Créé le: 19.09.2014
6590 0 2
Quand le téléphone

Billet d'humeur

a a a

© 2014-2024 Thierry Villon

quand il ne sonne plus
Reprendre la lecture

Quand le téléphone a cessé de sonner, quand plus personne ne vous appelle, quand les fils ténus qui semblaient vous relier à l’humanité vous apparaissent distendus, vous hésitez encore, dans un premier temps à nommer votre état par son nom. Il en est ainsi des maladies graves que l’on croit pouvoir tenir loin de soi rien qu’en ne prononçant pas leurs noms ! Puis un jour, vous décidez par une sorte de défi, d’oser quand même. Histoire de regarder la situation en face, vous lui parlez : je sais que tu ne laisses jamais indifférent, que certains te recherchent ardemment, que d’autres te craignent comme le cancer, qu’il y en a même qui sont prêts à tous les compromis pour ne pas avoir à subir ne serait-ce qu’un seul instant ta présence inquiétante. Je sais aussi que tu t’insinues dans les vies des personnes sans qu’ils ne s’en rendent tout à fait compte et qu’une fois le piège refermé, tu les laisses se faire toutes sortes d’idées, tandis qu’ils cherchent à comprendre en tournant vainement en rond. Solitude, la bien-aimée des ermites et des reclus, tu es en même temps la peur de ceux pour qui le moindre espace de silence signifie cesser d’exister !

Quand votre numéro de téléphone semble avoir disparu des répertoires de ceux qui jadis vous demandaient votre avis, vous appelaient pour vous donner le leur, prendre de vos nouvelles, vous donner des leurs, vous raconter leurs grands bonheurs et leurs petits malheurs (parfois l’inverse), vous peinez à vous l’expliquer, passant de la culpabilisation au jugement.

Bien sûr, vous auriez dû… Mais comment auriez-vous pu même supposer… Certainement, ils pourraient aussi faire un effort…mais échanger quelques mots avec vous, en vaut-il la peine à leurs yeux ?

Il y a un bon moment que vous l’aviez vu venir. Vous n’osiez pas y croire, vous cherchiez des circonstances atténuantes, vous trouviez des explications. Maintenant vous savez, vous êtes fixé sur le degré exact d’attachement qu’on vous porte. Les mois ont passé, les années aussi. En quelques rares occasions, vous avez cru pouvoir espérer à nouveau qu’on s’intéresserait à vous, mais l’alerte s’est avérée fausse la plupart du temps. Et le silence est retombé. Quand vous lisez ou entendez quelque chose sur l’isolement, vous n’avez aucune peine à ressentir bien au-delà de ce que les intervenants expriment. N’êtes-vous pas personnellement impliqué dans le processus, sur lequel d’autres spécialistes sont en train de disserter ? Oui, vous pourriez tout aussi bien être à leur place et donner votre propre impression sur ce qui est ressenti dans ces circonstances… Mais dans ce cas-là, le téléphone aurait dû sonner chez vous pour vous inviter, ce qui aurait impliqué que vous et votre numéro de téléphone étiez bien répertoriés quelque part…

Commentaires (0)

Cette histoire ne comporte aucun commentaire.

Laisser un commentaire

Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire