Créé le: 13.10.2021
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Cachée dans le foin
Eve rayonnait d'une rare empathie. Un jour, la malédiction s'abattit sur elle...
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Eve respirait la joie de vivre. On aurait dit qu’elle était née pour donner du bonheur aux autres. Son corps et son âme ressemblaient à un immense vase communiquant. Plus elle répandait la bonne humeur et une forte chaleur humaine autour d’elle, plus elle recevait d’amitié ou d’amour.
Enfant, ses tresses blondes, son regard solaire, illuminaient les cours d’école. D’un caractère bien trempé, Eve savait toujours comment ignorer les jaloux et les méchants. D’ailleurs, si le besoin se faisait sentir, elle parvenait toujours à les rendre meilleurs. Son empathie naturelle ouvrait les cœurs, faisait affluer les confidences et balayait tous les préjugés.
Son principal objectif consistait à rendre les autres conscients de leurs qualités, à leur apporter son discret soutien afin de renforcer leur confiance en eux. Rien d’étonnant, dès lors, qu’elle ait choisi la profession de maîtresse d’école maternelle. L’âge de la tendre enfance est suffisamment spongieux pour pouvoir absorber, à travers les jeux, les rires, la résolution des petits conflits, les attitudes qui conduisent à l’harmonie collective.
Eve était animée d’un sixième sens : la découverte commune, par la réflexion et la créativité partagée, du chemin menant à la meilleure solution parmi les multiples possibilités offertes. Les moteurs naturels du jeu et du dessin, adaptés aux besoins pressants de l’enfant, ont permis à Eve de calmer autour d’elle, tout en douceur, d’innombrables angoisses, frustrations ou colères. Avec ses mains calleuses, héritée d’une famille paysanne, Eve façonnait des petits bonheurs autour d’elle.
Un ange sur Terre, murmuraient certaines et certains.
Un soir de décembre, autour de Noël, le téléphone fixe du salon sonna avec insistance. Eve décrocha :
– Allô
– Bonjour, c’est la gendarmerie. Je vous prie de venir rapidement au poste de police.
– Qu’est-ce qui se passe ?
– Désolé, Madame, je ne peux rien vous dire au téléphone. Vous saurez tout sur place.
Très inquiète, Eve sauta dans sa voiture et roula machinalement jusqu’au centre de la ville voisine.
A l’air embarrassé des policiers, Eve comprit qu’un événement grave s’était produit. Les hommes en uniforme lui annoncèrent la mort, sur le coup, de ses parents, écrasés par leur tracteur.
Accablée de douleur, la jeune femme lutta de toutes ses forces pour pouvoir conserver son énergie. Cette énergie, vitale pour elle, mais surtout pour les autres. Elle y parvint.
Quelques jours plus tard, en mettant de l’ordre dans la grange familiale, Eve découvrit trois boîtes cachées sous le foin, soigneusement entassé pour l’hiver.
La première était recouverte de nacre et de dorures. La deuxième était en bois d’ébène finement ciselé représentant deux personnages entrelacés. La troisième, sans aucune décoration, était en bois de sapin blanc.
Eve, femme simple, indifférente au luxe, choisit d’ouvrir la troisième. En soulevant délicatement le couvercle, elle découvrit un sachet en plastique transparent, dans lequel reposaient des morceaux jaunes. Elle saisit l’emballage, et constata qu’il s’agissait de fruits séchés, sans doute des pommes.
Eve allait refermer le couvercle, lorsqu’elle remarqua que le fond de la boîte était plus élevé à l’intérieur qu’à l’extérieur. Curieuse, elle la retourna dans tous les sens en cherchant un moyen d’atteindre le double fond. Elle décida de l’agiter violemment.
Elle aperçut alors une légère fente sur le côté, qu’elle s’empressa de coincer avec l’angle de son index, avant de pouvoir faire coulisser la planchette. Un petit rouleau de papier parchemin, entouré d’un ruban rouge, apparut. Fébrile, Eve fit coulisser le ruban, déroula le parchemin et lut : « Ceci est la boîte de Pandore ».
A partir de ce jour-là, la vie d’Eve devint un enfer. D’autant plus vite que, choquée après cette découverte, elle avait machinalement mangé les fruits secs.
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