, mais quelque chose semble totalement étranger. Un frisson me parcourt les cheveux et ma main fait un geste désemparé. Je réalise que cette scène est jouée par des acteurs anciens. Une autre époque. Cela est d’autant plus étrange que la vedette qui joue mon rôle me ressemble. Les traits… les gestes… mais pas le regard, le regard est différent. Presque aussitôt, je réalise que reconnaître son propre regard est aussi impossible que d’entendre sa propre voix depuis l’extérieur. Alors c’est peut-être moi, mais comment est-ce possible? Je déteste le mystère et depuis que je fais partie de la Compagnie de Maurice d’Aubaine, j’entends des tas d’histoires, de légendes…. C’était quoi déjà cette supposée malédiction…? Après tout, ce théâtre existe depuis plus de 300 ans et cette pièce a été jouée tant de fois. L’espace où je me trouve doit être une salle d’archives audio-visuelle.

Soudain, l’actrice s’effondre et disparait de ma vue. Elle est en bas là… je me penche pour la retrouver et j’ai l’impression étrange d’être observée. Je croise le regard d’un homme dans le coulisses. Il me regarde, alors que les autres acteurs ne semblent pas me voir. Un rictus se forme sur son visage et soudain je recule. On aurait dit… non ce n’est pas possible… PONG! Encore lui!

Avant que je ne réalise ce qui se passe, une main me saisit par les cheveux et m’attire sur cette scène d’un autre temps…

©Ping

 

Pong: Répétition

— Ping! Ping!… Que se passe-t-il? Tu voulais t’échapper, sortir de scène… par le miroir du décor !!?? J’arrive pas à y croire à cette sortie de scène de cascadeur. Je la tire par les cheveux qu’elle porte longs et soyeux, presque sans effort, elle se laisse glisser à nouveau sur le plancher de scène. Aucun éclats de verre miroité, c’était comme si elle avait traversé un miroir de mercure liquide.

— Ping! Tu m’entends? T’as l’air absent et pas bien du tout. Heureusement qu’on est en répétition et qu’on était seuls en scène et que Raoul n’était pas en salle.

Ping restait muette, toujours déconnectée. Qu’a-t-elle vu dans ce grand miroir triangulaire? Elle me regarde toujours un peu fixement, comme si à travers nos regards échangés, elle voyait d’autres yeux…

22 heures à ma montre. Le concierge allait venir d’une minute à l’autre taper les trois coups. Lui aussi s’adonnait à la mise en scène, les trois coups signifiant pour lui la fin de la pièce. Il voulait éteindre les lumières, fermer les portes, rentrer chez lui où l’attendait un repas froid préparé par sa femme, déjà installée devant la télévision, un chat de vingt ans sur les pieds et un bichon maltais blanc jaunâtre en guise de manchon.

Peu après, nous voilà au café du coin, le Café Thalie, en hommage à l’illustre théâtre qui lui fait face. Attablés devant une soupe à l’oignon et deux bières fraîches. Tout ce dont Ping avait besoin. Ses cheveux noir jais accentuaient encore plus le blafard de son teint, et ses yeux bleus, en étaient presque argentés à force d’être pâles.

©Pong

 

Ping: Retour vers le miroir

J’entends Pong de loin, de très loin car je m’éloigne. Et puis, je déteste la bière et la soupe à l’oignon. Comment résister à cet appel dans le temps qui m’attire vers le passé, dans les coulisses d’une autre époque. Tant pis pour les trois coups qui doivent me trouver prête pour mon supplice du soir. Oui, c’est devenu un supplice de se donner en spectacle à un parterre clairsemé de fidèles qui ronflent une partie de la soirée. Le théâtre n’attire que des abonnés absents. Bientôt il faudra vendre du popcorn pour que les gens se croient au cinéma. Certaines actrices du muet se sont définitivement tues avec l’arrivée du parlant. Leurs expressions se sont éteintes, le public est devenu aveugle ou plutôt sourd. De même, l’écran minuscule de l’ordinateur a remplacé le grand écran de la scène, mon royaume. Cette occasion unique de plonger dans un passé bruyant de mystères, je choisis de le suivre et qui sait, peut-être que je remonterai vers les sources de la malédiction qui frappe le théâtre Thalie depuis si longtemps. Au dire du père de Pong, qui officiait lorsque je suis arrivée dans la troupe d’Aubaine, il y avait une certaine Présence ou une présence certaine. Une sorte de densité invisible que l’on accusait de tous les maux qui frappaient le théâtre ou les acteurs, qui manifestait son accord ou déplaisir par une multitude de signes. Au début, je n’y avais pas pris garde, ne voulant pas me laisser envahir par la superstition savamment entretenue par toute cet équipe de glauques. Puis, un jour, il y eut l’affaire du rideau…

Mais revenons vite vers la salle des miroirs ou ce qui semblait être une entrée vers l’époque où tout a commencé. Avant que je ne réalise ce qui m’arrive, la «fenêtre» apparaît devant moi et je l’enjambe sans hésiter. Au même instant, j’entends nettement, mais alors très nettement les trois coups….

©Ping

 

Pong: Malédiction

On est revenu au théâtre où Ping avait paraît-il oublié un truc. Quel truc? Elle ne m’en dira pas plus. Elle a vraiment l’air détaché de tout, comme si elle allait se dissoudre peu à peu dans l’espace. Je l’attends dans le foyer et je pense à mon père, Maurice, sa troupe et ce vieux théâtre furent toute sa vie. Il est mort il y a cinq ans, mais partout, des sous-sols jusqu’aux cintres, on sent toujours sa présence. Bizarre, certains parlent de malédiction. Mon père serait paraît-il toujours présent dans les lieux. Il observerait tous les faits et gestes des comédiens, du personnel, du public aussi, et comme un artiste tout-puissant, il continuerait à mettre en scène une pièce inouïe. Moi qui suis des plus rationnels, j’ai peine à croire ces fadaises, je sens parfois poindre de la jalousie à mon égard quoique j’aie le même statut que tous mes collègues. Succéder à la direction de la troupe ne m’a jamais intéressé. Raoul Francal, après des années de carrière dans le théâtre d’avant-garde parisien, a repris la troupe d’Aubaine à la mort de papa. Moi, ce que j’aime c’est jouer, sur scène, dans les lumières, face au trou noir de la salle dont on ne distingue que les deux ou trois premiers rangs… Mais qu’est-ce qu’elle fout?!! Ping! Ping!… Ping!… tu viens enfin! … Aucune réponse. Je passe dans la salle, éclairant mon chemin à la lueur de mon cellulaire. Personne. Les loges et les coulisses sont aussi désertes. Jusque dans les toilettes, mes appels résonnent avec pour seule réponse mes “ping” en écho… Je reviens sur mes pas, totalement perplexe… elle s’est volatilisée. Je remonte sur la scène, promène le faible halo de mon téléphone sur le grand rideau qui ruisselle dans toute sa largeur comme une silencieuse cascade de sang.

©Pong

 

Ping: disparaît

Un mauvais pressentiment me gagne et mon instinct me dit que Ping ne va pas réapparaître de si tôt. En tout cas pas pour la représentation de ce soir. Je réalise avec effroi qu’il faut trouver Amanda, la doublure de Ping. Cette jeune actrice à petites boucles que Raoul a insisté pour intégrer dans la troupe. Pourtant, elle n’a aucun talent, juste un minois, et là, je reste poli. Je me dirige rapidement vers sa loge car les trois coups vont bientôt sonner. Elle doit être là en train de bouder car ce n’est pas elle la vedette du show. Je frappe à sa loge, mais elle ne répond pas. L’énervement me gagne et je frappe plus énergiquement contre sa porte. Une petite hésitation et j’ouvre, prêt à déverser mon angoisse sur Amanda. La loge est vide, toute éclairée avec juste le miroir me renvoyant ma mine défaite. Rebroussant chemin, je décide d’avertir Raoul. Après tout, c’est à lui de prendre la situation en main. Un grand escalier en colimaçon monte depuis derrière la scène jusqu’à son bureau, qui se trouve en-dessus de la salle des machines. J’ai toujours joué de mon ancienneté pour me dégager de responsabilités inutiles tout en gardant certains droits appréciables. L’un d’eux consiste à pouvoir déranger Raoul à tout moment dans son bureau, espace privé et interdit à la plupart des acteurs de la troupe. Arrivé en haut de cet escalier étroit qui n’en finit pas, je rentre sans formalités dans ce haut lieu. Raoul n’est pas seul et je constate, sans surprise, qu’Amanda se console auprès de lui. Totalement essouflé, je m’efforce d’expliquer la situation: «Ping disparu… plus là… vous expliquerai. Amanda… entrée en scène… un quart d’heure.» Le visage d’Amanda se transforme en rayon solaire, et laissant son Raoul planté là, elle manque de me faire basculer dans le vide en descendant bruyamment l’escalier, suivie de Raoul et moi. Chacun reprend son rôle. Peu à peu, les bruits s’estompent, la tension et le silence deviennent lourds… juste avant les trois coups…

©Ping

 

Pong: La place est vite prise

— … ah, la garce… elle n’a pas attendu longtemps pour prendre ma place!…

Ping s’était approchée du miroir, de l’autre côté, du côté du tain, et observait la pièce sans être vue.

— Ah, la talentueuse Amanda! Quelle tueuse du talent!

Elle minaude, elle roule des yeux. Tout le petit monde du théâtre savait qu’elle couchait avec le directeur Raoul qui n’était pas trop regardant quant à ses capacités sur scène. Il a suffit d’une seule défaillance de Ping pour qu’elle entre en scène, à sa place. Evidemment, elle connaissait son texte, elle avait eu bien le temps de l’assimiler durant ces années où elle tournait autour du pot de miel. Mais voilà que ce soir, pour sa première dans le rôle titre, elle en faisait trop, elle surjouait, écrasant tous les autres. Pong lui donnait la réplique, avec modestie et recul, la laissant plastronner tout à son aise. Il semblait mal à l’aise, inquiet, absent. Plusieurs fois durant la représentation, Ping surprit son regard qui venait de temps à autre plonger dans le miroir baroque, accroché au-dessus d’une console près du canapé. Il savait être la seule porte possible par laquelle Ping s’était échappée. Il devinait que peut-être à l’instant même, Ping observait tout depuis cet autre monde. Que cherchait-elle “là-bas”? Ces derniers temps elle revenait souvent sur cette présence invisible qui régnait dans ces lieux. Mon père, grand superstitieux, n’en faisait pas mystère et en rajoutait à qui voulait entendre. Fadaises!

La pièce se termine enfin devant un public partagé, un poli qui applaudit mollement et un ennuyé qui se lève le plus discrètement possible pour gagner la sortie. Amanda ne voit rien, elle n’entend que ces frappements de mains qu’elle multiplie dans sa tête au centuple! Ce soir, Pong sait qu’il va se laisser enfermer dans le théâtre lorsque le concierge paraîtrait vers 23 heures.

©Pong

 

Ping: Derrière le miroir

Après la représentation, les artistes se dispersèrent dans un joyeux froufrous de rires pour regagner leurs loges et se changer, impatients de se retrouver au Café Thalie où le patron les attendait avec le traditionnel champagne pour fêter la représentation du soir, succès ou pas. Pong prétexta une crise de foie afin d’échapper à cette réunion. S’enfermant dans sa loge, il passa en revue cette étrange journée. Le théâtre est silencieux lorsque Pong sortit de sa loge pour regagner la salle, encore tout habillé de son costume de scène où il jouait le rôle d’un mendiant du Moyen Âge. Avant de retourner vers le miroir, il décida d’explorer la loge de Ping. Peut-être trouverait-t-il un indice. Tout d’abord découragé par le furieux désordre qui règnait dans la loge, il s’activa néanmoins à fouiller les tiroirs méthodiquement, se perdit dans les costumes qui s’enroulèrent autour de ses jambes, parcouru la table de maquillage encombrée de pots et d’accessoires de toutes sortes. Rien d’anormal. Pong se laissa tomber dans la chaise. Le miroir de Ping, témoin depuis des générations de toutes les transformations et angoisses des artistes se préparant à entrer dans leurs personnages, lui renvoya son visage déçu. Au loin il entendit le concierge fermer la porte d’entrée. Soudain, son regard tomba sur un petit papier plié derrière la boîte à bijoux. Il ne réagit pas tout de suite et se remémora toutes les fois où il avait partagé avec Ping le trac de la scène et, en même temps, les joies des représentations. La sensation qu’elle cachait quelque chose lui était toujours restée de façon diffuse et sans preuve. Aussi loin qu’il se souvienne, il connaissait cette sensation que quelque chose n’allait pas dans ce théâtre sans que personne n’en parla jamais. Toujours à ses pensées, sa main se tendit vers le papier qu’il ouvrit distraitement.

©Ping

 

Pong: Le message

Pong ouvrit avec appréhension le morceau de papier plié. Une écriture hâtive qu’il connaissait bien disait:

“Celui qui trouvera ce message saura qui je suis et où je suis. Rendez-vous avec son image,

cette nuit à 3h”.

Pong regarda son mobile… 2h. Le concierge était parti, les portes fermées. Il n’avait pas pensé à contrôler la loge de Ping, sachant qu’elle faisait défaut ce soir. “Rendez-vous avec son image…” Pong avait tout compris; ce ne pouvait être que le miroir du décor. Il s’attendait à patienter de longues minutes, à retourner dans sa tête toutes les péripéties des derniers jours. Enfin, il aurait peut-être quelques éclaircissements au fameux rendez-vous. Il sortit de la loge, s’aventura dans les coulisses et jusqu’à la scène en s’éclairant de son téléphone mobile qui dessinait un halo blafard sur les murs et le sol. Une ombre furtive traversa la scène, un miaulement se fit entendre. “Un chat?” cria Pong à voix haute, tant il était surpris. Peu après c’est deux yeux jaunes, brillant comme des topazes, qui entrent dans le spectre du halo. Pong reconnu le chat roux du concierge. Il avait dû suivre son maître qui logeait juste au-dessus du foyer du théâtre. Soudain la porte de la salle s’ouvrit sur le grand halo d’une torche. “Belphégor! Belphégor!” Comme un éclair le gros chat fonça vers la lumière avec un miaulement sinistre qui voulait dire… ” Il y a un intrus dans mon palais!”. La porte se referma en un long trait vertical de lumière. Dans le noir, caché derrière le rideau de scène, Pong consulta l’heure… 2h50. Le faisceau du téléphone faisait briller le grand miroir triangulaire du décor. Pong s’en approcha, se disant que Ping aurait peut-être un peu d’avance.

©Pong

 

Ping: Retrouver Ping

Il distingua des ombres dans le miroir et ne put s’empêcher d’approcher comme hypnotisé par la scène. Il se pencha pour mieux voir et un courant d’air de plus en plus fort l’aspira dans le miroir. Il tenta de toutes ses forces d’y résister, mais ce fut trop tard. Il tomba sur un plancher en bois rugueux illuminé par un seul rayon de lumière au-dessus de lui, à hauteur d’homme. Il s’aperçut qu’il était dans le trou du souffleur, celui qui pallie les trous de mémoire. A travers la lucarne, il vit des acteurs jouer sur scène dans une pièce qui lui semblait familière. Il reconnut vaguement une pièce peu connue de Shakespeare, La Prophétie du Mendiant. A part cela, tout lui semblait étrange et… il aperçut Ping, ou plutôt Patricia Inglewoods, recroquevillée au sol, dans une attitude servile. C’était le «mendiant»! Cela ne lui ressemblait guère, elle qui aimait pavaner dans le premier rôle. Elle semblait immobile, effacée. Il tenta de l’appeler dans un murmure. “Ping… Piiing”. N’obtenant aucune réaction, il sortit le billet de sa poche, en fit une boule qu’il lança vers elle. Le billet disparut dans un murmure imperceptible de chiffons sales.

Soudain, il entendit un bruit dans le fond de la pièce où il se trouvait. Il recula dans l’ombre pour se faire le plus discret possible. Une silhouette apparut. Il ne comprit pas tout de suite la raison de l’étrange vêtement de celui qui faisait office de souffleur.Tout semblait si anachronique. On aurait dit un sac de jute chaussé de sandales de moine. Un instant de lumière sur son visage et Pong sentit un frisson le parcourir. Il connaissait ce visage! On aurait dit Maurice, son père, mais en très vieux. Bien plus vieux que son père. Ses sens en éveil, Pong se dirigea silencieusement vers la petite porte dérobée. Un soupçon prenait forme dans ses pensées et il voulait en avoir le coeur net. Où se trouvait-il exactement? Pourquoi Ping se camouflait dans cet accoutrement?

©Ping

 

Pong: Rideau!

Les coulisses lui semblaient familières, bien que vétustes, et il décida de trouver la loge de Ping en attendant la fin de la représentation. Il entra dans une loge aux initiales de P.I.

C’était bien la loge de Ping. Il reconnaissait l’odeur de son parfum préféré, la réplique parfaite de sa loge, celle de l’autre côté du miroir, celle du monde réel. Pong survola la table de maquillage espérant y trouver un autre message écrit de la main de Ping. Face au grand miroir entouré d’ampoules dans lequel tout acteur aime se regarder et composer son personnage, Pong observa son visage qu’il découvrit soudainement anxieux, blafard, fatigué. Peu à se peu ses traits s’estompèrent et c’est le visage de Ping qui apparut… ses lèvres s’écartent, elle veut parler… «Pong !… Pong !… reviens en scène et joue ton rôle… jusqu’au bout, tu le connais, ton père te l’a écrit!».

Comme un automate, Pong quitta la loge et se dirigea vers les coulisses du côté jardin. Il cherche à tâtons le dispositif de fermeture du lourd rideau de scène qui se met à glisser avec une telle violence qu’il sort de son rail et s’effondre en un bruit sourd sur l’acteur vêtu du sac de jute, qui se tenait à ce moment-là près du trou du souffleur. Ping pousse un cri d’effroi face à l’énorme masse de velours rouge et moiré. Ses yeux à la fois hagards et injectés de sang, elle s’avance et vocifère :

— Meurs ! meurs ! Que ta mort libère enfin le théâtre

Que tu tenais sous ta coupe ! Laisse enfin vivre Thalie !

Muse divine que toi, monstre, empêchait de s’ébattre

J’espère que ce lourd linceul de velours rougeâtre

Rappelle que pour toujours ta mémoire on oublie !

©Pong

 

Ping: Retour vers le futur

Emporté, d’un seul élan, le public se lève applaudissant à tout rompre ce monologue emprunt d’une réalité insoupçonnée… Pong se dirigea vers le fameux miroir de fond de scène, le silence était total,

acteurs et public se fixant pour l’éternité, comme les corps figés retrouvés dans les ruines de Pompéi. Traversant le miroir, Pong se retrouva sur la scène du théâtre Aubaine. Un lieu qui tout soudain devenait rassurant, emprunt de calme et de sérénité.

Tout semblait si tranquille. Il eut soudain envie de rejoindre la troupe au Café Thalie pour leur raconter son aventure. Il avait beau essayer de recoller les morceaux, il ne trouvait pas d’explications à son voyage dans le temps. Car c’était bien cela qu’il avait vécu. Tout à coup, il réalisa que Ping ne l’avait pas suivi. Elle était restée là-bas! Franchement pour rien au monde, il retournerait la chercher. Cette expérience l’avait profondément bouleversé et il se demandait s’il ne serait pas accusé du meurtre accidentel de son arrière grand-père. Peut-être y avait-il un moyen de faire venir Ping sans traverser le miroir… Il décida de rejoindre les autres et chercher de l’aide. Mais qui le croirait? Et que changerait dans le présent la disparition de son arrière grand-père dans le passé?

©Ping > à suivre

 

Chaque webwriter a continué l’histoire de son côté. Elle n’a pas de fin, car vous pouvez aussi écrire la suite, et la suite des suites…
L’engagement (1) écrit par PongPing
L’engagement (2) écrit par Starben Case
L’engagement (3) écrit par Priam

 

A VOUS DE CONTINUER L’HISTOIRE !

Les webwriters PongPing vous invitent à rejoindre leur expérience de co-écriture.

Pong et Ping sont arrivés à la page 16 de l’histoire L’ENGAGEMENT, une expérience de co-écriture commencée le 27 août 2012. Une histoire mystérieuse de meurtre et de fantastique. Pong et Ping ont commis le meurtre tant attendu et vous invitent à continuer l’histoire.

Comment participer:

– Lisez le premier récit: L’engagement (1)
Inscrivez-vous si sur Webstory (si ce n’est pas déjà fait)
– Ecrivez votre version de la suite et terminer l’histoire
– Choisissez la catégorie > Co-écriture L’Engagement (la suite)

Ceci est une expérience proposée par des webwriters à des webwriters. Participation libre
Si vous aussi, vous avez des idées de jeux d’écriture que nous pourrions organiser, n’hésitez-pas à nous en faire part.
Ecrivons ensemble!

Commentaires (2)

Webstory
10.07.2021

Une co-écriture entre deux webwriters: L’Engagement (1) de webwriters Priam et Starben Case. Chacun a continué l'histoire vers une fin différente. Vous pouvez participer en écrivant votre part du chemin. Engagez-vous!

Starben CASE
12.11.2016

Lisez la suite de cette histoire écrite en co-écriture avec PongPing: La malédiction du miroir l'Engagement (2).

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