Créé le: 19.04.2019
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Une scène me revient

Nouvelle

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© 2019-2024 André Birse

Mes films d’amour. A commencer par “Le faussaire”. 
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Avant le titre

 

 

Nue dans un film de guerre, marchant à quatre pattes dans un appartement que, regard en feu je fantasmagorise, elle rejoint un homme. Ils n’attendront plus. Au-delà des sourires, dans le prolongement du repas partagé. Une porte, sol, couloir lumière nuptiale d’entre les cocktails. Molotov s’entend, déchirures de la flamme. Soldats courant partout, vacarme de la conquête, quartier par quartier. Ce devait être quelque chose comme le Liban au début des années quatre-vingt. Anna Schigulla a vieilli avec classe et Bruno Ganz vient de partir. Leur scène d’avant l’amour me revient. Flux énergétique. Aucune problématique. Nous n’étions pas, je m’en suis un peu mêlé, dans le consentement, l’accueil amoureux, mais bien dans une ardente motivation, ce qui bouge, se meut, va de l’avant, vers une suite d’actes voulus et ressentis par le corps.  Cette ardeur crédible et rare dans le feu de l’action cinématographique s’est éteinte au milieu des décombres de la ville dévastée, refroidie puis construite à nouveau. Il était reporter ou justicier. Je n’ai guère de souvenirs du film  subira son écrasement sous la violence réelle et supposée qui lui aura succédé.

 

Maryline à quatre pattes pour Life en 1952, me revient ce matin de vendredi saint par la lecture de l’Obs. En jeans, et tout ce que cette image aura suggéré, généré. Elle sourit, en se retournant. Le photographe pense à elle sans vraiment y penser. Elle regarde pleinement dans le vide, n’avance ni ne recule. C’était chaud paraît-il et ça ne l’est plus du tout.

 

Une scène

 

Pourtant, Marilyne, de la publicité, pour le 501. Redondance, chair, muscle et sexualité. Une suite d’attirances, respectives et tueuses plus que respectueuses. Tout à la fois. Un enchaînement de liens à refaire. Connue de tous et de toutes, esseulée et sublime pour une pâle éternité.

 

J’ai aussi attendu, mais ce ne fut pas la guerre. Un entre deux permanent, une fin constante d’après-midi. L’actrice dans son rôle de femme qui ne joue pas. Le corps grandi pour toucher à ses fins. Les propos, perdus dans les regards et les chansons à la radio. Charles, tant observé, et Catherine Deneuve,  une scène discrète aussi qui ne permet pas de s’y retrouver. La Chamade. Inculture de l’amour. Abjuration de soi dans les plissements de l’existence et l’inaccomplissement des silences.

 

Audrey Hepburn sur le scooter de Cary Grant. Jusque bout de l’histoire. Tout au bout depuis son début. Presser sur la détente du mot amour et promettre de ne plus en parler devant un tout désarticulé. Comment ai-je pu y croire et à quoi ai-je crû ? C’est une question très pragmatique qui à jamais demeure inepte. Scènes et sens, jusqu’au bout vous dis-je. Génère et sens, manquera ainsi ce qui devait abolir la cause de la rencontre. Aucun talent pour les mots croisés de la sensualité, j’achèverai mes restants de confidence.

 

Me revient

 

Bruno Ganz à Lisbonne dans la facilité du hasard. Il ne pouvait pas ne pas y avoir de moment fort dans la chambre de l’hôtel. Sauter par-dessus le bar, franchir cette barrière avec une appréhension pour ce « tous les soirs » qui casse le rythme et broie le plaisir de la rencontre. Elle a vieilli. Ça se voit. Manquer de le dire et de le taire tout autant. Oublier autant qu’apprendre l’inspiration. Apprendre à l’ombre de l’attente et s’en tenir là. Homme d’action partant à la guerre des amours outrepassées. Décevantes et déçues. Il fallait s’y faire et j’en ignorais déjà le goût. Binoche parlant à Paulo, lui assénant avec force émotion qu’elle n’éprouve rien pour lui. Lui parlait amicalement, Juliette, cachant ses poupées, veillant au sort de ses ondines. Dans la chambre tout les deux et Paolo qui n’y croit pas. Lambert gagnera ce combat. Cerfs-là. Wilson sur le pas de la porte. Et Juliette est perdue. Paulo s’en va. Je les vois tous trois franchir un pont. Il ne fallait pas me parler ainsi.

 

Isabelle aussi chez Pinoteau. Un vélo, une gare et une chambre. Lino pour père, un pull blanc puis une scène très prudente. Vue quatre fois dans la même semaine. Ma guerre, mes boutons. Son amant ensuite feuilletonnera et Isabelle que je suivrai du regard ira se perdre en Adèle H. L’argent qu’elle lance au visage du cavalier. L’indifférence se cherche un prénom. Isabelle chez Ibsen, en Hedda, admirable sœur d’Emma. Maturité, hein quoi des sens. Sur scène elle se tua. Huppert, profonde maîtrise d’un soi décapsulé.

 

Films d’amours

 

Petite Pomme de Claude Goretta. Même femme, la génération d’avant. Je n’ai pas tout suivi et Patrice Chéreau acheva de me détromper par son film osé qui ne m’aura pas fatigué. Des rues, des appartements, le bruit dans le voisinage, marteau, tempo, récurrence des actes. Recommencer le chaleureux déploiement de ses forces, vitalité, pour inventer, amuser, rassurer et s’accoupler. Un discours vieillit qui ne vient pas de si loin. Parfaite et idéale conscience de ça. Désincarnée dans mes esprits, la femme rêvant d’être là mais n’y étant pas. Il n’y eut chez Louis « point de rupture entre l’indifférence et l’amour »* dans cet univers concret qui était « fermé aux passants »*. * Louis Aragon, le paysan de Paris p. 243.

 

Dans les entrebâillements de plusieurs portes aux fonds de multiples couloirs, j’ai couru sans connaître l’essoufflement puis décidai de marcher. Il y avait un point de départ que l’on ne connaîtra pas. Un enchevêtrement de conditions réelles et de lois en partance vers un avenir cuisant qui retombera comme un soufflé. J’en reviens justement et ne m’y attarderai pas. Par les mots en partance. L’actrice sourit au souvenir des hommes, endosse son présent et m’invite involontairement à considérer le tien autant que le mien. Il n’y aura pas de pourboire, fût-ce la honte, pour les assoiffés. Je n’ai pas toujours su exactement où j’en étais. Actrices, idéalo-graphiques.

 

Genève, 19 (et 22 et 23)  avril 2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires (1)

Webstory
06.05.2020

Des instantanés cinématographiques superposés à nos images intérieures; nos émotions personnelles vécus à travers l'écran... Chacun de nous en a dans sa vie. A travers son écriture si particulière, André Birse fait revivre les Déesses et les Dieux du cinéma, tout en glissant sa vie entre les lignes.

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