Créé le: 09.04.2017
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Quand même

Philosophie

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© 2017-2024 André Birse

Je n'en resterai pas là
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Quand même

 

N’ai-je pas lu cet hiver qu’il y aurait quarante-six mots pour dire la neige en islandais ? L’auteur de l’article a ajouté «quand même ». Autant de définitions différentes, de perceptions. Je n’irai pas vérifier. Quarante-six, ça me va et ça me survivra. On ne peut pas tout vérifier. Il faut bien faire confiance, quand même. Aux autres et à soi, alternativement ou cumulativement.

 

A table cet hiver, on ne m’a pas fait confiance quand j’ai tenté d’observer que nous utilisons un seul mot en français pour dire le silence alors que les perceptions et les réalités du silence sont si variées, dont le silence intérieur de l’attention véritable ou factice portée aux propos de nos interlocuteurs. C’est vrai, c’est faux, remarquable, pertinent, brillant, sombre ou ça n’intéresse personne. Je suis de ceux-là, personne. C’est un silence. Il y en a d’autres.

 

L’accusé a le droit de se taire. Le réel aussi qui en use plus implacablement que l’accusé. Mais le réel n’a pas mauvaise conscience, sinon par ses humaines métamorphoses dont celles de certains accusés quand ils parlent ou quand ils se taisent. Les neiges d’Islande, dans toutes leurs acceptions, tombent en silence sur le réel et les variables innocences  de ceux qui ne se taisent pas. Là, il faudrait « quand même » vérifier. Je ne le ferai pas. Par respect du lecteur et de la poésie.

 

Ce n’est pas le sujet

 

Nous parlons beaucoup, n’est-ce pas, de l’estime de soi, « c’est le sujet ». Combien l’on est prêt à s’estimer après tous ces passages dans les virages de la montagne vie. On en ressort tout estimé par soi-même, c’est ce qui devrait être, il ne faut pas se le cacher. L’estime de soi reste une proposition faite à l’autre qui est invité à un faire de même, à son égard et au nôtre. C’est une logique émotionnelle, un partage individualisé de l’échange, à l’interne et à l’externe. Presque tout y est. Une autre approche de la division. Est-ce ou n’est-ce pas le sujet ?

 

L’estime de soi demeure un exercice difficile et peut-être abstrait. Une hypnose tranquille et nécessaire. Vient un temps où l’on peut dire ce que l’on sait, ce à quoi le fleuve intérieur charriant toute une réalité ou le volcan et la lave, en son incandescence sinueuse, ravageuse. ses froidures absorbantes, liquides, par-devant lesquelles nous ne demandons qu’à vivre. Non, le sujet, c’est l’identité. Celle qui fait que nous avons un problème, pour revenir à soi, au sujet et dire: ah ! voilà à peu près qui je suis. La réalité, l’expérience qui s’en fait, me l’enseigne, ainsi que la psychologie.” Je” se distingue en cela qu’il est ce” je” là. Le retour des jours nous permet de mieux le comprendre et les moments vécus dans ces traversantes allées aussi. Il faut le savoir, il faut le pouvoir, rester soi et se fondre dans les courants d’émotions et de pensées charriées, de faits et de chiffres, imagées, toutes perceptions gardées. C’était ça le sujet et ça le sera tant qu’il est en devenir. Après, ce n’est en effet plus tout à fait ça. Maintenant que nous y sommes, insinuons, comme si nous connaissions le parcours où se confrontent nos assujettissements divers et identiques. (17 avril 2017)

 

Qui va là?

 

Toute une présence sociale qui implique une réponse allègre, consentante ou révoltée. Qui va là? En 1920, ces baigneurs alignés, vêtus, pieds nus n’attendaient qu’eux-mêmes face à eux-mêmes ultérieurement, leurs regards, c’est le tien avant que tu sois là et ton attente était la leur avant qu’elle ne s’efface. Les crevasses toisent le ciel reformé du pays et du passé. Un petit air frais d’incroyance arrive jusqu’à nous et plus rien ne prête à rire savamment. Il faut s’y reprendre à deux fois pour oublier et plus encore pour cesser d’absoudre l’absence d’espoir. Un bruit, bienvenu, un autre qui ne l’est pas, des vagues, des vagues et des sourires choisis. Je poursuis. Le langage maternel qui se perpétue si physiquement, dans la spontanéité. Je suis le voyeur des eaux, des corps tendus vers le lointain de l’amour qui s’offusque de tant de réverbérations naturelles et blafardes quant il s’agit d’une totalité vécue et déchiffrée.

 

N’écoutez pas ce que vous me faites dire. Il faut s’abstenir et agir, d’un seul trait, comme les plus fragiles d’entre nous. Nous ne comptons plus ceux qui ne comptent pas et c’est ainsi que nous nous travestissons en idoles politiques. L’art de la transfiguration. Avançons pas à pas, dans la nuit après le concert qui en faisait état. Les brumes jaunies froissent les visages qu’elles recréent. Nous pourfendons le sort de nos âmes par la certitude du regard porté sur leurs ombres desoeuvrées. Il n’y avait pas le choix, mais nous l’avons fait. La modération devait être une puissance. Elle ne l’aura pas été. Guère eût sied. Toujours l’impatience des ombres.

 

Comme si

 

Lu dans la lettre d’un tiers à une autorité que j’aurais « confiance en la justice » . Je corrige, tout de suite, je corrige. Je n’ai ni ne fait confiance à ou en la justice. Je fais « comme si », par souci d’apaisement et d’efficacité hypothétique. Ma réponse fut celle-là. J’en avais une, tout à moi.

 

La lecture d’une revue, dans la même semaine, me fit découvrir qu’il y a un « comme si » en philosophie, le sujet est développé. La thèse ne triomphe pas, mais elle existe. Elle est accessible, potentiellement intéressante. Me laissera-t-on le temps, ou le prendrai je, que j’en viendrai à lire davantage sur cette approche. Le fictionnalisme, mot repoussant. La justice se sert de fictions dont elle s’empare, qu’elle érige, qu’elle oppose, fait tenir pour vraies, de façon très satisfaisante, intellectuellement.

 

Le temps à prendre, justement, on l’aborde comme s’il était disponible et que nous étions bienvenus en son sein. C’est une question de confiance, non pas d’ardeur, mais de confiance physique, pulsionnelle, un cœur qui ne cesserait de battre et nous, ensemble de” je” décontenancés, qui faisons comme si, valant pour un valant pour tous, les vœux, les meilleurs, les adresses, la dévotion, une autre approche de la connaissance et de la vérité avec  le réel, petit frère qui s’est fait vieux, et qui n’a jamais parlé. Toute une famille autour de soi, même pour ceux qui n’en n’ont pas.

 

(samedi 22 avril 2017)

 

Pas même

 

La colère est un feu choisi par l’aléatoire fantaisie de l’être délétère, isolé dans les univers qu’il s’est créés, fictives impérialités. J’y vais peut-être un peu fort. C’est afin de consumer mes anciens accès de colère qui ne valent plus grand-chose sur le marché des duperies. Mauvaise conseillère? Avez-vous dit, sans qu’il soit possible de définir qui l’aura dit. C’est une source de langage, pareille à mon histoire de comme si, entre la pensé spontanée et la philosophie. La colère s’apaise, sans se définir, ni justifier ses excès, l’apaisement absolu n’étant pas concevable ni connu. J’en reste coi. Une pente à remonter, une crainte à surmonter, ne rien exclure et faire mieux que s’en aller. Le soir, la privation de la toute puissance, qu’on ne saurait conseiller. Une souillure, une saillie. Pas même, me suis-je dit. Le silence fraternellement pose sa main sur mon épaule.

 

Dans la même logique, le fer, l’acier, le Président des Etats-Unis, je m’apprête à rêver sous la forme achevée d’une existence exaspérée, ce que le corps vient confirmer. Je vais poursuivre, ah ça, je vais poursuivre. De verbales simagrées, tant que le verbe sera, puis je marcherai dans les rues, parmi les inconstants qui gesticulent comme s’ils dansaient avec leur propre lucidité. Sans même les regarder, je leur chanterai « Quand on a que l’amour », les lèvres fermées. C’est une façon comme une autre de partir à la recherche du bonheur qui n’aura pas pris la peine de fuir. Je suis de tout cœur avec lui et persiste à causer comme s’il s’était échappé.

 

Samedi soir 22 avril 2017

 

Et nu

 

J’en vins au lieu de ma naissance et n’y vis que des forêts tendues vers un très haut devenir. Une première cérémonie grandie, silencieuse et vive à laquelle je participai de gré plus que de force. Des aboiements familiers et déjà le silence perché sur les regards. Un manque de profondeur alors que tout s’y prêtait. L’éternel était là, le furtif aussi, et la foule dominicale se dispersa. L’écho des arbres fiers retenu en leurs corps touchés d’une grâce réelle et vierge que ne vint assombrir aucun scrupule. Je résistai à la vanité primale qui envahissait tout le flanc de la montagne dans la chaleur des étés annonciateurs d’un passé que l’on déclare si prestement révolu alors qu’il n’en fut ni n’en sera rien. Les naissances affluèrent jusqu’à constituer une société. Le bégaiement de la vie, laiteuse et accroupie au fond de petites vallées creusées dans les ombres à l’abri de nos ramures les plus voluptueuses. Je n’y reviendrai pas, sans être tout à fait sûr, vous le devinez, pareil, d’en être sorti. C’était un grand terrain de football, engazonné, herbe fraîche mêlée à l’odeur des cigarettes ouvrières, que rabattaient les équipiers. Quelqu’un, m’a pris mon ballon, de cuir cousu, et je l’ai laissé partir, jusqu’au rectangle des seize mètres, la foule me regarde, j’ai hésité, j’ai rêvé, j’hésite encore mais ne rêve plus.

 

Tous les personnages ont rejoint la rivière. Le mien corps aussi. Mais je reste tombé, et l’arbitre n’a pas daigné rendre puissant le meilleur de ses infinitifs. La géométrie du présent croise celle de nos infinitudes et de leurs sœurs égarées. Je n’ai manqué aucune occasion d’éviter à tous l’ardeur tiède du déplaisir, recroquevillé et nu. (Lundi 24 avril)

 

Principe de vie

 

Ça commence mal, par un usage maladroit du mot force. Nous persisterions sans lui alors qu’il faut de la force dans le texte et dans la vie. A l’appel, personne ne manquait. Les absents étaient plus encore vivants que les soi-disant qui peinent à s’enhardir. Il y a toujours eu une réalité à laquelle toutefois personne ne faisait face. Cette confrontation se dessine peu à peu dans les esprits sans que l’on arrive à dire qui est qui.

 

La vie n’a pas toujours été une énigme, ce qui la précède et que ce qui la suit. L’immédiateté de la présence étant celle de la généalogie et des incertitudes silencieuses qu’elle transmet par le travail des ombres et des rires, par les gestes aussi, la spontanéité du regard.  Parmi les vivant, les arbres me semblent être ceux qui, sans même provoquer une attente, ont tenu parole, une parole inouïe.

 

Aucune attente.

 

Enigmes et blessures sont pourtant de tous les mondes et demeurent prostrées autant que fières dans le mien, dans un coin de ma tête qui ne se laisse plus assombrir. L’apesanteur et la souffrance, la capacité de les endurer, sont des principes de vie dont les étoiles n’ont pas tout dit.

 

 

 

Souffle

 

Sur cette question d’inexistence, qui inlassablement au corps me revient et à l’esprit. Mettons à profit le fait d’exister pour en parler, un peu. Hier matin, je suivais un chemin montant au bord de l’Arve quand elle se joint au Rhône. Le mouvement de la marche, tranquille, que l’on veut souple, les arbres que l’on salue et qui en font de même, avec une sorte de chaleureuse indifférence, montrent le ciel et reviennent au sol, par le truchement de notre regard et de nos sens. Les philosophes peinent à dire exactement la nature de la perception. Qui perçoit et ce qui serait perçu.

 

Hier, matin, c’était un peu plus simple pour moi, sur ce chemin d’imperfection claire et vivante, à laquelle je m’accrochais en l’intégrant à ma conscience. Pas à pas. Le monde qui se voit, persiste et nous fait passant. Je prends. Je suis saisi et je prends. Le souffle, les airs légers dans les branches, et celui qui par le mouvement nous appartient, que l’on exerce en l’éprouvant. En ai-je marre de cette inexistence ?

 

Je ne le dirais pas comme ça, mais c’est quelque chose qui peut arriver. Des drames se déroulent et cela, seul, bien que suffisant, rend irréalisable, la plénitude des cœurs et des sens. Ce qui est autre est étranger, différent, peut perturber, le cours paisible de toute existence. Le prédateur que l’on rencontre et la proie dont on se joue. Nourritures, causes et ruptures d’une vie multipliée. Je suivais un chemin d’imperfection en me promettant d’écrire plus encore sur cette vanité qui créé de l’inexistence, par curiosité.

(7 mai 2017)

 

Le mot vie

 

Vie. La vie est un mot, après le mot la qui le précède et le mot mort qui la suit. Il en va de même pour le mot mort qui n’est qu’un mot après le mot la qui le devance sans qu’on puisse dire exactement quel mot peut qualifier ce qui la suit ou ce qu’elle pourrait précéder. Avec de tels débuts j’ai bien entendu envie d’arrêter tout de suite la philosophie mais je résous de faire à je ne sais qui l’affront de continuer. Car, bien que n’ayant pas encore véritablement commencé, j’ai le sentiment de ne pas savoir faire autre chose sans du tout être à même de dire ce que je peux en dire, de la philosophie, et c’est ainsi que j’aborde le sujet tout en percevant par avance que l’on m’objectera que ça n’en est pas un, ce qui ne revient pas à dire qu’il n’y a rien à en dire ni que cela ne peut prêter qu’à rire.

 

La philosophie, c’est un problème, est compliquée tant pour ceux qui en font ou qui en sont que pour ceux qui n’en font pas et ne veulent pas en être. C’est de toute manière délicat, incertain et disputé, à ce point essentiel que c’en devient pure futilité. C’est très humain aussi et culturel. Par les femmes et les hommes entre eux, dans une sorte de commerce de l’esprit dont on ne peut dire s’il est utile, efficace ou sain. C’est un exercice continu. Un truc de vivant pour les vivants et les morts, à l’insu des uns et des autres, fait pour expliquer et rassurer, comprendre et questionner. Tout ce qui a été dit et écrit ne résout pas l’énigme ni même ne dit qu’il y en a une ou qu’il n’y en a pas. Aucune clef n’est tenue par aucune main devant aucune porte ni aucun rien.

 

Une chance, il y en a quelques une, l’air de rien, celle du dauphin bondissant par-dessus les eaux. Ce saut, comme celui de la vie, qui lui permet de jeter un œil à la surface, vers l’univers éclairé ou le vide disponible et de retomber, puis de bondir à nouveau dans ses moments de nage rapide et énergique vers un au-delà qu’il est fait pour découvrir, le dauphin. Il serait partout dans son élément, eaux plus profondes, vers la surface, dans les airs, tel qu’en lui, même, existant pour justifier, les éléments et le soi qui les sillonne. Le dauphin.

 

Je suis attentif et répétitif, humoristique, par souci de ne pas peser et j’en viens par ce souci à peser sur ma volonté d’écrire et sur d’éventuelles volontés de me lire. La nage et la philosophie sont deux activités similaires impliquant l’une et l’autre une action qui les définisse et une limite que les justifie. Pas ça du tout. La nage permet de surnager sans même qu’il y ait une rive et la philosophie de survivre sans même qu’il a ait une fin en soi. Tout doit être définit, c’est éprouvant, la fin, l’en soi, la nage, le dauphin, la vie, l’humour et la difficulté d’en être même sérieusement.

 

(4 juin 2017)

 

 

Etre au contact

 

Etre au contact, les sportifs et les psychologues emploient cette expression. Etre ou rester au contact. Ne pas être largué, tenu à distance ou s’y mettre, ne plus être là. C’est quelque chose qui doit arriver. Les médecins urgentistes aussi utilisent cette expression, «on le perd », ils appellent la personne qui s’en va « restez avec nous ». ça suffit ou ça ne suffit pas. La personne reste ou s’en va. Le fait d’être vivant ne revient pas pour autant à dire que l’on soit au contact. On se perd souvent, de différentes façons. Il y a les modes dont parlent les psychiatres, experts ou non. L’espace, le temps, et soi, le rapport à soi, pour être considéré comme bien orienté, aux trois modes.

 

Nous sommes à Genève, en 2017, week-end de la Pentecôte. J’écris avec mes mains sur le clavier d’un ordinateur portable. Je pense, ah ça oui, je pense. Pas tant que ça à vrai dire. Je ressens, m’altère et me désaltère, respire et me laisser aller à travailler un peu et à écrire. Rester au contact avec la réalité. Là aussi les modes varient. Tant que l’on est orienté à la puissance trois, un certain contact est maintenu. Au-delà, c’est la personnalité qui se dessine, s’impose, en chair, en os, en caractéristiques silencieuses et comportementales. La relation avec les limites de la vie, le flux de pensées, sa richesse, les émotions, leur tourbillonnement, et l’on est ou non resté au contact. Il n’y a pas de somme ni de résultat, juste un état, qui est soi en contact ou non avec un tout ou une partie de phénomènes mêmes et différents. J’y suis, j’en suis, m’y retrouve, reviens à moi, à hue et à dia, au contact avec eux, avec vous et, mais n’y parviens pas, avec toi.

 

 

 

 

 

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