Créé le: 01.09.2022
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Dynamite conceptuelle

Poème en prose

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L'âme enfin éclairée par les progrès de la science...
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En récompense de ses travaux sur l’ontogénèse de l’âme, le prix Nobel de médecine est attribué cette année au docteur Ramachandra, de l’université de Bombay.

Après une thèse consacrée à la duplicité de l’âme chez les jumeaux siamois, le docteur Ramachandra démontra que la pieuvre, avec ses trois coeurs et ses neuf cerveaux, comporte 2.25 âmes.

Il y a vingt ans, le docteur Ramachandra mena une étude importante sur les bactéries. Que se passe-t-il quand une bactérie 0 se divise en une bactérie 1 et une bactérie 2 ? La bactérie 1 hérite de l’âme de la bactérie 0, et la bactérie 2 reçoit une âme de la Grande Seringue. Qu’est-ce que la Grande Seringue ? Un objet mathématique fourni par les équations différentielles de l’âme. Ainsi que l’établit le docteur Ramachandra, la Grande Seringue contient à tout instant une réserve d’au moins dix puissance trente âmes de qualités variables. Il va de soi que la prise d’antibiotiques lors d’une infection bactérienne libère de leur enveloppe cellulaire des milliards d’âmes. Elles retournent alors dans la Grande Seringue. Parmi elles, il se peut, en vertu du théorème de la réincarnation, que figure l’âme d’un de vos ancêtres.

Des bactéries aux vertébrés, le saut est énorme. Le docteur Ramachandra se pencha sur une difficile question : l’âme de l’aigle est-elle plus élevée que celle de la taupe ? Hélas, des pressions politiques mirent fin à cette étude.

Une autre recherche ambitieuse dût être abandonnée au moment où elle semblait conclure que le chat possède une âme de maître et le chien une âme d’esclave.

On aurait pu craindre qu’en plaçant depuis une quinzaine d’années l’âme humaine au centre de ses investigations, le docteur Ramachandra subirait de multiples résistances. Toutefois il eut la sagesse de se taire avant d’obtenir des preuves décisives. Désormais connus, ses résultats font des vagues.

Premier pavé dans la mare : la femme est dotée d’un supplément d’âme, qui lui offre notamment un accès facilité aux métiers du soin. Sourde aux arguments scientifiques, l’Union des Balances, l’Église de l’Égalité Absolue, le Cercle de la Dignité Humaine exigent d’abolir ce privilège, en amputant les femmes de ce supplément dont l’existence viole cent dix-sept lois internationales et vingt-deux conventions universelles.

Second scandale : Aristote et Thomas d’Aquin soutenaient qu’une âme entrait dans l’embryon humain au bout de 40 jours. Cette théorie arrangeait tout le monde, sauf une tribu de chrétiens modernistes. Or elle est fausse. Chez l’homo sapiens, l’âme n’apparaît que très rarement avant l’âge de trente ans. Le docteur Ramachandra sut trouver les mots qu’il fallait pour rassurer les démocrates. La majorité civile à dix-huit ans ne pose aucun problème ; l’absence d’âme favorise l’accomplissement de l’acte surréaliste par excellence : voter. Et les défenseurs de l’avortement se réjouissent de pouvoir désormais compter sur la science pour étendre leur cause à l’infanticide post-natal.

Le comité Nobel, composé pour l’essentiel de ménagères de plus de cinquante balais, a fait preuve d’une sagesse qu’on jugeait impossible de rencontrer dans les pays scandinaves depuis la mort du dernier Viking. C’est une sacrée surprise que le prix le plus prestigieux de notre époque sans éclat soit décerné à un savant qui étudie une substance réactionnaire. L’inquiétude assaille la plupart des intellectuels médiatiques. Ce regain d’intérêt pour l’âme pourrait – disent-ils – être le prélude à l’épouvantable retour de l’esprit chevaleresque.

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