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Courte nouvelle d'anticipation... enfin, je ne l'espère pas !
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– Cours, Bastien, cours… tu vois bien que le beau menace !
– Mais Maman, j’en peux plus. J’ai mal partout…

Bastien lâche ma main et s’affaisse telle une serviette mouillée le long du trottoir.

Roooh, faites des gosses qu’ils disaient ! Il me rendra folle !

Je fais quelques pas en arrière, respire profondément pour me calmer, m’accroupis et le regarde…

Il est beau ce môme, avec ces longs cils couchés sur ses joues. Pourquoi n’ai-je pas plus de patience envers lui ? Je m’assieds à ses côtés, le prends dans mes bras et le berce gentiment, tout en murmurant :

– Bastien, mon chéri… je sais que tu es fatigué. Mais la route est encore longue et si le soleil nous atteint, nous serons brûlés tous les deux, tu le sais, non ?

– Oui, je sais Maman… et je veux pas que tu brûles. Mais…

– Mais quoi ?! Allons-y !

– Je suis crevé…

Il se fait encore plus lourd entre mes bras, et je me rends compte soudain que son teint est verdâtre. Je lutte contre la panique. Ce n’est pas possible, pas maintenant !

 

Je lève les yeux : les nuages sont encore présents, mais vers l’ouest une grande trouée approche, et je vois les lueurs maléfiques calciner les collines du Mont-sur-Rolle. Pauvres gens, j’espère qu’ils sont à l’abri…

– Bastien !

– Oui Maman ?

– Tu dois faire un effort ! Je vais t’aider à marcher, viens, appuie-toi sur moi !

Avec mon aide, mon fiston se relève et fais quelques pas, mais ses jambes flageolent et il s’écroule à nouveau.

– Mais qu’est-ce que t’as ?!

– Je sais pas Maman, j’arrive plus à marcher. Pardon !

Sur ce, il se plie en deux et vomit une bile noirâtre que je ne connais que trop.
Oh, non, Bastien… pas toi !!!

Une force nouvelle surgit de mon désespoir. Je lâche mon sac, ne gardant que le bidon d’eau que nous étions allés remplir et, affirmant autant pour moi que pour lui : « ça ira, mon chéri, Maman est là », je le prends entre mes bras et me mets à courir telle une démente. J’essaie de me souvenir de ma jeunesse, de la sève qui circulait alors dans mes veines. Je tente de réguler ma respiration, deux pas à l’inspir bouche fermée, quatre à l’expir bouche ouverte… un rythme s’installe. Je sens Bastien endormi ou évanoui contre moi et je cours vers la vieille ferme où nous sommes réfugiés depuis la catastrophe. Enfin la voilà, encore un kilomètre, je dois y arriver !

 

Du coin de l’œil, je guette la progression du soleil. Oh non, il approche, les nuages s’effilochent… je pousse sur mes jambes encore plus fort, et à 200 mètres de la maison je me mets à hurler :

– À l’aide ! Vite, venez vite !

Simon, hirsute et déguenillé, accourt vers nous et, sans un mot, saisit Bastien et le bidon et repart à grandes enjambées. Un instant, je ralentis pour reprendre mon souffle ; c’est un instant de trop. Le dernier rempart contre le feu solaire disparaît et je sens ses rayons attaquer ma peau, puis ma chair. Je souris : « Bastien est sauvé », et je m’écroule, calcinée, à quelques pas de la porte.

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