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© 2017-2024 Thierry Villon

Julius, piégé dans les entrailles du château de Gruyères, a cru voir enfin une issue dans la lumière bleue qui brille au fond du tunnel. Qu’en est-t-il vraiment ?
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En effet, la lumière bleue que Julius a aperçue de l’autre bout du couloir, provient d’une fenêtre, la première qu’il rencontre depuis le début de son étrange aventure. Par cette ouverture creusée dans la roche, il voit la lune pleine voilée de nuages épars et mobiles, la cause probable du scintillement qui avait attiré son attention. La lumière de l’astre nocturne le rassure un peu sur la réalité des choses qu’il est en train de vivre. Par contre, pour autant qu’il puisse en juger, la fenêtre gardée par une solide grille de fer forgé, s’ouvre sur une zone en forte pente qu’il est bien incapable de situer.

Julius s’interroge : Suis-je à l’est du château, ou à l’ouest ? Mystère ! Pas d’issue possible, la plaisanterie continue, mais quelle guigne, ça commence à bien faire, je suis encore coincé…

Julius essaie de crier : Hé, là en bas, quelqu’un m’entend ? Au secours, venez me sortir de là…

Il n’obtient aucune réponse, ni le moindre écho de ses appels. A l’extérieur, tout n’est qu’ombres menaçantes. Les maisons de la ville de Gruyères, dont il aperçoit quelques toits, sont à l’opposé. Il essaie tout de même de passer sa lampe à l’extérieur, espérant pouvoir attirer l’attention d’un hypothétique promeneur. En vain, la grille n’offre pas d’espace suffisant.

La sensation d’être observé ressurgit tout à coup. Cela vient de l’autre extrémité du couloir. Il hésite à se retourner, mais quand il s’y décide, le choc est extrêmement rude. Il en perd l’équilibre et se retrouve à terre, dans la plus grande confusion. Il voudrait à tout prix se boucher les oreilles, pour n’entendre aucun son sortir de cette bouche, tellement la chose lui paraît impossible.

La réplique exacte d’un autre lui-même se tient debout dans le couloir et le fixe. Julius se reconnaît : même posture, même visage, même regard, trait pour trait, tout est semblable à lui, comme s’il se voyait dans un miroir. Quand l’autre ouvre la bouche, c’est sa propre voix qui résonne sous la voûte de pierre. Et débute une conversation parfaitement irréelle :

– Toujours au même point, Julius, quand comprendras-tu la leçon ?

– Mais quoi, quoi, tu n’existes même pas, c’est impossible, on m’a drogué.

– Rien du tout. Tu n’y es pas, mon cher Julius. J’existe bel et bien et en résumé, je ne suis pas très fier de ta vie. Il y aurait tant de choses à en dire. Tu voudrais peut-être que je commence par le moins préoccupant, sauf si tu préfères être débarrassé en priorité de ce qui ne va vraiment pas.

– Je m’en moque, tu n’es qu’un mauvais rêve, un fantôme, allez, dégage de mon chemin.

– Tu peux bien imaginer que je te connais si bien qu’aucun de tes points sensibles ne m’échappe. Même qu’en ce moment, tu n’as qu’une peur, celle de m’entendre dire ce que tu connais parfaitement et que tu refuses d’admettre depuis un bon bout de temps.

– Tais-toi, dégage loin de là.

– Tss…Julius, tu ne vas tout de même pas me forcer à t’attacher à cette grille et te laisser pourrir là, jusqu’à ce que tu acceptes cette conversation entre nous. Parlons tranquillement, veux-tu ?

– Rien à faire, je ne discute pas avec une apparition, quand bien même elle me ressemble !

– Tant pis, tu l’auras voulu. J’avais juste l’intention de t’aider, manifestement tu n’es pas prêt, toujours ta vaine fierté de t’en sortir par toi-même. Débrouille-toi donc tout seul.

– C’est ça, monsieur copier-coller a eu une révélation, en sortant de son nuage…Fais comme tu as dit : dégage de ma vue.

– Ciao, à bientôt.

– A jamais.

Julius voit son double traverser sans peine la grille qui ferme la fenêtre. Il n’en croit pas ses yeux, mais l’autre a maintenant disparu. Il voudrait s’enfuir loin de cet endroit, mais ses forces lui manquent. Il lui semble qu’on a déposé un poids très lourd sur sa poitrine. Il manque d’air. Il ne parvient plus à mettre de l’ordre dans ses idées. La sensation d’être mené d’un événement à l’autre, sans pouvoir rien contrôler, l’angoisse au plus haut point. Il cherche en vain à se ressaisir, en chassant le sentiment qui l’envahit. Tout ce qu’il obtient, c’est une accélération délirante de son rythme cardiaque, doublée d’une sensation de s’enfoncer dans le sol. Il voudrait crier, mais aucun son ne sort de sa bouche. Il se traîne vers la fenêtre, s’appuie contre le chambranle, puis sombre dans l’inconscience.

La lune ne donne plus sa lueur, quand il retrouve ses esprits. Le couloir est sombre et le silence total. Lentement, il revient à lui, cherche à retrouver une respiration calme. Scène par scène, le souvenir de la rencontre impossible se précise dans son cerveau. Un malaise teinté d’une petite dose de regret l’accompagne. Peut-être aurait-il dû accepter la discussion ? Mais sûr qu’il n’y aurait rien gagné, sinon de se retrouver encore plus embrouillé qu’avant. La réalité ne pouvait pas produire de pareilles situations. A coup sûr, autre chose était en train de se jouer là, mais quoi ?

Il décide qu’il n’a pas trop le temps de se poser de questions. Il lui faut coûte que coûte trouver une issue. Il s’assure qu’il tient plus ou moins sur ses pieds et repart vers la cage d’escaliers. Avec prudence, il cherche des signes de danger. Il n’entend rien, si ce n’est le bruit de sa propre respiration. La lumière de sa lampe a bien baissé d’intensité. Il sait qu’elle ne fonctionnera plus du tout d’ici pas très longtemps. Il faut qu’il trouve cette maudite sortie. Il n’hésite pas longtemps devant les multiples possibilités que lui offrent les escaliers. Il prend droit devant et s’enfonce dans le couloir. Après avoir marché durant un petit moment, il doit bien admettre que le sommet de son crâne se rapproche de plus en plus des roches brutes qui forment le plafond. Le boyau se rétrécit également dans sa largeur. Il sent venir le piège. Tout son instinct lui dicte de repartir en sens inverse, mais il veut aller jusqu’au bout, pour se donner une chance, quitte à perdre un peu de temps.

Tout à coup, le couloir fait un angle très aigu qui lui coupe toute vue sur la suite. Julius stoppe, les sens aux aguets. Que va-t-il encore bien pouvoir trouver ?

Avec d’infinies précautions, se faisant le plus silencieux possible, il avance de quelques pas. A quelques mètres de lui, il découvre une petite crypte taillée dans la roche. Un portail en fer forgé en barre l’accès. S’étant assuré de ne rien risquer, il essaie de pénétrer dans cet étrange lieu. Rien à faire, c’est fermé. Julius explose. Sa voix retentit sous la voûte :

– Mais quoi encore ? Le passage est bloqué, bien sûr ! Ce serait trop facile autrement. Non, mais tu vas voir comme je vais te la démolir cette grille, fer forgé ou pas ! »

Avec rage, il entreprend de mettre de grands coups de pied contre l’obstacle. Il transpire à grosses gouttes, mais il ne faiblit pas. Malgré ses solides chaussures de travail, ses pieds lui font de plus en plus mal à chaque coup. Petit à petit, le scellement tombe au sol par morceaux. Il sent la grille bouger un peu, puis l’instant d’après vaciller, avant de s’écrouler sur le sol dans un bruit assourdissant.

Suite chap. 5

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