Suite de mon "feuilleton de l'été"
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Au coin de l’ordinaire chapitre 21/ l’enlèvement de Pietro

La préparation ultrasecrète des mesures qui avaient permis d’étouffer le coup d’Etat puis la participation aux différentes opérations de police en découlant avaient mobilisé, en sus d’un certain nombre d’unités de l’armée, la plupart des forces de police cantonales. Pietro n’avait pas fait exception et les différentes enquêtes en cours étaient restée en suspens.

 

Après plusieurs jours d’interrogatoires menés par la police fédérale pour son rôle dans la tentative de coup d’Etat, Golaz fut enfin transféré à Fribourg où Pietro et son collègue Musy attendaient avec impatience de pouvoir l’interroger. Après avoir tenté de se la jouer « prisonnier politique » que l’on accuse d’un crime de droit commun, Golaz commença à fléchir devant les évidences que constituaient le témoignage de Rustem et l’enregistrement de sa voix. Il admit avoir payé Rustem pour exécuter certaines tâches et cela, pour des raisons politiques mais n’alla pas plus loin. Musy fut bien obligé d’admettre que la piste de Louis perdait de sa consistance et qu’il valait la peine de creuser un peu les premiers aveux de Golaz.

 

 

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Pressé de rejoindre son domicile et la fête d’anniversaire de son cadet, Pietro se dirigeait vers sa voiture dans le parking souterrain de la police. Il était épuisé par ces jours d’astreinte au travail dus à la situation mais aussi préoccupé par la disparition de Louis.

 

Au coin de l’ordinaire chapitre 21

Il venait de s’asseoir et allait tourner la clé de contact quand les deux portières avant s’ouvrirent brusquement. Deux individus cagoulés s’engouffrèrent dans la voiture et, avant qu’il n’ait pu esquisser un geste, Pietro se retrouva plaqué contre son siège un pistolet sur la tempe. L’un des deux, accentuant la pression de son arme contre la tête de Pietro, ordonna :

 

– Tu démarres et tu fais ce qu’on te dit.

 

Pietro s’exécuta, espérant que quelqu’un serait présent dans le garage à ce moment-là ou en train de regarder la vidéo de surveillance dont il ignorait qu’elle avait été mise hors service par l’un de ses agresseurs, un policier ripoux. Pour cause, rien ne se passa et la voiture se retrouva à l’air libre, en ville, dans la circulation encore assez dense en cette fin d’après-midi.

 

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Le panorama était splendide : un enchevêtrement de vallées profondes aux pentes recouvertes de forêts de pins, de châtaigniers de genêts, d’où émergeaient ça et là, quelques touches fleuries d’arbustes précoces et d’amandiers en fleurs. En ce printemps naissant, l’air charriait toutes sortes d’odeurs. Il n’ y avait aucun autres bruit que celui du vent dans les arbres ou parfois peut-être, le bruit lointain d’un moteur. Je m’emplis de cette atmosphère si paisible. Je me sentais bien.

 

Les évènements des dernières semaines m’apparaissaient comme un mauvais rêve. Je me réveillais , enfin, dans une sorte de paradis. Et pourtant, malgré la présence de Francesca et cette paix intérieure retrouvée, j’éprouvais le besoin de savoir ce qui passait chez nous, de comprendre aussi ce qui m’était arrivé. Francesca interrompit mes pensées :

 

– A quoi tu penses ?

 

– A tout ce qui s’est passé. Je suis bien ici et avec toi. Je t’assure que je ne pouvais pas rêver mieux. C’est presque parfait. Mais je voudrais savoir, comprendre.

 

– On peut essayer d’atteindre quelqu’un, si tu y tiens vraiment. J’ai un portable avec une carte prépayée que je n’utilise qu’en France et qu’on ne pourra pas tracer pour te retrouver. Si tu veux, on peut appeler maintenant.

C’est ce que nous fîmes sur le champ en appelant Ferran que nous atteignîmes alors qu’il se trouvait au domicile de Pietro. Il nous expliqua la situation politique en Suisse après la tentative de coup d’état et l’avancement de l’enquête sur l’agression de la Souby-Roux . Selon les dernières nouvelles fournies par Pietro, il paraissait de plus en plus que les derniers éléments aux mains des enquêteurs permettaient de plus en plus de douter de ma culpabilité. Par contre, il n’avait pas plus de détails et pour cause : Pietro était parti de son travail hier soir mais n’était jamais arrivé à son domicile. Lucie, Christine et les enfants étaient très inquiets. Hans et Xhemile étaient en train d’entreprendre des démarches et de contacter plusieurs personnes pour tenter d’en savoir plus.

 

Il nous conseilla d’attendre encore avant de rentrer, le temps que je ne sois plus recherché. Nous promîmes d’en discuter et de le rappeler d’ici demain.

 

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Pietro était couché sur un sol en parquet, les pieds entravés et ses mains attachées dans le dos par des menottes. La pièce était dépourvue de mobilier et des volets fermés en fermaient l’unique fenêtre. Il se rappelait avoir été sorti de la voiture et avoir reçu un violent coup sur la tête qui lui avait fait perdre connaissance. Il ignorait complètement pourquoi il était là et qui étaient ses ravisseurs. Le seul indice qu’il avait était que le pistolet qui le menaçait dans la voiture se trouvait être exactement du même type que le sien, donc celui dont la police cantonale était dotée.. Arme volée ou flics ripoux ? Il l’ignorait mais se doutait bien que son enlèvement était certainement lié à l’une de ses enquêtes.

Il n’avait en effet ni fortune ni salaire laissant imaginer une demande de rançon. Il n’avait aperçu aucun visage. Un individu, toujours cagoulé, était venu lui glisser une barre de céréales dans la bouche et lui donner à boire il y a un moment, le tout sans un mot et sans réponse à ses questions.

 

Il faisait nuit et Pietro se contorsionna pour tenter de voir l’heure, ce qui n’était pas forcément facile avec les bras liés dans le dos. Il y parvint et constata qu’il était près d’une heure du matin. Il décida de tenter de s’endormir pour récupérer des forces.

 

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Les enfants étaient partis à l’école et au lycée. Lucie, très affectée par la disparition de Pietro, avait du prendre des calmants et dormait encore. Ferran et Christine étaient attablés à la cuisine devant le troisième café de la matinée. Ferran avait décidé de rester au domicile de Pietro tant que ce dernier ne serait pas de retour. Il avait juste effectué un aller-retour à son propre domicile, histoire d’en ramener son ordinateur et les traductions en cours qu’il devait terminer.Christine avait deux jours de congé. A eux deux, ils pourraient prendre soin des enfants et de Lucie, au moins dans l’immédiat.

Hans devait travailler et Xhemile, tout en assurant une présence au bureau de l’entreprise de son mari, continuait d’appeler des collègues et des amis de Pietro pour tenter de comprendre ce qui s’était passé. C’est la réflexion d’un collègue proche de Pietro qui mit la puce à l’oreille de Xhemile. Ce quinquagénaire bedonnant mais qui débordait, aussi, de gentillesse et de serviabilité, tout en s’inquiétant pour Pietro, avoua que l’atmosphère et la charge de travail était devenue vraiment pénible depuis la disparition de Pietro auquel s’ajoutait un subit départ en vacances de trois autres collègues. Xhemile, tout en s’enquérant des noms des collègues, ne fit aucun commentaire supplémentaire mais s’empressa d’avertir Hans.

 

Hans connaissait assez bien les noms et les traits de caractère d’un bon nombre de collègue de Pietro, les journées d’hôpital passées côte à côte ayant favorisée, chez les quatre amis, un bon nombre de confidences réciproques. Ce qui l’étonnait était que ces trois-là ne correspondaient en rien à l’idéal professionnel de Pietro et ne comptaient en tout cas pas au nombre de ses amis. Ils étaient connus pour une ardeur au travail quelque peu limitée, une propension à abuser de leur autorité face à toute personne ayant un faciès qu’ils supposaient peu helvétique.

 

Surtout, ils trainaient une réputation de ripoux que leurs trains de vie respectifs n’aidaient pas à démentir, jamais prouvée, mais assez présente pour qu’on les ait écartés, chaque fois que les effectifs le permettait et ce qui n’était pas souvent le cas, de toutes les affaires pouvant donner lieu à des tentatives de corruption.

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– Allez debout. Tu as de la chance, tu vois, on t’apporte même à boire et à manger. C’est presque l’hôtel.

 

– Vous êtes qui, vous voulez quoi ?

 

– Les questions c’est pour plus tard. Pour le moment , tu t’assieds, tu bois et tu manges. Après, on causera, un peu.

 

Pietro s’assit tant bien que mal et prit appui contre le mur. Il saisit le gobelet d’eau que lui tendait un individu encagoulé qui laissa tomber deux pommes à côté de Pietro avant de ressortir de la pièce.

 

Un peu plus tard, le même personnage revint avec un téléphone portable tactile et une feuille de papier imprimée. Il s’adressa à Pietro :

 

– Tu vas dire exactement ce qui est écrit ici et tout va bien se passer.

 

Pietro lut le texte qu’on lui présentait :

« Nous demandons la libération immédiate de Jean-Marie Golaz en échange du commissaire Pietro Righini. Si dans 12 heures à partir de la réception de ce message, M. Golaz n’est pas libéré, nous exécuterons le commissaire ».

 

– Ils ne vont jamais accepter. C’est peine perdue. Vous allez commettre un meurtre pour rien.

 

– T’occupe ! C’est notre affaire. Tout ce qu’on te demande, c’est d’être bien sage et d’attendre.

 

L’homme sortit, verrouilla la porte et rejoignit ses comparses dans la cuisine de cet appartement inoccupé de la banlieue de Fribourg.

 

– Bon, maintenant, il faut livrer le message. Joseph, tu utilises ce portable avec une carte pré-payée et tu t’occupes d’envoyer un texto et le fichier sonore à la police et à la presse. Après, tu te contentes de surveiller notre invité jusqu’à notre retour. Nous trois on file préparer la deuxième phase de l’opération. Dans deux jours on sera loin, riches et tranquilles.

 

Les trois individus descendirent quatre à quatre les escaliers de l’immeuble vétuste et en attente d’être démoli. Ils s’embarquèrent dans un puissant quatre-quatre et démarrèrent sur les chapeaux de roue. Après deux heures de route, ils atteignirent un chalet d’alpage isolé, à plus de 30 minutes en voiture du village le plus proche et accessible seulement, sur les derniers 10 kilomètres, par un chemin de terre. A côté de la cheminée se trouvait une valise : ils l’ouvrirent. Elle contenait deux cent milles francs en liquide et une carte sur laquelle était indiqué :

 

« Comme promis, voici le quart de votre salaire, le reste suivra une fois le travail terminé. Vous livrerez et traiterez comme convenu les deux colis ici puis irez chercher le reste de votre dû dès que j’aurai appris les bonnes nouvelles attendues, à la consigne de la gare de Lausanne. Je déposerai la clé au même endroit que la valise, à côté de la cheminée, à gauche. »

 

(à suivre)

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