Comment réussir à réussir 1

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Parce qu’il existe une profusion de vérités particulières et antagonistes, Elle et Lui s'interrogent sur les déclinaisons d’un comment réussir à, sur un sujet donné et son contraire. En mode absurde, cela va de soi !
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ELLE : Comment réussir à réussir quand on a tout perdu.

LUI : Comment réussir à tout perdre quand on a tout réussi. 

ELLE : Considérons la première proposition : comment réussir à réussir quand on a tout perdu.

LUI : Quand on a tout perdu, on se sent perdu.

ELLE : Quand on se sent perdu, on est…perdu,

LUI : dans une société qui n’aime ni les pauvres, ni les ratés, ni les exclus.

ELLE : Une société qui vous tourne le dos.

LUI : Parce qu’il s’agit bien de cela. Réussir à réussir quand on a perdu ses repères, son boulot, sa confiance et j’en passe la liste est longue.

ELLE : Il vaut mieux passer, vous avez raison.

LUI : Quand on a tout perdu c’est embêtant,

ELLE : et certains perdent tellement plus que les autres, les pauvres…

LUI : Alors qu’il est si simple de réussir à réussir.

ELLE : La simplicité c’est quelque chose de parfois très compliqué, non ?

LUI : Non. Pour réussir à réussir, il suffit… de le désirer.

ELLE : Ce qui n’est pas donné à tout le monde !

LUI : Ce désir de réussite demande en effet une certaine disposition de l’esprit.

ELLE : Si l’on part du postulat que l’on est conscient de sa propre perte,

LUI : on sera tout aussi conscient de sa propre réussite !

ELLE : Tout en gardant en tête que cette réussite n’est pas la réussite de mon voisin.

LUI : ni celle de ma voisine.

ELLE : La comparaison des réussites est en effet incompatible avec le processus d’élaboration de sa propre réussite.

LUI : Objectif réussite un point c’est tout !

ELLE : Par ailleurs aux dispositions de l’esprit viennent s’ajouter les dispositions matérielles.

LUI : Il est donc nécessaire, pour réussir,  de posséder un bon canapé pour réfléchir.

ELLE : Alors si vous n’avez plus de canapé à cause d’un huissier de passage, contentez-vous d’une chaise.

LUI : L’huissier de passage ne prend jamais les chaises, ni les tables, ni les lits. Il est bon de le savoir !

ELLE :  En plus de cette chaise ou de ce canapé, il vous faudra une brosse à dents !

LUI : De préférence à poils souples pour des dents blanches parfaites,

ELLE : signe d’une réussite exceptionnelle,

LUI : 3 minutes matin, midi et soir,

ELLE : en opérant un mouvement circulaire de la gencive vers la dent.

LUI : La brosse à reluire, ce n’est pas mal non plus.

ELLE : Sur le dos de son chef,

LUI : Évidemment !

ELLE : À condition de ne pas en abuser !

LUI : Bref, une fois conscient de cette envie de réussite,

ELLE : Allongé dans votre canapé,

LUI : ou assis sur votre chaise avec votre brosse à dents et à reluire…

ELLE :  On peut commencer à parler d’une première réussite !

LUI : Je pense donc je suis donc je réussis !

ELLE :  Le double syllogisme parfait ! Il fallait y penser !

LUI : Et si je pense, c’est que je suis vivant.

ELLE : Quand on pense à tous nos morts, vous conviendrez qu’une telle réussite c’est formidable !

LUI : Formidable oui.

ELLE : Se sentir vivant dans son canapé avec sa brosse à dents à reluire ! C’est si simple ! Que n’y avons-nous pensé avant !

LUI : Cette démonstration ne peut s’appliquer à notre seconde démonstration : Comment réussir à tout perdre quand on a tout réussi ? 

ELLE : Après tout le mal qu’on se donne pour réussir il faut être fou pour…

LUI :  Au mal qu’on se donne pour réussir ? Vous plaisantez ?

ELLE : Argumentez, argumentez…

LUI : Prenez un héritier,

ELLE : Avec sa petite cuillère en argent ?

LUI : Avec sa cuillère en argent ! Cet héritier  aura moins de mal à réussir qu’un autre…

ELLE : À peine sorti du ventre de sa mère et déjà en haut de l’échelle

LUI : sociale !

ELLE : Cela s’appelle la chance, le hasard, le destin…

LUI : la réussite aléatoire sans satisfaction.

ELLE : Cependant sur l’échelle de la réussite, plus l’héritage sera haut…

LUI :  Plus l’héritier réussira son bas. C’est tristement mathématique.

ELLE : L’héritier réussit toujours sa chute absolue !

LUI : Et les autres ? Ceux qui n’ont pas triché ? Ceux qui, partis du bas de l’échelle, ont tout réussi ?

ELLE : Ceux-là perdront en demi-teinte. C’est fatal. Plus on part du bas, moins la chute est élevée.

LUI : Mais peut-on vraiment tout perdre ?

ELLE : C’est une question de volonté générale.

LUI : Pour résumer, je dirai que pour être un bon perdant, il suffit de vouloir lâcher prise…

ELLE : posséder un bon canapé, ou la chaise qui vous reste.

LUI : une bonne brosse à dents

ELLE : à poils souples et à reluire !

ELLE et LUI :  Easy !

LUI : Maintenant, offrons-nous une petite expérimentation aléatoire.

ELLE :  Place à l’empirisme !

ELLE et LUI marchent sur une route de montagne.

ELLE : Nous sommes actuellement dans les Alpes françaises, au col du Granon précisément. La pente est sévère, 20% environ. Soleil de plomb.

LUI : Nous suivons depuis quelques minutes, un homme seul qui souffre et souffle. (Elle s’approche de l’homme) Monsieur auriez-vous un peu de temps à nous accorder ?

MONSIEUR : Faites vite alors car je souffre et  je souffle.

ELLE : Pourquoi gaspiller votre souffle ?

MONSIEUR : Je dois remonter la pente.

ELLE : Est-ce bien nécessaire ?

MONSIEUR : J’ai tout perdu : ma femme, mon boulot, mon toit, mon moi. Tout quoi!

LUI : C’est épatant, vous êtes un vrai perdant !

ELLE : Vous ne souffrez pas trop ?

MONSIEUR : Je préfère souffrir pour savoir où j’en suis.

ELLE : Et là vous en êtes où ?

MONSIEUR : Au milieu du chemin.

LUI : Vous pensez réussir à réussir ?

MONSIEUR : Je pense donc je suis vivant donc je vais y arriver !

ELLE et LUI marchent dans un quartier d’affaires.

ELLE : Changement de paysage. Quartier des affaires quelque part. Un homme vient de s’effondrer sur un trottoir et pourtant il semble heureux.

LUI : Monsieur êtes-vous prêt à répondre à nos questions ?

MONSIEUR : Yes !

ELLE : Vous semblez très heureux, dans votre état, c’est étrange !

MONSIEUR : Je suis heureux oui et je remercie l’huissier qui m’a saisi. J’ai tout fait pour, j’ai réussi ! Yes !

LUI : C’est tout ?

MONSIEUR : Je tiens également à remercier chaleureusement ma femme qui m’a quitté pour mon meilleur ami ! Yes !

ELLE : C’est tout  ?

MONSIEUR : Non. Je ne remercierai jamais assez la crise économique qui m’a fait perdre mon emploi ! Yes !

LUI : On va s’arrêter là, peut-être ?

MONSIEUR : Surtout pas ! Je dois encore remercier le stress qui m’a fait perdre mes cheveux. Yes !

ELLE : Et maintenant vous vous sentez comment ?

MONSIEUR : Chauve et pauvre ! Yes ! (MONSIEUR émet un râle)

LUI : Monsieur ? Monsieur ?

MONSIEUR : (Faiblement) Et pour finir je remercie mon coeur qui me lâche. (Sa tête touche lourdement le sol)

LUI (Temps) :  Mince, on dirait qu’il est mort !

ELLE : C’est formidable ! Un vrai perdant radical !

LUI : Voilà pour aujourd’hui mais nous nous retrouverons bientôt pour un nouveau comment réussir. 

ELLE : Et n’oubliez pas notre page Facebook…

LUI : où vous pourrez vous liker les uns les autres…

ELLE : Et nous liker aussi, si le cœur vous en dit !

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