Un coup de fil impossible...

Lecture audio par Chantal Girard pour Webstory

Cet infime instant de vie n'est pas né de mon imagination, je l'ai réellement vécu et il m'a troublée...
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La vie, parfois nous joue des tours surprenants, étonnants, déroutants !

 

C’était un jour d’avril, un jeudi. Un jour merveilleusement ensoleillé. Un jour de congé.

 

Ce jour-là j’avais décidé de faire des confitures. Quelle idée ! Cette entreprise prend du temps et j’avais bien d’autres choses plus importantes à faire. Mais au marché les fraises étaient si belles, si tentantes et d’un prix si dérisoire, que je n’avais pas su résister. Et puis après tout ça me faisait plaisir, pour une fois, de faire ce genre de douceurs. Je ne mange pas de confitures mais, qu’à cela ne tienne, un petit pot « maison » concocté avec amour trouverait toujours le moyen de faire plaisir à quelqu’un.

 

Me voici donc embarquée dans la confection de ma confiture de fraises.

 

Casseroles, balance, fruits, sucre et bocaux, tout était prêt, je ne pouvais plus reculer. Seulement voilà, si des confitures j’en avais sûrement déjà fait, c’était il y a au moins… disons très longtemps ! et je ne me souvenais plus en avoir confectionnées avec des fraises. Je farfouillais donc dans mes différents livres de cuisine aux titres prometteurs de savoir-faire : « Renouons avec la tradition« , « La cuisine d’antan », etc… afin de trouver LA recette qui me satisferait.

 

Après en avoir consulté plusieurs qui, toutes, mentionnaient des temps différents de cuisson – allant de 10 minutes à 3 heures…! selon la recette – je me dis qu’après tout je verrai bien à peu près quand la confiture semblerait bonne.

 

Quarante-cinq minutes de cuisson plus tard, j’en étais au remplissage des bocaux. Jusque là tout s’était bien déroulé et une merveilleuse odeur, que seules les fraises émanent en se transformant au contact de la chaleur, embaumait l’appartement.

 

Tous les bocaux refermés il fallait maintenant les laisser refroidir jusqu’au lendemain. J’étais curieuse de savoir si ma confiture serait juste comme elle devait être… Sur la soucoupe, où quelques gouttes avaient refroidi, elle semblait parfaite, mais ces délicieux fruits rouges, les premiers du printemps, allaient-ils être aussi « parfaits » enfermés dans leurs bocaux ? Pour le savoir un peu de patience était de mise. En tout cas, réussie ou pas, ma confiture répandait un parfum qui me ravissait !

 

Le lendemain des senteurs de fraises flottaient encore dans la cuisine et lorsque, unissant le goût à l’odorat, je pus enfin déguster ma confiture j’avoue que mon palais ne fût pas déçu : les baies rouges avaient tenu leur promesse, elles étaient délicieuses. Une seule ombre au tableau : leur aspect… Les fruits « nageaient » dans leur liquide – non moins délicieux – mais pas très présentable ! Si j’avais l’intention d’en offrir quelques pots par-ci, par-là, il n’y avait qu’une solution, « rattraper » ma confiture. Oui, mais comment ?

 

Un petit sachet de pectine « miracle » allait pouvoir sauver ma recette bien qu’en me le donnant ma maman m’ait avertie que cela risquait de changer un peu le goût des fruits. Je le pris tout de même en me disant que j’allais certainement trouver une autre solution car « mes » fraises je tenais à ce qu’elle garde leur saveur incomparable !

 

C’est en arrivant chez moi que la solution à mon problème m’apparut comme une évidence. Mais comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ? Il suffisait tout bêtement que j’appelle ma grand-mam…

 

Le téléphone était déjà dans ma main, lorsque je réalisai l’incohérence de mon geste. Ma grand-maman…! Il y avait dix-huit ans qu’un matin de printemps elle était partie pour son dernier voyage, celui dont on ne revient pas.

 

Dix-huit ans, déjà… Et voilà que tant d’années après, pour une recette de confiture, j’avais gardé tout au fond de ma mémoire le réflexe de l’appeler… Il faut dire que des confitures comme elle les faisait, elle, je n’en ai plus jamais mangé.

 

La vie est parfois troublante, elle nous joue des tours surprenants, étonnants, déroutants… L’espace d’un instant fugace, elle abolit le temps, et par l’odeur retrouvée d’une confiture de fraises elle efface… dix-huit années !

 

Commentaires (2)

AP

Alain Pouteau
30.04.2023

Ce texte est très émouvant. Peut-être parce qu'il fait écho chez moi à des situations similaires. "Tiens, je n'ai pas appelé Maman cette semaine", avant de se rendre compte qu'elle n'est plus de notre monde. Comme je comprends aussi "il faut dire que les confitures, comme elle les faisait, elle..." Oui, cela n'a pas de prix.

GB

Ghislaine BROCARD GONIN
14.06.2020

Mmmmmmmmmm ! quelle histoire goûteuse ! merci Chantal pour ce petit tour en cuisine autour d'une recette de confiture de fraises ... tu m' en a mis l'eau à la bouche ... dommage que " le parfum des fruits " ne traversent pas l'écran " ... Bravo et à bientôt !

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