Créé le: 13.07.2020
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César contre César
Fantastique, Histoire, Nouvelle — 29 février, le jour en plus 2020
César contre César
Invitation à un grand voyage dans le temps. Départ dans quelques secondes.
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Vendredi 28 février 2020
Le final de l’ouverture de Guillaume Tell, de Rossini, montait régulièrement en puissance sonore, par paliers, dans la petite pièce plongée dans une lumière blafarde. La sonnerie de l’alarme s’était enclenchée il y avait déjà plus de deux minutes. César Jourdain n’eut qu’une envie : faire valser l’engin dans la pièce pour stopper la cavalerie. Il se retint. L’époque du bon vieux réveil était révolue. Expédier son smart phone à 800 francs contre le mur d’en face aurait été une très mauvaise idée. D’autant plus que c’était le seul cadeau d’anniversaire offert par ses parents depuis bientôt quatre ans.
César posa le pied gauche sur le parquet grinçant, et se dirigea en bâillant vers la fenêtre entrebâillée. Un crachin dégoulinait du brouillard. Décidément, cette journée du vendredi 28 février 2020 commençait très mal. Ce temps de cochon allait de pair avec l’humeur de César. Il détestait tous les 28 février. Le jour avant la date de sa naissance, un 29 février.
Bien avant ses camarades d’école, il sut prononcer et écrire le mot bissextile. Il se plaignait très souvent de devoir subir cette singularité. Ses copains le charriaient, depuis quelque temps, en entendant le mot sexe. « Mais non, bande de gros bêtas, rétorquait-il, je ne suis pas bisexuel, je suis simplement né le 29 février de l’année bissextile 2004. Et les 29 février ne reviennent que tous les quatre ans, comme le nom l’indique ».
César en avait ras-le-bol de devoir sans cesse expliquer la bizarrerie qui l’avait fait naître un jour qui n’apparaît au calendrier que tous les quatre ans. Il détestait sa date d’anniversaire. Il était donc d’une humeur exécrable, le 28 février, jour béni de ceux qui pouvaient le célébrer chaque année.
Il avait vu sur internet que les natifs du 29 février s’arrangeaient pour fêter leur anniversaire en le déplaçant au 28 février ou au 1er mars. Mais chez les Jourdain, rien à faire. Ses parents refusaient systématiquement de décaler la date de son anniversaire. « On compense en t’offrant un super cadeau tous les quatre ans », insistaient-ils chaque année.
César avait ainsi reçu un téléphone intelligent pour ses 12 ans, et savait qu’il allait pouvoir chevaucher un scooter dès le lendemain, pour ses 16 ans. A 20 ans, ses parents lui offriront sans doute une voiture électrique, comme la Tesla dernier modèle, fierté de son père.
Il détestait ces cadeaux, à propos desquels il n’avait rien à dire. Il rêvait d’une tourte d’anniversaire pralinée, percée d’une bougie supplémentaire à souffler chaque année.
Ses parents entendirent le pas traînant de leur fils unique. César avait l’obligation de les rejoindre tous les matins à la cuisine, au petit déjeuner. Pour la énième fois, cette journée du 28 février fut marquée par une crise majeure.
– Donnez-moi mon scooter aujourd’hui et achetez-moi une tourte. On doit fêter mon anniversaire maintenant !
Sans attendre la réponse de ses géniteurs, qu’il connaissait par cœur, César tapa violemment sur la table. La vaisselle vola en éclats. Le mur prit la couleur du café et du jus d’orange.
– Inutile d’insister mon chéri, répliqua sa mère, impassible. Ta colère d’ado n’y changera rien. Nous avons décidé, une fois pour toutes, de célébrer uniquement la vraie date de ta naissance, soit le 29 février tous les quatre ans.
César n’en pouvait plus. L’obstination de ses parents le rendait fou.
– Puisque c’est comme ça, je quitte cette maison. Je vais résoudre le problème à ma manière, annonça-t-il en claquant la porte.
Sitôt dans la rue, le jeune homme mit en application le plan auquel il avait déjà réfléchi. Il empoigna son téléphone et vérifia l’adresse géolocalisée de Géo Albumasar. Sur son site internet, le savant affichait ses diplômes d’astrologue et de métaphysicien. Il prétendait avoir trouvé une méthode infaillible pour voyager dans le temps.
Féru d’Histoire, César Jourdain s’était intéressé à la manière dont les civilisations considéraient les cycles solaires et lunaires. Il avait été stupéfait de découvrir le tâtonnement des hommes autour de la question, très politique en somme, du marquage des saisons, des fêtes rituelles correspondantes, et de l’élaboration du calendrier.
En fait, en l’an 2020, on applique le calendrier universel grégorien, introduit en 1582 par Grégoire XIII. Le pape a certes corrigé un léger décalage de la fête de Pâques qui l’énervait, mais les principes fondamentaux de la mesure du temps, sous forme annuelle régulière, avec un jour supplémentaire tous les quatre ans, datent de l’époque romaine. C’est Jules César en personne qui y a longuement réfléchi, en 46 avant J.-C.
César l’adolescent voulait donc rencontrer César, Jules de son prénom, plus précisément Caius Iulius Caesar IV à sa naissance, et Imperator Caius Iulius Caesar Divus après sa mort. En 46 av. J.-C., il cumulait les fonctions de consul et de pontifex maximus, chargé de l’édiction du calendrier.
Géo Albumasar reçut César Jourdain sans rendez-vous. Il promit de l’envoyer en 46 av. J.-C., en échange d’objets précieux qu’il devra ramener de son séjour chez les Romains.
– Ma technique de voyage dans le temps est infaillible, et absolument sans risque si tu suis à la lettre les directives que je te donnerai, expliqua le savant, la moustache frétillante. A l’aller, je peux garantir l’année, mais pas le mois désiré. Au retour, en revanche, tu reviendras au lieu et à l’heure exacte de ton départ, quelle que soit la durée de ton séjour dans le passé.
César reçut une petite boussole grise, munie de deux cadrans réglables.
– Surtout, ne la perds pas, sinon ton retour deviendra impossible, avertit Géo Albumasar. Tu devras poser les deux pieds sur le plus grand monument funéraire de ton lieu de résidence, régler le cadran sur la date de départ ou d’arrivée voulue, et prononcer la formule magique à apprendre par cœur.
César se rendit dans le vaste cimetière du Bois-de-Vaux, à Lausanne, parcourut des dizaines d’allées de long en large, et grimpa sur le plus grand monument trouvé, celui des sapeurs-pompiers « victimes de leur devoir », selon l’inscription funéraire.
Après avoir soigneusement vérifié qu’il était seul, le jeune homme, âgé de 16 ans moins un jour, positionna le siècle et l’année sur les deux cadrans de la boussole, inspira profondément, et cria : « A moi le passé ! ». Un fin brouillard enveloppa le monument. César se sentit enfermé dans une sorte de ouate, puis s’évanouit.
*****
Ante diem octavum nonas februarias (7 février 46 av. J.-C.)
César ouvrit les yeux. Il était couché dans un recoin d’une grande tente qui sentait la transpiration, le cuir, et le métal surchauffé. Il faisait piètre figure dans son jean délavé et un simple tee-shirt blanc. Les hommes qui passaient devant lui avec dédain avaient enfilé une tunique ; certains portaient une toge rouge fixée à hauteur de la clavicule gauche par une fibule d’argent. D’autres ressortaient de la tente, armés de pied en cap.
Un homme, richement vêtu, s’approcha de César, l’air méfiant.
– Qu’est-ce que tu fais là, dans cet accoutrement bizarre ?
César comprit, en un éclair, où il se trouvait. Il répondit du tac au tac, faisant jaillir de sa mémoire le meilleur latin appris au collège.
– Je suis fort et vaillant. Je désire servir dans l’une des légions de Iulius Caesar.
Visiblement intéressé, l’homme le dévisagea un court instant, puis trancha.
– Nous avons absolument besoin de renforts pour engager la bataille de Thapsus contre Mettelus Scipion. Notre adversaire peut compter sur davantage d’hommes que nous, trois fois plus de cavaliers, et des éléphants. Va là-bas, vers le chef de l’économat, il te fournira ton équipement.
César croulait sous le poids d’une armure de plaques de fer, sentait la sueur couler sous son casque à plumet. Il se demandait comment lancer le pilum à 50 mètres, manier le glaive, se servir du bouclier semi-cylindrique.
La bataille rangée se préparait déjà autour de la ville tunisienne, encerclée, de Thapsus. A peine un centurion eut-il le temps de lui montrer comment former la tortue pour protéger sa section, que les trompettes sonnèrent le rassemblement.
Le jeune homme se trouva placé en retrait sur le flanc droit, à l’extrémité du corps de fantassins, et à proximité de la cavalerie. Il ne les voyait pas, mais il entendait barrir les éléphants de l’adversaire, 60 machines de guerre au cuir impossible à transpercer, capables de tout écraser sur leur passage sans tomber au combat. Iulius Caesar n’en possédait pas.
Le chef de guerre, fin diplomate, aimé du peuple romain mais moins du Sénat, fit sonner le clairon pour engager la bataille. César Jourdain s’aperçut, à ce moment-là, qu’il se trouvait, par un fabuleux hasard, à côté du cheval blanc de Iulius Caesar.
Les archers attaquent les éléphants qui commencent à foncer sur les légionnaires. A peine importunés par les piqûres de moustiques des flèches, les pachydermes détruisent tout sur leur passage, piétinent les forces vives de Iulius Caesar, et ouvrent le chemin à la cavalerie de Scipion. La bataille tourne au désastre pour la Ve légion, qui se bat pourtant comme une lionne face aux éléphants.
Le chef de guerre romain, quoique réputé fin stratège, est désarçonné. César Jourdain prend son courage à deux mains, bien que chargées du bouclier et du pilum.
– Ave Caesar, j’ai peut-être une solution.
Sa puissante voix criarde couvre le vacarme des barrissements des éléphants, et les hurlements de douleur des légionnaires.
– Je ne sais pas qui tu es, mais parle, répond Iulius Caesar.
– Faites sonner toutes les trompettes et tous les clairons jusqu’à épuisement des souffleurs. Cela perturbera les éléphants.
Du haut de son cheval, Iulius Caesar hurle l’ordre suggéré. L’effet escompté se produit. Les jeunes éléphants, paniqués par les sons perçants des cuivres, font demi-tour, et s’enfuient en écrasant la cavalerie de Scipion.
Ce jour-là, le consul gagna une nouvelle bataille décisive pour asseoir son pouvoir militaire et politique. Il avait prouvé à tous, une fois de plus, que les dieux étaient avec lui.
Iulius Caesar était connu pour savoir récompenser ses alliés de circonstance. Il se tourna vers César.
– La victoire m’a souri grâce à toi. Dis-moi, légionnaire, ce qui te ferait plaisir.
L’adolescent n’hésita pas une seconde.
– Je crois savoir que vous songez à transformer fondamentalement le calendrier romain. Engagez-moi comme conseiller personnel sur ce sujet.
Le consul ne cacha pas sa surprise.
– Tu me sembles bien renseigné, jeune homme. En effet, c’est un projet que je veux réaliser et faire entrer en vigueur dès l’an prochain. Entendu, ton vœu est exaucé.
César Jourdain termina la campagne d’Afrique aux côtés de Iulius Caesar, puis le suivit à Rome, où fut organisé son triomphe, auquel il convia la reine égyptienne Cléopâtre VII.
On racontait beaucoup de choses sur les relations entre Iulius Caesar et Cléopâtre. César Jourdain, discret de nature, ne retint qu’un élément, crucial à ses yeux. La femme au long nez avait eu fin nez de convaincre le dictateur, sur l’oreiller, de la supériorité du calendrier solaire égyptien sur le modèle lunaire romain, d’une rare complexité.
L’adolescent eut tout loisir de se pencher à fond sur la question. Imaginez que, par superstition envers les nombres pairs synonymes de malchance, les mois avaient 29 ou 31 jours, jamais 30. Le besoin de rattrapage sur la course de la lune, et non du soleil comme chez les Egyptiens, avait conduit à instaurer une alternance entre des années de 355 jours et de 377 jours. Un treizième mois, mercedonius, devait ainsi être intercalé tous les deux ans, avant le début de l’année qui débutait en mars.
Vous suivez ? Difficilement. Donc je ne vais pas en rajouter en expliquant que les jours commençaient à midi et se comptaient, à l’endroit et à l’envers, à partir de trois repères mensuels, les calendes, les nones, et les ides. La bataille de Thapsus se déroula donc, ante diem octavum nonas februarias, soit le huitième jour avant les nones de février.
Fin novembre, de retour d’Espagne, Iulius Caesar, en tant que pontifex maximus, convoqua ses conseillers pour leur faire part de ses intentions. Assis sur un siège à dossier monumental, en bois précieux recouvert de tissu rouge feu, reposant sur trois pieds finement sculptés en pattes de lion, il déclara avec solennité.
– Avant de proclamer la réforme, j’aimerais entendre votre avis. L’année aura donc 365 jours, répartis sur douze mois dès le mois de janvier. Je mets ainsi un terme à cette grande différence de durée d’une année à l’autre, source de confusion et de manipulation du calendrier à des fins bassement commerciales, ce dont ont usé et abusé mes prédécesseurs.
Tous les conseillers, y compris César Jourdain, crièrent leur approbation. Iulius Caesar les fit taire d’un signe de la main droite richement baguée.
– Merci. Je poursuis. Afin d’éviter une trop grande différence de jours d’un mois à l’autre, j’introduis des mois de 30 jours qui succéderont aux mois de 31 jours. Pour parvenir à 365 jours, sans modifier ce rythme, le mois de février n’aura donc que 28 jours.
Tous les conseillers, y compris César Jourdain, crièrent leur approbation. Iulius Caesar les fit taire d’un signe de la main droite richement baguée.
Le pontifex maximus allait reprendre la parole, lorsque l’astronome Sosigène d’Alexandrie s’exprima.
– Ave Caesar. L’année solaire dure 365,2422 jours. Comment comptez-vous régler ce problème de décalage croissant au fil des années ?
– J’y ai bien entendu pensé. Je propose d’ajouter un jour en février, en doublant le sixième (bis sextum) avant les calendes de mars, tous les quatre ans. L’année sera donc bissextile.
Les conseillers se dévisagèrent. Certains applaudirent. D’autres firent la grimace. Une virulente discussion s’engagea entre les partisans et les adversaires de l’année bissextile.
César Jourdain mit toute sa force de conviction dans la bataille, vitale pour lui.
– Ave Caesar. Vous avez vraiment simplifié le calendrier qui portera désormais votre nom. Le peuple, aujourd’hui perdu dans les jours et les mois additionnels qui changent chaque année, vous en sera infiniment reconnaissant. Pourquoi l’irriter en introduisant cette bizarrerie d’année bissextile qui ne fait que compliquer les choses. Avez-vous pensé aux malheureux qui naîtront un 29 février ?
Les partisans de l’année bissextile protestèrent fermement.
– L’astronomie et les mathématiques sont des sciences exactes. Le cycle du soleil et des saisons doit être respecté. A quoi servirait un nouveau calendrier qui serait, au fil du temps, en décalage avec les astres ?
Iulius Caesar était perplexe. Le ton montait, les conseillers commençaient à s’invectiver.
– Silence ! ordonna le pontifex maximus. César Jourdain m’a permis de gagner une bataille décisive. Je lui fais confiance et suivrai son avis pour gagner celle d’un calendrier dont l’universalité ne pourra plus être contestée. Il n’y aura donc pas d’année bissextile. J’ai dit !
César Jourdain avait obtenu ce qu’il voulait. Il caressa la boussole sous sa toge, en imaginant son départ. Il ne pouvait tout de même pas quitter Rome sans remercier Iulius Caesar.
– Ave Caesar. Je dois vous quitter définitivement. Merci de m’avoir écouté. Je vous offre ces dernières paroles en cadeau. Aussi étrange que cela puisse paraître, je sais lire l’avenir. Vous deviendrez très puissant, élu dictateur à vie. Mais méfiez-vous de l’un de vos fils supposés. Dans un an et trois mois, vous n’échapperez pas à la mort. Pourtant, soyez rassuré, votre nom passera à la postérité. Il sera d’ailleurs célébré chaque année, en juillet, le nouvel intitulé du mois quintilis qui sera changé en votre honneur.
Avant que Caesar n’ait eu le temps de répondre, César avait disparu. Il se rendit sur la rive gauche du Tibre, au Champ de Mars. C’est là que le peuple romain prenait de court les proches des défunts célèbres et le Sénat, en emportant les cadavres adorés, afin de les placer sur un bûcher.
César examina les mausolées de plus de cinq mètres de haut. Il choisit celui de Julia, la fille de César, morte en couches huit ans auparavant. Le jeune homme grimpa sur le monument, sortit sa boussole, la régla sur le XXIe siècle et l’année 20, et cria : « A moi l’avenir ! ». Un fin brouillard enveloppa le monument. César se sentit enfermé dans une sorte de ouate, puis s’évanouit.
*****
Lundi 1er octobre 2018
César ouvrit les yeux. Il se trouvait au pied du monument funéraire des sapeurs-pompiers, au cimetière du Bois-de-Vaux. Il éprouvait un sentiment bizarre. Le monument retrouvé était bien celui qu’il avait quitté le 28 février 2020 ; le cimetière avait le même aspect, mais quelque chose clochait. Il était, certes, revêtu du tee-shirt blanc et de son jean délavé, mais il flottait dans ces habits qui auraient dû lui aller comme un gant. J’ai bien mangé en Tunisie et à Rome, je ne vois pas pourquoi j’aurais maigri, s’inquiéta-t-il.
Intrigué, le jeune homme se leva, se dirigea vers la sortie du cimetière, s’arrêta devant la vitrine du magasin de fleurs. A la vue de son reflet, il écarquilla les yeux de stupeur. Le duvet naissant sous le nez avait disparu. Son visage était celui d’un grand enfant. « Je n’ai plus 16 ans », cria-t-il de rage.
Il sortit la boussole. Elle était bien arrêtée sur 2020. César entra dans le magasin. Ses soupçons se confirmèrent. Derrière le comptoir, le calendrier électronique indiquait lundi 1er octobre 2018. « Ce n’est pas possible ! » s’exclama-t-il, devant la vendeuse. Elle lui adressa un regard chagriné.
– Reprends ton calme mon petit, et respire profondément. Ne t’inquiète pas, le deuil est un moment de grande souffrance, mais la vie reprend toujours le dessus.
César quitta précipitamment le magasin, du haut de ses 14 ans et demi. La boussole de Géo Albumasar n’était pas déréglée. La décision qu’il avait fait prendre à Iulius Caesar avait empêché l’écoulement de 516 jours durant les années qui auraient dû être bissextiles.
Il neigeait de juillet à septembre, les primevères sortaient de terre début octobre, le mois le plus chaud de l’année était celui de mars, et on fêtait Noël à la fin du mois de juillet.
Par égoïsme et obstination à vouloir fêter son anniversaire chaque année, César avait détraqué la concordance du calendrier avec les saisons. Le réchauffement climatique n’y était pour rien. Il était rongé de remords. « Et en plus, je suis puni. Je devrai attendre encore un an et demi avant de pouvoir rouler en scooter. Et près de quatre ans avant d’acheter une voiture ».
César fonça chez Géo Albumasar. Il exigea de l’astrologue métaphysicien le retour à la normale, par le rattrapage des jours perdus et la réintroduction des années bissextiles.
Le savant l’accueillit froidement.
– Cela ne va pas comme ça, mon petit bonhomme. En côtoyant Iulius Caesar, tu es venu, tu as vu et tu as vaincu. Difficile de refaire l’Histoire. Montre-moi d’abord ce que tu as ramené de Rome.
César tira de sa poche des bagues et des fibules offertes par le consul dictateur. Géo Albumasar fut ébloui par la beauté étincelante des objets.
– Ces cadeaux ont une très grande valeur. En échange, je vais voir ce que je peux faire pour toi. Retourne auprès de ta famille, comme si de rien n’était.
César trouva sa mère et son père rajeunis. Ses parents n’avaient pas remarqué son absence.
Sa nuit fut agitée. Le lendemain, au réveil, sur la musique du final de l’ouverture de Guillaume Tell, de Rossini, il faisait ce froid brumeux de fin février. Un scooter flambant neuf l’attendait au garage.
Au grand bonheur de ses parents, César ne s’obstina plus à vouloir fêter son anniversaire chaque année.
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