Créé le: 02.03.2015
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Quelques pas

Genève, Poésie

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© 2015-2024 André Birse

Quelques pas - Liberté du regard - Etat des fors intérieurs - Prestement - Adverbe  manquant  - Les arbres étaient nus  - Soir tombé - Douce liqueur -  Choses dites ou vues -  Tous feux éteints -  Aube pleine -Pour commencer - Qui -Une altération - A vrai taire - A taire vrai
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Quelques pas

 

Quelques pas plus rapides avant minuit. Deux coins de rue.

Les lumières secrètes animent le silence de la pluie.

Les regards hors-champ des gens chez eux disparus.

Une brève répétition d’un moment de vérité perdu dans l’avenir d’autrui.

Je sacralise cet instant qui me fuit.

 

2 mars 2015 peu après minuit

 

Autre point du jour, de lumière grise et de vent discret.

Solde d’hiver. Moment de mars.

Aucune peine à deviner quelques perspectives endiablées.

Le soleil se veut apaisant.

Il faut le croire sur l’instant.

 

2 mars 2015 peu après midi

 

Liberté du regard

 

Quelques pas encore sur ces quais fameux et surprenants

Dans le vent frais et bleu, lacustre et vivifiant

Longeant le ciel étale vers les montagnes

Blancheurs au loin dans une prochaine saison

Imprévisibilité du caractère éternel des choses

Et sécularité des souvenirs par d’autres vécus

Ce qui se veut massif et ce qui demeure incertain

J’avais un projet, une inspiration,

Un peu plus loin, sur le même chemin

J’étais absorbé et le devins entièrement

Par la force extrême de l’horizon

Dans sa variété et son étrange signification

Ces instants disent tout et ne révèlent rien

Souvenir d’une balade cette semaine au bord du lac à Vevey (7 mars 2015)

 

Etat des fors intérieurs

 

J’ai revu mes amis

Tous ne sont pas cassés

Mais aucun n’est intact

Chez tout absolument

Tout individu

Se prélasse une blessure

Dans toute absolument

Toute relation

Subsiste une confrontation

Douce ou violente

Au gré du meilleur

Et de ses dissemblances

 

20 mars 2015

 

Prestement

 

Je traverse la fraîcheur vivifiante des rues et pas à pas reviens

à moi, la vitalité en suspens.

Nous aurons retourné une à une nos pierres tombées et levé

tant de lièvres enfuis ou rattrapés.

Mais le lièvre c’est soi.

Aussi preste le geste ou la pensée, toujours échappée la réalité

devant soi.

 

4 avril 2015

 

Adverbe manquant

Vivement,

heureusement,

concrètement,

obstinément,

naturellement,

innocemment,

furtivement,

sauvagement,

âprement,

méchamment,

naïvement,

prestement.

Note en ajout au poème de tout à l’heure.

Pour l’un des verbes, quel qu’il soit.

 

5 avril 2015

 

Les arbres étaient nus

 

Regard saisi plus que transi

Les arbres étaient nus

Le ciel propice

La danse de l’attente

L’élan pris sur l’instant

Je suis resté mobile

Dans cette nature battue

Par les vents clairs et froids

De son renouvellement

 

6 avril 2015

 

Soir tombé

 

La lumière s’en va faire un tour

Le soir se sépare de ses gris

Une fraîcheur étrangère

S’attarde en ville – on se croise

Sans se regarder – les terrasses

Attendent les souvenirs – chacun

Sait que chacun ne sait pas

Tout en un – rien que d’y penser

Une femme attend le bus

Assise, dans le soir

Son enfant pleure

Leurs silhouettes crient

Quelque chose d’indicible

Facticité de la lumière

Le silence veille rageusement

La foule enluminée

Nourrit ses impatiences

Dans l’indifférence naturelle

Des ombres enchevêtrées

 

Ce soir, 19 avril 2015

 

Douce liqueur

 

La table est défaite, le gâteau partagé. Quelqu’un est parti, soudainement, en s’étonnant du réel intérêt de la vie. Atmosphère préservée, sourire de l’enfant. Tranquillité du chien. Un verre de douce liqueur. Brisure et liquidité de toutes les humeurs et de ce qu’il reste des vains étonnements.

 

20 avril 2015

 

Choses dites ou vues

 

Être seul devant sa fenêtre et songer

C’est un moment perdu

C’est un moment puissant

La pluie revenue ne laisse à personne

L’espace de la rue, l’empiétement

Des choses dites et des choses vues

Le regard et l’esprit

Laissent parler l’indolence qui les tient

 

25 mars 2015

 

Tous feux éteints

 

Tous feux éteints

Accepter le questionnement

Tous feux éteints

L’homme et la femme, soi

Tous feux éteints

Persistance

Tous feux éteints

De l’amour déçu

Tous feux éteints

Et cette réalité

Tous feux éteints

Qui dessus me tombe

Le quotidien recommencement

Des espoirs lunaires

Et de leurs incertains prolongements

(Qui semblent n’aller pas de soi)

Ce 17 mai 2015

 

Aube pleine

 

Vigile de votre absence,

je demeure dans l’attente.

Témoin de ma cause,

j’en mesure le silence.

En quoi l’évitement,

à qui le refus.

Le nom qui se perd,

le mot que l’on cherche.

L’aube pleine soupire,

elle te revient.

Porter le regard

à sa hauteur.

31 mai et 1er juin 2015

 

Pour commencer

Saisir au passage le hasard des mots et leur proposer un refuge.

Ne rien contraindre en eux avec l’insistance qui sied à leur volatilité.

Concéder l’aveux, vaine et vaniteuse avanie, à hauteur d’épaule.

Docilité des rebelles, enchantement des vaincus.

Quelques uns, quelques autres, autour de nous.

Se rendre la pareille et transgresser le principe de la fête.

Odieux péril de la certitude, dans le sens de la marche.

Pour aller vers l’avant, nous aurons pris le dernier train.

1er juin 2015

 

Qui

Un bar vide,

N’importe où

Une musique aléatoire,

Très réelle

Sur l’instant

N’importe quand

Un fleuve

Noire et calme

Que regarde un mannequin féminin

Sublime et figé

Sur un mur glacé

J’aurais aimé que ce fût

N’importe quoi

Des jambes infinies

Déployées

Tête et pieds

N’importe comment

Le silence

Sonne minuit

La ville s’apprête

Dans sa nuit

Traversante

Mon pas reprend vie

Et je suis

N’importe qui

1er juin 2015

 

Une altération

Je me souviens de tout

Les mots, les angles de la lumière,

La chaleur dispersée

Les mouvements devant la fenêtre

La discrète ouverture des portes

La fraîcheur des arbres la nuit

Leur blancheur dressée

Fleurs de marronniers

La modernité des meubles surannés

L’insaisissable dépassement du tout

Un pas anonyme, une altération,

Un acquiescement d’oiseau

Au loin, la proximité de l’urgence

L’éveil d’une mouvance en soi

Cette puissance silencieuse

D’un temps disparu

6 juin 2015

 

A vrai taire

 

Les mots avec absence

Le jour par la fenêtre

La désuétude tombée

Me manque une idée

Le soir s’apprête

Une pierre bleutée

Fuit mes habitudes

Je rentre chez moi

Une grappe de raisin

La foule environnante

Certains parlent

D’autres taisent

Il fait bon trouver

Chez soi un cinéma

Vide de sens

Et de première volonté

 

A taire vrai

Le retour de la nuit

Voir chez l’autre

Et regarder en soi

Toute une destinée

Rien n’y fait

Le recommencement

La déambulation

Les traits tirés

Laisse passer

Laisse placer

Laisse faire

Laisse délaisser

Déjà partie

La vie avide

De ta réjouissance

S’enorgueillit

Une seule fois

N’aura pas suffit

19 septembre 2015

 

Souvenances mal éclairées

Délicatesse posée-là, souvenir de ton regard

Souvenir de ton regard

Vains mots oubliés, sans encombre l’existence

Sans encombre l’existence

Sans aucun qui ne soit, envers de la présence

Envers de la présence

Efficacité de l’absence

Un beau destin cousu main qui nous échappe et vers lequel l’on revient rêver un peu ou chercher à comprendre qu’il est vain de s’obstiner autrement qu’avec beaucoup de foi en l’absence de vérité.

Efficacité de l’absence, délicatesse de la vérité, posée-là, qui s’obstine, se refuse à mon ignorance

et ne craint plus de m’échapper. Souvenir de ton regard.

Genève, le 24 octobre 2015

 

Est-ce moi qui renonce à parler ?

 

Soleil d’automne pourvoyeur d’or

Le premier comme le dernier

Les gens sur les terrasses entassés

Le ciel au fond du boulevard

Exercer ton regard profond

L’affûter pour éteindre tes colères

Saisir d’hier la force empruntée

Si c’est toi qui envahit

T’adosser à la lumière pleine

Et faire jaillir ce feu qui t’assombrit

Le mener à sa demeure

N’en garder que la mouvance

Des jours en nous abandonnée et trahie

Genève le 7 novembre 2015

 

A l’abordage

Le pirate s’est figé

Dans une étrange destinée

Pirate, d’abord

Une image ressuscitée

Par les âges à tribord

N’y étant jamais allé

La violence me toise

Du haut de ses mâts

Et autres merveilles

Dont je n’ai pas rêvé

Prenons part à ces instants

Il y a bien un rôle à jouer

Un parapet à enjamber

J’y suis, j’accours,

Pirate, pour toujours

L’image se fige, une vie à parachever

Un cap à franchir, à l’abordage

Depuis quand ?

Pirate en jouant

D’un bateau à l’autre passant

Changer de pont, vaincre en brisant

Des vies tombées dans la nuit

D’autre, il ne s’est rien passé

Pirate, c’est le moment,

Le brouillard sur la ville et sur la mer

Illisibilité de l’avenir et de l’instant

Pirate dans ton corps

Aux abords du Nil

Ton calme olympien

T’aura fait européen

Et tu ne te refuses rien

Une mer, des adversaires,

Un espace disponible,

Une suite et une fin.

Genève, le 30 décembre 2015

 

Là où tu n’es pas

Pour n’avoir pas à dire

Là où tu n’es pas

Et ne pas devoir fuir

Ce qui ne me justifie pas

Serein, privé de certitude

Je reste sur mon chemin

Que dis-je je reste?

Suivre est plus indiqué

Suivre ou créer

Provoquer et mentir

Oui, pour n’avoir pas à dire

Là où tu n’es pas

Je vais mentir mon chemin

Mentir à personne

Le souvenir ensommeillé

Et rien ne vient à l’espoir

Nourrir, mourir

Essayer des poses

Sur une jambe, faire l’arbre

Et redescendre de soi

Pour continuer l’homme,

L’individu ou la personne,

Et, nécessairement,

Se perdre en chemin

On saura qui

Sans savoir pourquoi

Et là, aucun mensonge n’importera

Pour sauver le lecteur de ma déroute, je l’assure de la clarté des silences et l’invite à bien distinguer l’optimisme animalement béa de nos actions devant nous permettre de mieux mesurer le contrepoids de nos intimes abstractions. Et tout n’est pas dit, c’est ce qui nous vaut alternativement le bien.

Genève, le 2 janvier 2016

 

L’ombre des platanes

L’ombre des platanes

Avant fin mars

Les bras tendus

Vers le sol nu

Se brisant sur les murs

C’est la main

C’est le corps

Qui surgit vivant

De cette ombre pleine

Que regarde la lune

Un dépassement de temps

Dans l’alignement de l’ordre du vivant

Une frêle hésitation

L’arrêt de toutes les danses

Et leur réversible continuation

Une idée folle, un manquement

Dieu est en retard

Et le printemps revient

C’est chanté depuis longtemps

Et depuis longtemps

C’est un enchantement

L’ombre la nuit

L’ombre le jour

Imparfaite délivrance

Du parfait amour

Saisir ce qui est immobile

Contempler ce qui fuit

Appréhender

Par l’imagination

L’ombre des platanes

(Et parler aux idiots

Etre des leurs

Pas tout à fait

Se soustraire à ce soi qui serait l’idiot à qui l’on parle)

Les poings fermés des platanes

Tendus vers le ciel

Dans la lenteur et l’immédiateté de leur respiration

 

Le destin de l’ombre

Partir en vrille

N’avoir pas de chance

Tout en gardant à l’esprit

Le destin de l’ombre

Et son épanouissement

Les retours de lune

Que rien ne fige

Et tout ce dont le rien sera la cause

Retard menteur

Et prometteur

Des Dieux et du soir

Genève, le 19 mars 2016

 

Aucune autre que celle de en ce qu’ils

Aucune autre habitude

que celle de l’ensommeillement des souvenirs

En ce qu’ils comprennent

la crainte de l’espoir

20 mars 2016

 

A

J’ai des pensées en commun avec Héraclite

Des disputes en jachère avec le commun

Des mortels qui visionnent des monologues

De Shakespeare, des femmes dans leur salon

“Je n’ai pas perdu la raison” et toute une désespérance

A suivre.

J’ai des espoirs nés du seul regard

De l’innocence qu’il me reste à nourrir

Oh très indirectement, demain,

Pour d’autres surlendemains

Qui ne me verront pas fuir

A vivre

J’ai des rêves à reconstituer

Des erreurs à ne pas commettre

Toute une liturgique bienséance

Par la lecture, pour l’emphase

En de secrets endroits

A tendre

25 mars 2016

J’aurai une fin en soi

A ne plus marchander

Avec quiconque chanteur,

Vendeur ou philosophe

Une vérité sans attendre

A trouver

Je n’y crois pas un instant

Mais la fin, mais le devenir

Les maîtres mots d’incertitude

Les flots taris de toute sollicitude

Des masques face contre terre

A juger

Je n’ai plus de monde

Plus aucun, grand Dieu

De tous les instants sauvés

Par d’autres mondes enchantés

Dans de profondes perspectives

A refaire

Et dans les profondeurs aussi

De nos rues désarticulées

Un roulement, une brisure

Les yeux célestes de mes anciennes

Euphories, éclatées et retenues

A revoir

Viens, viens, reviens

Plein espoir vivant

Me regarder dans le soir

Te reconnaître en moi

Par le jeu des miroirs

A briser

Tout n’est pas à dire

Ni même ne doit venir

La pensée féconder

De mortelle immanence

En un sein désincarné

A connaître

Mais justement, comme à vrai dire

Le possible ne saurait être incarné

C’est le contraire qui le serait

Promis, il ne faut plus s’y tromper

Toute une froide incandescence

Avenir

25/26 mars 2016

 

Samedi de Pâques

Quand on est libre de ses mouvements,

au milieu du jour intérieurement.

Edith Piaf dans les grésillements

au fond du café

et la rue précipitée et disponible.

Le soleil penché sur les dernières neiges.

La réalité poursuit son oeuvre de démultiplication.

Sur l’instant ça ne se voit pas.

Les journaux refermés sur eux-mêmes

comme je le suis.

Tous visés potentiellement.

Dans une file d’attente en mouvement.

S’inviter à l’évitement. Cette tranquillité là est à vendre. Je m’en abstiens et reviens sur les lieux de mon avenir précaire pour un moment d’existence en hésitant sur l’insistance et le rôle de l’individuation.

26 mars 2016

(Samedi de Pâques au Remor)

 

Attention

Indifférence ou attention, les clefs sont là

De vains mots quant vainc le néant

L’esprit baladeur quand apparaissent les bourgeons

Elles font figure de mystère

Elles et vous attentives et sereines

C’est ainsi que je nous vois

Le devenir des restés vivants attend une réponse

C’est une affaire de quelques temps

Qui pressent et comprennent le texte parfait

De leurs antériorités vaines et triomphantes

Genève, le 28 mars 2016

 

Pluriel, singulier

Ramure et frondaisons

Manifeste de l’être au monde

Solitudes vierges

Tranquilles, là où ils sont

C’est aujourd’hui le

Tour des Flandres

Le vainqueur, un échappé

Le peloton m’a rattrapé

Tranquilles, là où ils sont

Solitudes vierges

Manifeste de l’être au monde

Ramure et frondaisons

3 avril 2016

 

Futur antérieur

Pages blanches peut-être

Voix blanches aussi

Et crinières plus tout à fait dans le vent

Les propos transparents

J’ai vu pire cette semaine

Cette semaine à me fuir

Le moment où l’on filme

Et cinquante ans plus tard

Le même petit air frais sur la nuque

De quelqu’un d’autre qui est soi

Ils parlent, vont de l’avant

Faiblissent et s’enfuient

Ce n’est plus dans le regard

C’est encore un peu dans la voix

La une de Libération

Le mort fameux et proche

Brel, Brassens, Barbara, Ferré

Pas vu passer « J’arrive », « Supplique »

Elle choisit l’âge tendre

Il nous imposa sa crinière blanche

Et ses chants de Baudelaire

Les voyages dans le temps imperceptiblement

Se font jour de but en blanc

C’est accessible, c’est disponible,

Il faut saisir et surgir

Apprendre la patience

Aviser du retard et de l’anticipation

La belle meunière, les truites

Et la musique de Schubert

Filer avec au sans elle

Avoir été de ce monde

Au futur antérieur

Ou à son exact contraire

Non encore précisément décrit

Par la science et la poésie

Genève, 30 avril 2016

 

Mélanges et réciprocités

Trouver ici ou là quelques mots

Pour satisfaire à la gourmandise

De la nature et du néant

Qui se nourrissent mutuellement

Rien que cela, tout en cadence

En laissant faire l’indolente

Discordance des rires et des volontés

Mêlant l’humain et le miel

Au sérieux du rien et du réel

Genève, le 1er mai 2016

 

A rebours

C’était après l’heure dernière

Après bien après

Un instant charnière

Aux confins de l’éternité

Enfin, celle dont on parle

Les autres n’ayant pas été retrouvées

A l’instant où je vous parle

Une autre perte est à déplorer

Nous succombons aux charmes

De toutes les allées et venues

Pavées, nous dit-on de bonnes intentions

Depuis quelques temps,

De tout, il me semble, je suis revenu

A pied, en nageant,

En pleurant dans les bourrasques

Le rêve même est parfois médisant.

 

Acceptation

Sombre errance de l’esthète, posé-là

De n’avoir pas accepté l’image d’elle en soi

Nuit et jour nous font des propositions d’existence

Fuite de l’animal, et de l’ombre, puis de l’éclair

Le chemin de pierre aussi s’estompe

Sous les ciels gris quand la lumière vient au bruit

La ville, tu ne sais plus, compte ses sourires

On baisse les yeux et la vitre machinale

Hier soir, on donnait les feux

Genève, le 23 juillet 2016 / 13 août/ 14 août

 

Affaire

Pas de poème aujourd’hui, pas de poésie

Les mots me refusent toute importance

Et me fuient

La ville oppressée dans un lourd soleil

Tient les fêtes dans sa main

Je cherche un endroit, un refuge

Pour les passifs affairistes comme moi

Les jours font leur révolution

Dans un mouvement absorbant tout souvenir

Que seuls auront perçu les vivants

Bien malin qui s’en dédie

Genève, le 14 août 2016

 

Village

Des arbres dans le mouvement du vent me font regarder la montagne modeste, silencieuse, sans humeur dans sa présence. Elle me dit bleu et je vois jaune. À vrai dire, il n’y a pas d’à vrai dire, ce peut être de tous les verts changeants. Les étangs contiennent le regard et emportent l’esprit. Il y a l’être aussi qui s’assoupit. Le prochain virage, l’horizon cassé, le bruit des voitures passant les portails couchés. Il était si solidement midi moins dix et treize heures, déjà ne se fait plus attendre. L’année dernière, c’était la pluie. Aujourd’hui, il fait chaud et gris, mes émotions ne font aucun bruit, un nouveau virage fait mine de m’attendre. C’est ce que je me dis. Mais le silence du village, le même qu’en 1946, le même qu’en 1984, qu’en 2003, une immuabilité surgissant(e) dans le fini de la vie.

Les Genevez, 2 août 2016

 

Contre-addiction

Besoin de toutes mes heures

De tristesse jusqu’à satiété

D’ennui, de disponibilité

A travers jours et absence

D’action et de volupté

Besoin de tout mon temps

Que me dit-on je prends

Qui me serait compté

De connaissance pour déchiffrer

Pardon pour défricher

Les jours à perdre, les actions à mener

Le vide à boire et le plein à manger

Genève, le 20 août 2016

 

Joyeuses fulgurances

Sans plaisir le repère,

Pour autant la prière.

Parier est une sollicitude.

Nulle envie vraiment,

De ne pas y revenir.

Le repaire sans plaisir.

M’ôte la force la chaleur,

Me souviens de la souffrance, la ferveur.

J’arrive là, et parviens,

(…) .

Genève, le 27 août 2016

 

Au sortir de la piscine

Au sortir de la piscine

Des dizaines d’années

D’août en août

Dans les flots

De l’inconscient qui se baigne

Apaisé, mais forcé à penser

Quelques dames

Quelques brasses

Et les couleurs de la société

Orques et baleines peu surprises

De me rencontrer

Le coeur ralenti

Rejoint l’esprit

Au sortir de la piscine

Trouver la page

Aller à la ligne même

Blaise Pascal parlant de la vie

Qui ne s’éterniserait pas

Genève, le 28 août 2016

 

Boulevard du jeûne

Derniers soleils

Pour faire le tour

Des eaux vives de l’âme ou

Revivre les flétrissures

Les secrets accrochages

De qui aura

Superbement sur mon chemin

Attendu à tous les feux

(dont l’art poétique exige que l’on taise la couleur)

Et respecté le déploiement partiel

Et mesurable de mes assouvissements

La lune discrète se baigne dans les bleus

De son ciel vivant

Que les platanes

Glissant dans leurs corps feuillus

N’atteignent qu’en apparence

On parle d’une avancée

On murmure un cheminement

(Genève, vendredi 9 septembre 2016)

 

De l’impossibilité d’écrire que le ciel est bleu

Oui, au fond du bar de la librairie

Oui, un ciel visible

Oui, perdu dans le dédale

Des rues et de leurs architectures

Un ciel dans les vitres géantes

De l’intérieur, au plus profond

Regards rentrant, en-deçà lointain,

Discret et fuyant

Curieux des livres exposés

De leur teneur et de leur variété

Prêt à partager mon café

Un ciel oui bleu que je retiens en moi

Par la volonté de les lire tous encore un peu

(Au bar d’une libraire, buvant un café, alors que

l’immeuble d’en face reflète un ciel dont il n’y a a pas

lieu de taire la couleur – Genève, le 9 septembre 2016)

 

Avec je ne sais qui

D’accord pour penser –

Prêt à l’effondrement de la volonté

Chacun perd sa force

Tête vide, papier à jeter

Encre dispersée

Le tout revient à dire

Que rien n’est à

Ecrire

C’est le début

De l’irrévérence masquée

Et triomphante, gloire en semaine

Narcisse désavoué et ressuscité, tout un

Chacun se perd à ne plus s’encombrer de

La suite des existences tierces, de l’étrange extranéité

Altérité finale, reconnaissance de soi et de l’indifférence

(poème du 9 juin 2013, relu ce matin, sans y toucher)

 

Attention à quoi ?

Toutes les réponses sont apportées

Aux questions qui n’auront pas été posées

C’est étrange, mais ce pénétrant désaveu

Pourrait prêter à rire et personne ne saura

Une pluie s’en revient divinement refroidie

J’interroge une nuit qui s’en va

Et une autre qui ne vient pas

Entre-deux, entre nous et soi

Tout à y perdre, et guetter des choses

Le recommencement et l’alternance

A pas feutrés intérieurement j’avance

En faisant attention dans le noir

Aux questions qui n’auront pas été posées

Genève, le 18 septembre 2016

 

Les faire ce peut

J’avais des mots en tête

Là tout à l’heure vers les terrasses

Une destination sans tête

Sur le boulevard qui s’en allait

Il était question

Du sourire de l’automne

De l’imperceptibilité des changements

En soi et sur tous les habillements

Humains et boulevardiers

Il était question

De la détresse visible

Et de tous les imparfaits du temps

Du temps boulevardier

Qui chauffe les coeurs

Et les fait se renverser

Genève, maintenant – 22 septembre 2016 17.50

 

Patience du palimpseste

Patience du palimpseste

Que de vagues luminescences

Défient dans le déchirement général

Moineaux sur mon plateau

Leurs miettes parachèvent l’horizon

Que ne submerge aucun éblouissement

Aimer se laisse substantiver

Avec beaucoup de vivacité

Ces silhouettes rafraîchies

Par les bleus de l’été parti

Une volonté insubmersible

Plus saisissante qu’il n’y paraît

Exerce obstinément sa présence

Dans chaque individualité

Un schéma dégénéré, une effervescence

Un amour de l’amour de la vie

Qui n’attend plus sa résurgence

Vous n’y étiez pas, je ne cesse d’en revenir

(Genève, Bains des Pâquis, ce 2 octobre 2016)

 

Y a-t-il?

Un absolu

Quelque chose

Qui

Justifierait

Nos moments perdus

Nous aurait tiré du néant

Et ne nous y reprendrait plus

Genève, 12 octobre 2016

(A l’opéra des Nations)

 

J’apprends à écrire

Tu auras vu

Un chiffre qui se meurt

En mouvement vers l’avenir

Des mots et de la vigueur

Un texte de Bob Dylan

Battre le réel au rythme

Sur ses guitares de ses mains

De son ardeur toisée par lui

De l’intérieur, tu auras su

Trouver dans les nouvelles

Vicissitudes de la spontanéité

Une vierge destinée

Et ses sanglots écoeurants

Ne reviendra à toi

Que cet hémisphère multiplié

Et la désolation balbutiante

Des flétrissures de l’instantanéité

J’apprends à écrire

Genève, 24 octobre 2016

 

Carrousel

Battante, sous une pluie

Larvée, comme l’ennui

Tout, de but en blanc

Le murmure, sous les toits

Couleurs anonymes

Des chevaux de bois

De ce pas, je reviens

Vers ces pays oublieux

Des secrets espaces

De l’enfance,

Qui tarde à s’endormir

Genève, 5 novembre 2016

 

Môle solitude

Môle solitude

Traversante et bleutée

A cet endroit qu’elle qualifiait

Et qui me renvoie à d’autres vols

Que regardent les vagues

La blancheur dressée

Là où tombera le dernier mot

Un homme et une femme

Pourfendent leurs propres

Silhouettes libres et enchâssées

Le vent glacé me fait hésiter

Fragilité des promesses

Brusques aléas rencontrés

D’autres hasards déployant

Leurs paysages lacustres dans le ciel

Se dessine un recommencement

Qu’absorbe chaque petite vague réapparue

Un bateau jaune entre deux quais

Sur le qui-vive

S’empare de mes inattentions

Et retrace les allers et retours

De la plupart d’entre elles

Eternités muettes et figées

On ne se regarde plus

J’enlace comme on enjambe

Ce qui tient lieu de parapet

Dans l’immobilité rejouée

Des lignes ajourées

Que définissent les horizons

Battements d’aile

Distinctement perçus

Paysage lacustre dans le ciel

Un salut réjoui à ce qui va

A l’approche, comment dire, de ce qui vient

Chasse gardée du vent

Fuite renouvelée à tout va

L’un d’entre nous parle

Persister en son être

Ce qui nous retient

Dans cet avant-monde fuyant

Ce samedi après-midi, 19 novembre 2016,

et dimanche 20.

 

Les glacis illuminés

Je n’écris plus dans la nuit

Corollaires de la lumière

Étendue sur les eaux

Le risque noie ses ombres

Et fluidifie la matière

Restent les endroits où l’on passe

Les affiches, les promesses

Le silence des signalements

Dans la nuit, je perd mes mots

Dont celui d’antienne

Une fois traversée

C’était un chemin

Perdu, retrouvé

Cent fois le même parcours

Exsangue lucidité

Que rien n’ignore

Et qui s’en laisse conter

Tôt ce soir, par la Coulouvrenière 3 décembre 2016

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