Créé le: 27.06.2025
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Pour toi, Jo
Se souvenir
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Son lit à étage, petite table, son chevalet encombré de pinceaux, de matériel : crayons, tubes de peintures, cahiers de notes, dessins, toiles vides et nues, ou à peine esquissées, ou à moitié peintes, son sac laissé là, grand ouvert ...
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Se souvenir
De la chaleur de ses bras
Autour de mon cou
Des ses mots si avides
De ces instants d’affection
De ses craintes encore si fortes
De se sentir rejeté
Se souvenir
De ses sourires à jamais envolés
De son envie de tout recommencer
De tout ce qu’il m’a donné
Pour que je sois fier de lui
Se souvenir
Qu’on s’est tout pardonné
De nos rêves brisés
A nos espoirs déçus
De tout ce qu’on s’est dit
A tout ce qu’on s’est caché
Par amour
Pour ne pas se blesser
Par amour
Pour ne pas se brûler
Se souvenir
Qu’il reste dans mon cœur
Un éclair de chaleur
Quand je repense à lui
Quand je pense à mon fils
Se souvenir
Lorsque sa voix s’est tue
Quand son pinceau immobile
N’a plus dépeint sa vie
Se souvenir
Encore et toujours
Qu’un vide s’est creusé
Au plus profond de moi
Qui ne se remplit pas
Se souvenir
De la dernière fois
Son bisou mal rasé sur ma joue
De ses rastas qui m’effleurent
Et de mes yeux qui pleurent
Se souvenir
Qu’il n’y a plus de temps perdu
A rattraper
Que ce soir
Il est trop tard
Se souvenir quand même
Qu’un point de lumière luit
Malgré l’obscurité
Dix jours
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Tu me manques déjà
Dix jour sans toi
Sans ton message :
Comment ça va, papa ?
Je ne réalise pas
Plus jamais te voir
Plus jamais t’entendre
Tous ces jours à t’attendre
L’amie dit t’avoir vue
T’entendre lui dire :
J’ai retrouvé Jésus
Me suis réconcilié avec Dieu
Tu étais si vrai, si sûr
Si sensible
Mais aujourd’hui dix jours
Dix jours traversés
Comme dans un mirage
Ne jamais plus revoir ton visage
Je pleure, parfois, je pleure
Sur ma douleur
Qui se met en branle
Quand je pense à toi
Quand je te revois
Parfois misérable
Parfois conquérant
Parfois si fragile
Me restent tes dessins, tes peintures
Tes journaux perso
Que je n’ose pas ouvrir
Tes secrets à toi
Que je n’ouvrirai pas
C’était ta vie
Tout ce qui ne me regarde pas
Lire tes mots, tes délires
Pour te comprendre
Pour apprendre qui tu étais
Celui que tu étais devenu
Usé par les faux paradis
Miné dans ton corps fragile
Malgré ton air farouche
Elle t’a rattrapé, la faucheuse
Je la hais, je la hais,
Celle qui m’a pris mon enfant
Qui m’a volé mon enfant
Est-ce qu’on fait ça aux parents ?
Je pleure et je prie
En même temps
Je te sais en paix
Car tu avais renoué
Avec le Dieu enseigné
Dès ton enfance
Ce Dieu compatissant
Qui rêvait de t’ouvrir tout grand ses bras
Tout autant que moi.
Va, et repose toi
Ta chienne de vie
Ne t’a pas fait de cadeau
Va et repose toi
Pour une fois
Le combat n’est pas pour toi
Mais pour ceux à qui tu manqueras
Dix jours sans toi
Dix jours en larmes
Et combien d’années encore
A pleurer sur mon sort
Avant qu’Il nous rassemble
Pour toujours vivant
Vainqueur de la mort ?
À vous qui croyez
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À vous qui croyez
Que l’amour d’un père
Suffit pour sauver son enfant
À vous qui croyez
Que l’amour d’une mère
Sauvera l’enfant qu’elle a porté
Chair de votre chair
Vous perdrez
Enfant bien-aimé
Vous quittera
Et vous resterez là
A pleurer sans fin
Mon amour n’a pas suffi
Il faudra bien qu’un jour
J’arrive à déposer ses galères
Loin de moi
Chasser ces images de terreur
Son visage gris,
Ses yeux ternes
Son phrasé embrumé
Ces rencontres en plein rue
Cerné par ses compagnons de défonce
Ces apparts sales et obscurs
Où tout sentait la drogue et la mort
Chasser loin de mon souvenir
Tous ces jours d’oubli à me ronger
Maintenant le repos m’est permis
Je ne peux plus rien faire de plus
Même si ça n’a pas suffi
Il a choisi sa vie
Quand j’ai tendu mes bras
ça n’a pas suffi
Quand Dieu lui a offert une chance
Il l’a saisie
Tant mieux pour lui
Je n’ai que cet espoir
Maintenant qu’il n’est plus en vie
Croire qu’il a saisi la Vie
Avec ses imperfections
Avec ses frayeurs paranoïaques
Avec ses souvenirs de défaites
Avec ses petites victoires aussi
Avec ses blessures au plus profond de lui
Moi aussi, je veux me reposer
Être en paix, laisser partir
Ces souvenir, ces images
Qui m’ont hanté des jours entiers
Lui, au-milieu des ténèbres
Sous la pluie,
Sous la coupe de la drogue
Ô Dieu, tu lui as accordé le repos
Donne moi aussi la paix
Dont j’ai besoin, tant besoin.
Sans un mot
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Comme un long cri dans le silence
La nouvelle m’a transpercé le coeur
Me souvenir de ton absence
Mais pas de mots pour ce malheur
Comment est-ce possible
Qu’un être qu’on a aimé
Nous soit d’un coup enlevé
Sans personne pour tenir sa main ?
S’en aller
Sans un mot
S’absenter
Pour toujours
Tout plaquer
Sans rien dire
Nous laisser
Te pleurer
Que t'est-il arrivé, mon fils ?
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Que t’est-il arrivé, mon fils ?
Revue des nombreux sites de notre fils, ses dessins, ses smileys, son humour, ses photos d’accidenté, mal en point, ses échanges de paroles touchantes et tellement réjouissantes qu’il ait pu avoir une vie amoureuse.
Les années pèsent lourd sur son visage, de plus en plus marqué : rides, maladie ! Ce soir, je retrouve des cadeaux qu’il avait faits pour Noël – à sa maman. Ne reste que ces deux éprouvettes remplies d’épices. Tout me revient, cet amour, ce soin qu’il avait souvent pour faire un cadeau à nous tous, grands comme petits : un tableau, un bricolage, un parfum, quelque chose de généreux.
Il était souvent en peine de n’avoir pas pu terminer à temps, comme en 2018. Mais nous, comment l’avons-nous remercié ? J’espère qu’il n’a jamais ressenti de mépris, par rapport à la modestie de ce qu’il offrait ! J’ai fondu en larmes, à la pensée que cela n’aurait plus jamais lieu, ce Noël avec lui, cet anniversaire que nous avions décidé de fêter avec lui dans un coin de nature, en cette foutue année 2019.
Il nous a quittés, juste avant, pourquoi ? Comment consoler nos cœurs brisés par cette absence, par ce chagrin, tout ce qu’on ne vivra plus, qu’on n’aura plus l’occasion de dire, de le serrer dans nos bras, malgré son état.
Je me réjouis quand même, d’avoir continué à le voir, à lui parler, à ne pas abandonner cette parole pleine de grâce, de pardon, de relèvement. Dieu sait ce que j’ai dit et fait, du mieux que j’ai pu, suivant mes circonstances, mes forces, ce que j’ai pu faire ou pas, avec Son aide.
Mais mon coeur est brisé, ce soir, mon âme est dans le deuil, le fond de la peine, comme si tout remontait, en voyant ces deux éprouvettes pleines d’épices
Route de l'Observatoire
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Ce lit à étage, petite table, ce chevalet, le tout encombré de pinceaux, de matériel, crayons, tubes de peintures, des cahiers de ses notes, des dessins, des toiles vides et nues, ou à peine esquissées, ou à moitié peintes, ces grands cahiers d’esquisses, son sac laissé là, grand ouvert, apparemment fouillé.
Derrière la porte, ses vêtements suspendus : un manteau, un pull à capuche, un pull taché de peinture, le balcon encombré de détritus, un petit meuble, combiné avec un endroit pour s’asseoir, une guitare sèche perdue sur le balcon, à jamais muette.
Et face aux arbres en contrebas, le silence pesant de la nuit qui vient.
J’aurais voulu revenir aux semaines, aux mois, où j’étais venu là, avec lui, mettre un peu d’ordre, ramasser ses canettes vides pour les emmener à la déchetterie, et même supporter son incessant geste de fumeur, qui allume clope après clope, et l’odeur de cette herbe qui l’avait conduit là, malade, déchu, trop cassé pour guérir, espérer s’en sortir.
Je peux raconter ce petit logement de la route de l’Observatoire qu’il avait tant désiré, tant bataillé avant de l’obtenir, malgré son dénuement.
Qu’aurais-je pu garder de plus que ces quelques objets, téléphones, sac qu’il trimballait en tout temps avec lui, toiles, dessins, cahiers de notes personnelles. Tout ce qui nous reste, et quelques accès à ses comptes Facebook, où je le retrouve, où il affichait ses œuvres, où nous communiquions parfois, où ses mots sont encore là, avec mes réponses, avec les mots que j’ai écrits, pour lui faire du bien, l’encourager parfois aussi, avec cette voix qui me manque tellement et que je n’entendrai plus, qui me reste dans ma boîte vocale ou un des enregistrement sur Messenger.
Je suis dans le cimetière, seules deux dates, son prénom, notre nom de famille, quelques fleurs, des plantes et cette question : qu’as-tu fait mon fils ? Comment en es-tu arrivé là ?
Commentaires (2)
Yo-Xarek
30.06.2025
Remplir le vide par les souvenirs. La disparition n'est que physique, le disparu vivra dans nos coeurs et nos mémoires aussi longtemps que nous nous souviendrons de lui et si le lien est assez fort, alors les retrouvailles se feront dans l'au-delà.
Starben Case
27.06.2025
Merci Thierry pour ce magnifique message qui remplit l'espace de souvenirs. Passer du plein au vide. Contempler tous ces objets, dernières traces d'une existence. On a su rattraper l'enfant qui tombe du tricycle, mais on reste impuissant devant la chute d'une vie.
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