Créé le: 15.08.2023
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Mémoire et boîte

Genève, NouvelleMémoires 2023

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Chapitre 1

1

Heureusement quelqu’un a pris le temps pour lire les instructions ! Est-ce que je suis capable d’écrire autant de « signes » ? C’est un livre ! Il y a aussi une « deadline » ? C’est dans quatre semaines LA PANIQUE ! Il faut taper combien de pages pour arriver au minimum ?
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Les boites anciennes me fascinent depuis toujours. D’autres mains les ont touchées mais je reste émerveillée ..et si le continu était d’origine?

Un savon pas entamé? La crainte de détruire cette rose finement moulue, si parfaite. On sent encore un reste de son parfum?  La magie y est encore. Exquise.  Attention que personne ne l’utilise!

Sur le couvercle, on voie quelques tâches. Des gouttes d’eau sont peut-être tombées quand la muse sortait de son bain pour retenir son amant sortant par la fenêtre. L’extase! La fragrance y est encore, chatouillant le sommet de mon nez, rappelant d’autres souvenirs, lointains.

 

Des boites sont les gardiens des mémoires de ma vie.

Les bracelets sur les poignets de mes nouveaux nés pour que je les reconnaisse. Oui mes garçons sont devenus grands et leurs bracelets?  Je les ai gardés. Où exactement je ne sais pas. Dans une boîte. Mes bijoux en vracs  attendent le «rainy day» pour les démêler à-côté de leur boite, sans stress.  Aucun voleur n’aura la patience de trier le vrais du faux.

 

Les lettres gardées depuis des années jamais relues Les timbres de chez moi.  Il m’arrive d’en ajouter quelques-uns d’autres pays mais il faut qu’ils soient exceptionnellement beaux. Tous dans leurs boîtes.

Les cartes de Noël que mes parents m’ont envoyées du bout de monde. Chaque année, koalas ou kangourous coiffés des bonnets rouges et blanc «trop cute», me souhaitant les mêmes vœux gentils. Espérant me revoir  l’année prochaine, «Love xxx send photos». Leurs signatures inoubliables. Aujourd’hui c’est trop tard. Je pleurs.

 

Je garde les petites boîtes de savon des chambres hôtels. Personne n’utilise de savon, sauf moi, pour les glisser entre les draps.

 

A l’époque de mes grand parents tous les accessoires de toilette arrivaient dans de merveilleuses boites fabriquées en Angleterre ou en France. Les voyages étaient très longs. Entre six ou huit mois. S’il n’y avait pas de naufrage!

Aujourd’hui avec des commandes sur internet, ces articles de voyage prennent les mêmes routes. Fabriqués en Asie, puis par bateau pour la France pour coller l’étiquette «made in France» et envoyés peut-être en Australie et souvent  retournés en Asie si Madame n’est pas contente.  Il y a de plus en plus de boites qui tombent depuis les porte-conteneurs qui flottent en mer, invisibles pour les navigateurs. Finalement elle  descendait  au fonds de l’océan pour dormir parmi les squelettes des voyageurs du passé.  Tenant fermement leur précieuse boite à cigares, ou bijoux ou une  boite à biscuits!

On reconnait  le nom du fabricant et de sa ville sur l’étiquette, malgré la rouille.

Si par miracle une de ces petites boîtes envoyées à des amis au bout du monde arrivait en Australie, sa destination, on l’accueillait avec tous les honneurs. Certains voisins roulaient trois heures pour l’admirer.  Parfois alerté par la standardiste locale. Après la boite était rangée soigneusement dans une armoire à côté de la  bible de famille. En situation de catastrophe tel que cyclone, feux de forêt, de sécheresse ou d’inondation, on sauvait les enfants, grands-parents, la vache, la femme et la boite. Tout le reste étant perdu. On retrouvait du confort en ouvrant la boite d’où sortait les refrains du «Old countries». Irlande, Ecosse et Italie.

 

J’ai  peint ma première boîte pour un ami. Je voulais lui offrir quelque chose. Unique. Un geste personnel venant de moi. J’utilise comme source d’inspiration des serviettes en papier. Au début il me fallait presque tout un paquet. Dans ma caisse de peinture il y un stock de ces serviettes de tous sujets. Pour enfants et adultes, évoquant leurs souvenirs  leurs passions. Fleurs exotiques, jouets de bébé, animaux africains, Lucky Luke! Il faut vraiment aimer le découpage avoir la patience pour déchirer ces papiers fragiles. Rester vigilant aux coups de vent, ils s’en vont. Cela m’arrangerait si l’ami a déjà une ou mieux deux serviettes de leur choix. La prochaine étape est de trouver la boite. Non, c’est boîte qui me trouvera! Enfin je peux m’amuser  en peignant le décore du fond, comme pour une scène de spectacle. L’étape suivante est nettement moins amusante. Coller les morceaux de papier, maintenant réduits à une seule feuille. Ils ont un fâcheux plaisir de se coller mieux sur mes doigts que sur la boîte! Et évidement c’est l’heure qu’on a besoin de ma table pour déjeuner.  Il est déjà midi? Cela me laisse le temps pour penser au petit mot à écrire sur le dessous de la boîte.

 

Une fois on m’a donné comme motif un hamster!  Pas évident la question de  serviette !  La chance m’a fait rencontrer une dame rentrant d’un voyage d’Angleterre ayant visité la maison de Beatrix Potter qui faisait partie du tour. Elle m’a gentiment offert deux précieuses serviettes de la campagne anglaise. Le hamster voyage souvent dans sa boîte. Sa maîtresse  m’assure qu’il est toujours content. Comme d’habitude j’avais mis la date et ma signature et beaucoup de petits trous.

 

Quand je visite un «box owner» je suis très touchée de voir une de mes boites. Peut-être sortie hâtivement  pout l’occasion de ma visite mais au moins ils l’ont toujours!

Elles symbolisent pour moi notre amitié. Si c’était un cadeau pour la naissance de leur petit enfant par exemple et ce même enfant quelques années plus tard  me la montrait en m’observant plein de curiosité, j’étais émue. Ma boîte était devenue la sienne.

 

Un de mes neveux préféré se mariait à l’autre bout du monde. Je ne connaissais pas sa future femme et ne pouvais pas être présente. Dans l’impossibilité de faire le voyage Il me fallait décorer leur boite. Je l’ai réalisé à l’image de mon neveu. Son amour pour  les vagues, sa connexion avec l’océan. J’étais sure qu’il avait choisi son épouse sachant qu’elle accepterait cette passion vitale pour lui. En  remerciement ils m’ont envoyé une photo de leur magnifique boîte. Nous avons tous fait le bon choix.

 

En attendant qu’on termine quelques réparations pour ma voiture, j’entends un petit «cou cou» venant d’un bidon tout beau, jaune moutarde, écriture noire signalant son expérience pour grosses machines. Je craque! Je l’emporte. Il me fallait deux jours pour nettoyer la graisse. Pour l’odeur j’ai … fermé le couvercle. Dans la salle de la télévision c’est idéal.

 

 

J’ai promis à une très chère amie de peindre son cercueil. Pas tout de suite, mais un jour. Rose bonbon, avec fleurs, mots des amis, photos de ses enfants et petits-enfants. Aussi une coupe de champagne, ses lunettes, un bon livre et un porte cigarette. Sa boîte sera belle comme l’amie.

Avec des risques énormes, vivant des aventures hallucinantes, des Français ont ramené avec sucés des vers à soie en France. Sortir ces petits vers de la Chine Impériale était un crime méritant des supplices atroces. Pour que cette industrie se développe en France, il fallait trouver un moyen de les transporter vivants avec leurs feuilles de murier. Un Français nommé Ferdinand Renoul, génial touche à tout, perruquier, quincaillier, libraire et finalement en 1842 inventeur de la boite en carton.  Dans sa petite ville de Valréas près de Vaucluse, sont venu s’établir pharmaciens; bijoutiers; parfumeurs puis fabricants de pâte alimentaires; confiseurs; chocolatiers. L’industrie du carton «cartonnée». Sa petite ville était devenue une légende mondiale.

En train de perdre un bouton, je me rappelais qu’on m’avait donné une petite boîte en plastique bleu contenant tout pour faire la couture d’urgence, 1000 bobines de fil de couleur différentes, un dé à coudre taille enfant, quelque chose de  pointu  pourquoi faire? Une minuscule  paire de ciseaux et au moins cinquante aiguilles. Tous empaquetés à la main. Jamais vider ces boites. Remettre tout cela en place. Oubliez!

Après avoir essayé pendant une heure de passer le fil dans le cha de l’aiguille avec mes lunettes, je suis descendu à la réception de l’hôtel pour demander de l’aide. «Sorry madame il n’y a pas de trou dans votre aiguille»- Sachant l’impossibilité de fermer la boîte bleue. Je suis sorti acheter un t-shirt.

 

Chaque maison de l’Opéra avait une lodge réservée pour le roi. Cette lodge avait un rôle très important. Le roi pouvait donner discrètement ses ordres, observer sa popularité auprès du public, choisir sa prochaine favorite. Décider du succès de la pièce avec pour conséquence de mettre la viande sur la table pour le soupait des artistes.

Il y beaucoup d’années, j’ai reçu tardivement, une invitation pour le spectacle du soir même à l’Opéra de Vienne. J’ai eu  juste le temps de me rendre au YWCA et sortir du fond de mon sac à dos une robe mini. Achetait très bon marché à Londres. Je comptais sur la vapeur de ma douche pour mettre un peu de fraicheur à ma très petite robe. Ma voisine de chambre m’a prêté ses hauts talons neufs  et je suis partie pour le Gala. Les soirées de l’Opéra de Vienne sont TRES habillées. J’avais compris que la majorité du public était  là  pour être vu et pas pour voir le spectacle. Je m’imaginais dans le rôle de première ballerine. Je me promenais lentement pour ne pas glisser sur le sol en marbre. La tête haute, dégustant comme une coupe de champagne ce décor somptueux avec chandeliers, miroirs, perles et diamants.
Dans ma petite robe mini de chez C&A. Cette soirée là on a remarqué que moi, alors que je reprenais ma place dans la «Royal box».

 

 

 

En pleine préparation de notre déménagement Pittsburgh-Paris, j’ai observé que le responsable prenait des notes concernant l’ancien coffre. Typique de Bourgogne. Simple, modeste et solide. Un cadeau de mariage. Je lui ai demandé s’il avait un problème. Il m’a répondu que «la grande fissure sur le couvercle n’était pas de ces gars». Je lui ai expliqué que ce coffre avait près de 4 siècles et appartenait à un moine voyageant entre la  France et le Vatican, transportant secrets et trésors entre le roi et le pape. Sans aucun  signe de vécu il n’aurait pas été authentique. Cette remarque a fait mouche et il a fermé le couvercle sans remarquer un petit moine se glissant dans le coffre avec une bouteille de vin de Californie pour le voyage. Cette année-là les USA fêtaient le bicentenaire.

 

Avec l’arrivée des briquets, les boîtes d’allumettes se sont volatilisées, embarquant avec eux les souvenirs de séduisantes images des premières stars d’Hollywood. Ces actrices les yeux mis fermés tenant langoureusement un porte cigarette. Attendant Laurence et son chameau, à travers un nuage de fumée de cigarette Turque. Exotique! La boîte en métal toujours à portée de main comme le faisait ma mère. Les hommes puissants et riches, l’éternel cigare entre les dents. Leur sourire menaçant. La boîte à cigare hermétique et cendrier géant sur le bureau. LE GRAND MECHANT LOUP. L’héro à demi caché sous son chapeau en feutre.

 

Le travail de mon père demandait qu’il voyage loin de la maison. A ces occasions on me sortait de l’école. En Australie les distances sont énormes. Mon père était responsable des projets de terrassement des routes. Ce qui ne changeait en rien la distance. Le paysage changeait lentement ou pas du tout. L’air conditionné n’existait pas encore  Ces routes suivaient une continuelle ligne de poussière, de trous et après les rares pluies, la boue. L’apparition d’un nuage de poussière à  l’horizon devant ou derrière nous, indiquait qu’on devait quitter la route immédiatement pour laisser passer un «road train». Un camion constituait de plusieurs remorques chargées de containers  de bétail ou de bauxite, roulant à toute vitesse. Nos voitures avaient des protections contre ces pierres  qui giclaient et aussi contre le bétail qui dormait au chaud sur les routes la nuit. J’attendais effrayée les 15 minutes pour laisser la poussière retomber.
Dans les régions au climat plus doux et la verdure plus présente mon père s’arrêtait et sortait la couverture et le panier à pic-nic et se reposait à l’ombre d’un arbre.  Je cherchais des serpents et avec de la chance je jouais dans l’eau s’il y en avait. La connexion de la radio n’étant pas bonne, on  recevait mal les nouvelles et la musique. Mon père chantait avec moi des chansons de jazz, blues et les chansons des soldats. Ma mère insistant que l’on s’arrête à l’heure de son programme  journalier la série «Bue hills». Cette série racontait les histoires d’une famille australienne habitant la campagne. Mon pauvre père n’arrivait pas toujours  à connecter la radio, souvent hors réseau pour écouter la série. Ma mère fumait en silence. Moi je jouais avec mes poupées en papier que j’habillais avec des accessoires découpés. Je les étalaient sur la longueur de la banquette en cuire noire toute souple. Entretenue par le cirage que mon père utilisait aussi pour ses chaussures bien aimées. Je me rappellerai toujours du parfum de cire.

 

En récupérant une page, toute noire avec trois photos et le mot mémoires écrit en mauve, jamais je n’aurai imaginé quel immense  impacte ce simple geste de curiosité aurait sur ma tranquillité pendant les quatre semaines qui suivaient.

D’abord J’ai fini mes courses. Je suis retourné chez moi  sans prendre le temps pour ranger les produits surgelés et…j’ai commencé à  écrire. Peut-être déjà  j’exagère un peu étant donné que l’ordinateur n’est pas de mon monde. J’ai un ordi et j’ai un code. Quelque part, donc j’avais besoin d’aide pour démarrer.   Quelqu’un de très patient, est qui sera disponible pour les fréquentes catastrophes et de préférence francophone.

Mes surgelés  commençaient à dégeler… je voulais surtout déguster un petit beurre.  Trop excité comme un cheval de course avant le coup de pistolet. Tout mon cœur, mon âme, ma tête  débordait de ma boite comme, si je hissais la grande voile et prenais le large. Quel plaisir de se remettre à rêver, quel plaisir d’écrire mes rêves, quel plaisir tout simplement d’écrire. En ouvrant la boite, je libérai une autre boite et ainsi de suite. Chacune se laissant bousculer dans l’aventure. Glissant sur un chemin connu vers l’inconnu absolument sans peur. Peut-être même pour s’échapper, ou être oubliée. Explorer l’origine de mes rêves en ouvrant ma boîte, et de lâcher  mon esprit dans un moment du passé. Prendre le temps à côtés  de ce gens qui faisaient partie de mon passé. Leur dire les mots jamais exprimés. Demander des explications. Les mettre au courant de ma vie. Passionnante Aventure et précieux moments de vérité.

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