Créé le: 19.08.2020
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Madame M

Billet d'humeur, Coronavirus, Notre société

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Chapitre 1

1

Réflexion sur la tourmente actuelle ou Quelle est l'origine de mon angoisse.
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Je vois fleurir sur Facebook des titres du genre « la politique de la peur » ou « arrêtez la psychose » ou encore « l’angoisse de la deuxième vague » et autres « stop aux discours anxiogènes ».

 

Et je dois reconnaître que oui, depuis le début de l’été, j’ai effectivement peur.

 

Depuis qu’on s’est déconfiné (ou plutôt semi-déconfiné), le nombre des cas de covid-19 augmente, gentiment, mais sûrement.

Au début je me disais que c’est normal, que ça va se stabiliser. Ça ne me fait pas spécialement peur, car je lis les articles qui sont reliés à l’annonce de hausse des cas et je constate que ça se passe pas mal en milieu hospitalier ou bien soudain il y a une personne qui en infecte plusieurs et hop, ça fait une poussée. Je regarde surtout le nombre d’hospitalisations, en soins intensifs particulièrement, et là ça augmente très peu, c’est plutôt stable. Même si le nombre de cas augmente encore et encore.

Bref, je m’informe et je suis à peu près rassurée.

Surtout que je n’ai pas un comportement kamikaze, je garde mes distances, j’essaye de porter un masque de façon correcte, je me lave les mains régulièrement. Je fais attention quoi. Et ça me va. Le coronavirus ne me fait pas spécialement peur. (Même si ça me ferait chmir de le choper et que je préfère éviter, mais on peut dire ça de pleins d’autres maladies aussi…)

En fait, ces chiffres, pour moi, c’est un rappel. Parce que maintenant c’est l’été, il fait beau, on se détend, on profite des vacances. Mais il ne faut pas oublier cet invité imposé, particulièrement déplaisant avec sa manie de rôder autour de nous sans qu’on sache vraiment s’il est là.

Ces chiffres me disent que non, ce n’est pas fini, ça va mieux, la vague est passée, mais il faut rester sur ses gardes.

 

Pour moi, la source de psychose est ailleurs.

 

J’ai peur quand j’entends des gens comparer le covid-19 (je n’arrive pas à le mettre au féminin, désolée) à une grippe. Ben oui, c’est arrivé avec l’hiver et on peut en mourir, de l’un comme de l’autre. De là à dire que c’est pareil, c’est aberrant de bêtise.

D’abord parce que la grippe, on la connait, on sait comment elle agit, on a des médicaments (chimiques ou naturels) pour lutter contre, la traiter et la faire passer. Et on a même un vaccin préventif, conseillé pour les gens fragiles, à risque, mais absolument pas obligatoire.

Par contre, le covid-19, on ne sait pas exactement comment il agit, on le découvre au fur et à mesure et on n’a pas de traitement avéré pour lutter contre lui. Le meilleur traitement que l’on connaisse actuellement c’est « Soyez en bonne santé, gardez vos distances et lavez-vous les mains ! »

Alors oui, tous deux causent des morts, mais de là à dire que c’est pareil ? Jamais on aurait l’idée d’affirmer qu’une crise cardiaque et un cancer du poumon c’est pareil, pourtant on peut en mourir, de l’un comme de l’autre.

Ça me laisse perplexe, cette comparaison avec la grippe. Surtout que, d’après ce que j’ai compris, le covid-19 ressemblerait plus à une pneumonie qu’à une grippe : ça touche (dans une bonne partie des cas) les poumons, ça les attaque violemment même, puisque les cas sévères se retrouvent sous respirateurs.

Sous cet angle aussi, ça me pose problème, cette comparaison avec une « simple grippe ». Parce que j’ai eu une pneumonie l’année précédente, elle a commencé début janvier 2019 et le moment où j’ai senti que j’arrivais enfin au bout c’était fin février. Donc on peut dire que ça m’a occupée pendant pas loin de deux mois. Et visiblement je m’en suis bien sortie, car il n’y a pas mal de cas de gens qui ont une pneumonie qui finissent à l’hôpital. J’ai fait 10 jours à plus de 39° de fièvre, incapable de manger au point de faire un malaise, si vite essoufflée que marcher 5-6 mètres m’épuisait, j’avais de l’asthme au moindre effort. Je n’avais pas assez d’air dans les poumons pour parler, comme après avoir couru un marathon, impossible d’aligner deux mots sans devoir reprendre son souffle. Bref, mon état n’était vraiment pas terrible, mais malgré tout, je ne devais pas souffrir d’une forme trop grave, car je n’ai pas été hospitalisée. Pourtant, après le tri aux urgences de la permanence, je ne suis pas retournée en salle d’attente, je me suis retrouvée sur la banquette des « à consulter de suite » et je m’attendais à devoir aller à l’hôpital.

Quand ça a été mieux, en mars, je me suis dit que j’aurais préféré une grippe, parce qu’une pneumonie, c’est quand même un niveau supérieur dans les maladies à choper.

Alors que l’on compare le covid-19 à une simple grippe, ça me fait frémir à l’intérieur des poumons.

Et puis, à l’échelon du dessus des aberrations, il y a ces gens terrifiants qui disent que non, il n’y a pas de pandémie (définition du Larousse -> Pandémie : Épidémie étendue à toute la population d’un continent, voire au monde entier), que ce n’est qu’une invention (tous les pays du monde annoncent des cas, sauf quelques rares exceptions, dont l’Antarctique, des îles dans l’Océanie, le Turkménistan et la Corée du Nord), qu’on ne tombe pas malade du covid-19 (19’000’000 cas confirmés fin juillet avec plus de 700’000 morts)… J’aimerais bien voir ces gens-là face à quelqu’un qui a perdu un proche à cause du Covid-19, ou qui a dû être amputé suite à des complications, ou qui subit toujours des séquelles nerveuses. Est-ce que ces gens-là oseraient toujours affirmer que ce n’est pas grave ? Que ce n’est qu’une invention ?

 

J’ai peur des gens qui savent. De ceux qui sont perclus de certitudes, droits comme des i et que rien ne fera changer d’avis. De ceux qui ne voient aucun intérêt à même envisager qu’ils n’ont peut-être pas entièrement raison et que la réalité est plus complexe. À quoi bon ? De toute façon ce sont tous les autres (et par autres on comprend ceux-qui-ne-pensent-pas-comme-moi) qui ont tort.

Je trouve nettement plus rassurante l’attitude de l’OMS, de notre gouvernement ou des revues qui, comme le Lancet, n’ont pas peur de revenir sur leurs dires, qui osent déclarer s’être trompé, et qu’à la lumière de nouvelles données, il ne faut plus faire cela, mais plutôt ceci.

C’est tellement plus naturel, comme un fleuve qui fait des méandres au gré de la résistance des roches ou de la géographie du terrain plutôt que de vouloir aller tout droit, quitte à créer une digue qui se remplit avec le temps. Quand elle cédera, cette digue, plus longtemps elle aura été là, plus ça fera des dégâts.

 

Pour tromper mes craintes, je me renseigne, je m’informe, je fais mes propres recherches, comme on m’enjoint à le faire… et c’est pire. Parce que je découvre des choses qu’on nous cache, des vérités qu’on ne nous dit pas, comme le soulèvent les complotistes, sauf que ça concerne leurs théories, les idées qu’eux répandent.

J’en ai beaucoup appris, notamment vis-à-vis du système de désinformation élaboré qui profite d’un terrain propice en cette période de pandémie et donc de doutes et d’inconnues. Car recevoir la becquée de certitudes façonnées à l’emporte-pièce, c’est beaucoup plus facile que de reconnaître qu’on ne sait pas tout. Se dire que tout ça c’est des bêtises, que la pandémie n’est pas réelle, c’est plus facile que d’accepter qu’on ne sait pas jusqu’à quand ça va durer, ni comment ça va évoluer ni encore moins comment ça finira, ni si ça finira vraiment une fois.

 

Le truc le plus effrayant que j’ai découvert en faisant mes propres recherches, c’est les théories de QAnon.

Le pire, c’est que quand on veut dénoncer ou simplement expliquer ce que c’est, on utilise soi-même les termes et les ficelles des complotistes, ce qui, à mes yeux, en fait une menace encore plus redoutable.

Le mouvement a débuté en 2017, par un auteur anonyme dénonçant l’État Profond, un prétendu complot contre le président Trump. Peu à peu le mouvement a pris de l’ampleur, différents auteurs ont publié des articles en signant simplement Q, ses théories se sont étoffées et le covid-19 revient souvent sur le tapis.

Le terme de QAnon est la combinaison de la lettre Q et Anonymous (pour rappeler l’anonymat de l’internaute qui poste les messages). Ce groupe est surveillé de près par le FBI depuis 2019 comme source possible de terrorisme domestique.

Selon les partisans de QAnon, tous les gouvernements sont corrompus (voire liés à des réseaux pédophiles, faut bien se financer). Les philanthropes comme Georges Soros et Bill Gates sont des grands méchants, de même que tous ceux qui ont des tendances humanistes et sociales (et qui dénonce le gouvernement Trump, comme les artistes d’Hollywood). En gros, QAnon, c’est un réseau d’extrémistes de droite qui répand les idées qui vont dans son sens, peu importe qu’elles soient avérées ou non. Et en partie grâce à la pandémie du covid-19, il a réussi à sortir des États-Unis et à répandre ses idées un peu partout dans le monde. (Je schématise avec ce paragraphe, mais dans les grandes lignes, c’est assez conforme à la réalité.)

Ils sont très forts pour détourner des propos (Bill Gates et la micropuce), diffuser des semi-vérités (Le HIV et le covid-19 ont des séquences génétiques communes) et tirer des conclusions faciles (des espions chinois ont volé le covid-19 dans un laboratoire canadien).

Il y a des gens qui y croient, ils sont de plus en plus nombreux, partout dans le monde, et ils diffusent ces informations détournées à tour de bras. Pour toucher les pays francophones par exemple, ils passent par le Canada francophone justement.

 

C’est ça qui me fout réellement les jetons, et de mon point de vue, elle est là, la seconde vague.

 

Ces gens qui savent nous disent qu’il faut arrêter de suivre ce qu’on nous dit comme des moutons !

Par exemple, pour le port du masque. Ils nous disent qu’il ne sert à rien (alors pourquoi on le porte régulièrement et depuis toujours dans les hôpitaux ?), qu’il crée une carence en oxygène et qu’on risque de faire un malaise (là il faut impérativement lancer une pétition pour interdire le port du masque aux chirurgiens, je n’ai pas envie que l’un d’eux s’évanouisse pendant mon opération à cœur ouvert), que les gens qui le portent seuls en voiture sont ridicules (je le fais souvent, quand je fais mes courses dans différents magasins, pour ne pas utiliser plusieurs masques, parce qu’on nous a bien expliqué qu’une fois en place, il ne faut plus y toucher, et du coup je ne comprends pas les gens qui conduisent masque sur le menton), que s’il est vraiment efficace, pourquoi il n’était pas obligatoire au plus fort de la pandémie (quand on devait rester chez soi et que tout était fermé sauf quelques magasins où on entrait au compte-goutte ?).

Bon, moi je porte le masque quand il faut. Je suis sujette à de l’asthme, mais ça ne m’empêche pas de respirer. En fait, si je n’y pense pas, ça va très bien. Par contre si je commence à me poser la question, que je me dis que « houlala j’arrive plus à respirer », là oui, ça me prend, mais c’est moi que me crée le problème, par persuasion.

 

Il faut ouvrir les yeux qu’ils nous disent, se renseigner, s’informer. Mais pas par les médias conventionnels, non plutôt sur YouTube et auprès de ceux qui n’ont aucune pression déontologique (déonquoi ?), mais qui, comme par hasard, ont souvent un livre ou une méthode à vendre. Il ne faut pas se laisser manipuler ! (Perso, je préfère me faire manipuler par mon gouvernement plutôt que par des groupes d’extrême droite.) Il faut arrêter d’agir en mouton et de mettre la tête dans le sable comme une autruche. De faire la moutruche quoi. (Et là je ne peux m’empêcher d’associer à chaque fois un rire fou et démoniaque à ce mot « moutruche »)

Ce n’est pas parce qu’on m’insulte de façon indirecte (car je comprends que si je n’adhère pas à tout ce qui suit le « ouvrez les yeux » ou, pire, « lisez, tout est dit », je ne suis qu’une pauvre moutruche) que je vais me laisser entraîner vers une dérive sectaire.

 

Voilà ce qui me fait vraiment peur, cette nouvelle secte mondiale qui n’a pas vraiment de nom et qui répand son poison, des soi-disant vérités contre les fake news (tiens, on dirait du Trump dans la façon de faire) à l’échelle de la planète. On ne sait jamais exactement d’où ça vient, car malheureusement, grâce à Internet, chacun peut propager toutes les conneries qu’il veut très facilement. Et même si la source est retirée, effacée, les remous qu’elle a créés continuent d’enfler, de suivre leur cours en toute impunité. Les réseaux sociaux, voilà la nouvelle plateforme des prédicateurs, ils sont partout et nulle part à la fois.

 

Et ça me fait peur, très peur. Pour moi, ce sont eux l’État Profond, celui qu’ils dénonçaient au départ, ou le Nouvel Ordre Mondial, comme ils l’appellent maintenant.

 

J’ai peur d’eux, du cancer de fausses informations qu’ils diffusent avec un aplomb à toute épreuve. Ils surfent sur la vague de la méconnaissance, profitent du fait qu’il y a encore beaucoup d’inconnue concernant ce virus pour affirmer les vérités qui les arrangent.

 

J’ai peur d’eux, car nos politiciens ne sont pas tout rose, ni les gens qui ont du pouvoir, ni les pharma (qui semblent se préoccuper davantage de leur enrichissement que de santé). Leurs comportements irréfléchis ou égoïstes légitiment ces théories du complot. Et tout ça ouvre une brèche dans notre démocratie.

 

J’ai peur d’eux, car de mon point de vue, ce sont ces gens qui n’aiment pas qu’on les appelle complotistes (mais est-ce qu’on me demande si j’aime qu’on me traite de moutruche), qui font la promo de ce nouvel ordre mondial, ou plutôt nouvelle secte mondiale, vu la manière dont elle embobine.

 

J’ai peur d’eux et j’aimerais mieux mettre la tête dans le sable que de les écouter. Mais comprendre leurs raisonnements et décrypter leurs messages, déjouer leurs tromperies, c’est tout ce que j’ai trouvé pour lutter contre mon angoisse.

 

Mais plus j’en apprends, plus j’ai peur quand même.

 

Alors oui, allez-y, moquez-vous de moi  ! Mais dorénavant, vous m’appellerez Madame Moutruche !!! Car après tout, on n’a pas gardé les pangolins ensemble.

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