Pour les Dissidents de la Pleine Lune sur le thème "Dans le wagon restaurant" : un cri retentit, le transsibérien s'arrête. Que s'est-il passé ?
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Un verre de vin fut rattrapé de justesse avant qu’il n’éclabousse le tissu.

Le contrôleur trébucha, s’accrocha à la nappe, et emmena dans sa chute couverts et plats qui se répandirent sur Natalia Berkowicz, la cantatrice, dont la voix fit trembler les verres en cristal.

Le transsibérien s’immobilisa sous le chant de l’artiste.

Les oreilles sifflèrent.

Anatoli, se releva d’un bond, vira du rouge au blanc quand il constata le désastre étalé sur la diva. On la savait capricieuse et colérique. Et ce qui ne manqua pas d’arriver, arriva. Natalia entra dans une fureur noire, jura en russe, en polonais, sous les yeux déconcertés.

Soudain, un cri mit fin à ses jérémiades.

Une autre cantatrice ? songea Anatoli à peine remis du cyclone qu’il s’était ramassé.

Non, c’était Viktor Ousmanov, un petit bolchévique hurlant comme au jour de sa circoncision.

Il désignait, épouvanté, un corps inerte plongé dans un potage auquel il n’avait pas daigné goûter. Du sang s’écoulait sur le col de son smoking.

Un murmure horrifié parcourut le wagon restaurant.

Anatoli oublia la cantatrice et demanda à chacun de rester à sa place.

Dimitri Pavlov, médecin, proposa son aide. Le contrôleur approuva et descendit du train afin de découvrir ce qui avait conduit à l’arrêt brutal du transsibérien.

Il remonta les wagons et découvrit devant la voiture de tête les deux machinistes penchés sur un amas de poils inerte qui appartenait à un ours endormi. Ce dernier grogna et aussitôt, les trois hommes s’enfuirent à toutes jambes.

De retour à l’intérieur, le cœur battant, Anatoli se fit alpaguer par un Dimitri blême.

Il lui fallait trouver un enquêteur pour démêler l’assassinat du richissime Oleg Pavlenko. Il avait été égorgé.

Le contrôleur, déboussolé, parcourut le train jusqu’à la voiture de queue où il tomba sur Anastase l’Escuyer, célèbre pour avoir démêlé les plans du Renard à Paris. Il était en vacances et visitait les beautés de la Russie profonde.

Méticuleux, il examina le corps, interrogea les passagers un à un, remis en scène les évènements et déclara en fin d’après-midi avoir trouvé le coupable, et qu’il pourrait le confondre à l’heure du dîner.

A l’heure dite, les passagers du wagon restaurant reprirent leurs emplacements au moment de l’incident et Anastase entama son laïus.

En fin limier, ils furent tous écartés de sa liste de coupables, hormis Anatoli, le vrai responsable. Le contrôleur chancela et se défendit d’avoir commis un tel acte.

L’enquêteur expliqua une règle fondamentale en physique. Lorsqu’un corps en mouvement entraîne un autre corps, la vitesse de celui-ci est multiplié par le coefficient… bref, personne n’y comprit rien.

En résumé, lorsqu’Anatoli s’était accroché à la nappe, le couteau à poisson de Natalia Berkowicz fut projeté sur la carotide d’Oleg, sur le point de goûter sa soupe, et la sectionna. L’ustensile, lui, s’était fiché dans une plinthe, et ce, à l’insu de tous.

L’Escuyer triompha sous les vivats, tandis qu’Anatoli déglutit un goût amer de soupe froide.

 

FIN

Commentaires (2)

Kurt Fidlers
17.09.2020

Merci, content que ça t'ait plu.

Mo

Motus
14.09.2020

Relu avec plaisir, bravo Kurt

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