Créé le: 23.08.2012
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Parce que vous disiez
Concours 2012 m’a fait un clin d’œil et je me suis aussitôt mis à l’ouvrage.
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Parce que vous disiez
Parce que vous disiez… que votre temps était presque fini, que la vie vous avait bien eu, que personne n’écoutait vos chansons, que personne ne lisait vos livres, que personne n’entendait vos paroles.
Parce que vous disiez… que vous étiez seul et sans ami, que vous ne l’aviez pas volé, que vous étiez passé à côté de votre rêve, que vous vous étiez perdu en chemin.
Parce que vous disiez… que prier ne sert à rien, que la porte de la foi est trop étroite pour un si grand égoïste, qu’à trop penser on finit par tourner en rond.
Parce que vous disiez … que vos souffrances vous tenaient éveillé, que vos douleurs vous rappelaient que vous étiez en vie.
Parce que vous disiez… que les trahisons vous avaient tout appris sur la nature humaine, que le moindre sourire a plus de poids que bien des paroles, que l’espoir déçu finit par fatiguer le plus patient des hommes.
Parce que vous disiez… en traversant le parc, que les arbres avaient encore bien poussé cette année, que la nature était ce qui vous rapprochait le plus de Dieu.
Parce que vous disiez… en reprenant un verre, que l’alcool vous faisait mal à la tête, qu’un bon vin dans un mauvais verre perdait tout son éclat, qu’un repas entre amis valait tout l’or du monde.
Parce que vous disiez… vouloir… tourner la page, prendre le large, habiter dans un phare ou sur une île, ne plus rien posséder, brûler toutes ces pages écrites au petit matin, reperdre une nouvelle fois ces quelques kilos superflus. Parce que vous disiez… que la vie vous avait pris des enfants et vous en avait redonné d’autres, que la somme de vos dépenses finissait toujours par dépasser vos gains, que votre seul désir était d’écrire ce que vous n’arriviez pas à dire.
Suite en ré
Parce que vous disiez… ne rien regretter de vos engagements passés, culpabiliser pour vos nombreux échecs, espérer avoir assez de santé pour vieillir en douceur, trouver bien dur le regard des gens sur la vieillesse.
Parce que vous disiez… tout cela… dans un souffle, dans un murmure, couché là, au petit matin, sans trop vous écouter, vous auriez pu croire que votre raison vous avait quitté, que c’en était fini de l’insouciance dans laquelle vous aviez décidé de vous laisser glisser, à la manière d’une liane en contact avec l’eau du fleuve Amazone. Ah ! ma zone, éructerait un rappeur, enchaînerait sur « le contact qui jette son impact sur l’eau, s’il passe à l’attaque, vous laisse patraque, tandis que la traque continue dans le quartier ! »
Parce que vous disiez… que les plus belles amours arrivent trop tard, que les corps ne se mentent jamais…
Parce que vous disiez… qu’il faut de tout pour détruire un monde, que les armes circulent en trop grand nombre, que les militaires finissent toujours par imposer leur loi…
Parce que vous disiez… qu’il n’existe pas de sentiment plus exaltant que de pouvoir exprimer sa pensée sans autocensure, que néanmoins toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire…
Parce que vous disiez… vouloir faire enfin ce pourquoi vous étiez venu sur terre, qu’à force de se fuir, l’on ne sait plus qui l’on est…
Parce que vous disiez… que fumer tue lentement, qu’à chaque fois quelqu’un répondait : qu’importe, je ne suis pas pressé…
Suite en sol
Parce que vous disiez… que l’odeur de la fumée froide est très incommodante, que la senteur des fleurs au printemps a quelque chose d’enivrant, que les souvenirs sont toujours liés à une odeur…
Parce que vous disiez… qu’il vaut mieux quitter ses parents dans sa jeunesse, que le goût du voyage vient en chemin, que les habitudes sédentaires finissent par détruire les gens…
Parce que vous disiez… que celui qui ne sait plus à quel sein se vouer ferait bien de se trouver une maîtresse, que les joies du sexe sont nécessaires, quoique éphémères…
Parce que vous disiez… vouloir arrêter de vous soucier pour tout et pour rien, que les inquiétudes ravagent tout autant que les vraies épreuves, que la peur des gens enrichit les assurances…
Parce que vous disiez… qu’il y a toujours un petit coin de ciel bleu derrière les nuages, que les pensées positives donnent parfois du courage…
Parce que vous disiez… que les amis fidèles sont là quand il le faut, que les profiteurs s’enfuient au moindre danger…
Parce que vous disiez… que vous aviez bien profité de la vie, qu’il était temps pour vous de céder la place aux plus jeunes, qu’un monde meilleur vous attendait derrière la porte de la vie…
Parce que vous disiez… que chacun est tôt ou tard jugé sur ses actes, que les paroles en l’air finissent toujours par retomber, que les promesses non tenues ternissent celui qui les profère…
Parce que vous disiez… que les hommes sondent les étoiles et les planètes plus attentivement que leur propre foyer, qu’il n’y a pas pire aveugle que celui qui refuse de voir…
Parce que vous disiez… que tout finit par se ressembler dans ce monde de copier-coller, que les vrais créateurs sont aussi rares que les imitateurs sont nombreux…
Suite en la
Parce que vous disiez… qu’il fallait en finir avec l’hypocrisie, qu’une génération chasse l’autre en lui réglant son compte, que le plus jeune pense le plus souvent qu’il fera mieux que son aîné…
Parce que vous disiez… que l’air pur soûle quand on en a été longtemps privé, que marcher donne tout son sens à la vie…
Parce que vous disiez… que les dogmes scientifiques sont la nouvelle religion à laquelle le peuple est sommé d’adhérer, que les vérités de l’esprit ne sont pas accessibles aux doctrinaires de tout poil…
Parce que vous disiez… assis sur ce tronc d’arbre couché, à la tombée d’une belle journée de printemps, qu’il vous faudrait bien un jour pardonner à tous ceux qui vous avaient grugé, mais ce n’était pas demain la veille…
Parce que vous disiez… que le temps où l’on écoutait vraiment la musique est bien révolu, que ce que chacun veut, c’est être entendu des autres et non le contraire.
Parce que vous disiez… qu’être mal accompagné vaut largement le fait de rester seul, que la société des hommes n’est pas très amicale.
Parce que vous disiez… que le soleil réjouit l’âme, qu’il chauffe les os, qu’il se fait parfois attendre
Parce que vous disiez… qu’après avoir fait le tour de la question de la vie, restait à envisager la question de sa fin
Parce que vous disiez… en tirant sur les rames, que le bateau n’avance pas vite quand le courant est contraire, que les oiseaux savent se jouer des vents, que le chat est un fauve en miniature.
Parce que vous disiez… n’avoir pas encore vu tout ce que vous vouliez voir, ne pas vouloir vous éterniser, avoir envie de vous poser un peu.
Suite en ré et final
Parce que vous disiez… qu’il est temps d’avoir une conversation avec le Très-Haut, que la religion dissimule aux gens les réalités célestes.
Parce que vous disiez… comme les Africains, que parler religion ou politique fâche les amis, que parler religion ET politique contribue à se faire des ennemis
Parce que vous disiez… que les créationnistes ont tout autant de points en leur faveur que les évolutionnistes, que le problème de la création restera entier tant qu’on n’aura pas su dire qui de la poule ou de l’œuf a été créé en premier
Parce que vous disiez… un sourire au coin des lèvres, qu’il vaudrait peut-être mieux en rester là, que le temps des fantaisies avait assez duré, qu’il serait idiot de mettre votre confort en péril pour des questions philosophiques
Parce que vous disiez qu’il fallait impérativement que vous vous remettiez à l’écriture…
Parce que vous disiez que les muses s’étaient tues pour de bon cette fois-ci.
©Thierry Villon_août2012
Commentaires (1)
Webstory
14.05.2016
"Parce que vous disiez" a gagné le deuxième prix du concours Webstory 2012. Il a été publié dans le livre Webstory I, disponible auprès de Webstory.
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