Menacé d'être découvert, le ravisseur déménage ses prisonniers et échappe de peu à la police
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Idriss monta le son de la TV pour ne plus entendre sa femme qui papotait avec sa mère au téléphone depuis près d’une demi-heure. Il aurait pu énumérer toutes les récriminations qu’elle récitait en boucle à sa génitrice. Bien sûr qu’il était au chômage mais ce n’était pas sa faute si l’on pouvait acheter des chaussures par internet sur le site Ali Express au dixième du prix que son ancienne usine les vendait et que cette concurrence, associée à une gestion calamiteuse, avait entraîné la fermeture de son usine. Oui c’est vrai, il n’était pas très assidu dans la recherche d’un nouvel emploi mais il avait le droit d’être découragé : après 25 ans dans la même boîte, il n’avait guère d’autres qualifications et il faut dire que les employeurs rechignaient à embaucher un ouvrier dans la cinquantaine dont la seule qualification se limitait à la fabrication de chaussures.

 

A peine les nouvelles sportives terminées, apparut un appel de la police. Idriss n’en retint que deux mots : cinquantaine et ganté. Peu à l’aise avec internet, il avait pris l’habitude de poster ses demandes d’emploi deux fois par mois. Il se souvint que ce jour-là, il avait croisé un homme à peu près de son âge, ganté malgré la saison, qui sortait de la poste. Il se souvenait très bien de son visage, lui ayant trouvé un air prétentieux et l’ayant imaginé vieil aristocrate. Bref, il lui trouvait une sale gueule et c’est bien pour cette raison qu’il s’en souvenait. Il sortit son télépone et appela le numéro qui apparaissait sur l’avis de la police. Une heure plus tard, il se retrouvait en train de faire un portrait-robot dans les locaux de la gendarmerie. Le soir-même, le portrait robot passait à l’antenne.

 

******

 

Marc venait de terminer son travail. Etudiant en histoire à Grenoble, il travaillait pendant l’inter-semestre à la déchetterie municipale de son village pour se faire un peu d’argent de poche et décharger ses parents qui se sacrifiaient déjà assez pour lui payer des études. Il essaya d’embrayer sa mobilette mais rien ne se passa. Après plusieurs essais, il se décida à ouvrir le réservoir à essence pour en contrôler le contenu. Il était vide. Il jura et se traita de tous les noms pour avoir été si négligent. A coup sûr, il allait rater son rancart avec Nolwenn et il y avait de gros risques qu’elle aille voir ce connard de Bertrand qui ne demanderait pas mieux que de le remplacer et d’emmener la jeune fille faire du shopping à Valence.

 

Il retourna sur ses pas et appela un des employés qui était en train de boucler les lieux.

 

–       Tu peux m’aider, je n’ai plus d’essence dans ma mobylette

 

–       Va voir dans le dépôt, il y a un bidon de 20 litres pour la tronçonneuse. Prends une bouteille dans la benne à verres et remplis-là. Sur l’étagère, tu trouveras un entonnoir.

 

–       Merci. T’es sysmpa, je te revaudrai ça.

 

–       OK c’est bon. Mais magne-toi, je veux fermer et rentrer. Ma bourgeoise m’attend impatiemment si tu vois ce que je veux dire.

 

–       Je me dépèche, c’est promis !

 

Marc trouva sans problème le bidon et alla chercher une bouteille dans la benne. Arrivé au dépôt, au moment de commencer le transfert d’essence, il remarqua un papier dans la bouteille et entreprit de le sortir en s’aidant d’un long clou pris dans la boîte à outils du dépôt.

Il allait jeter le papier quand il aperçut un mot qui attira son attention : prisonniers. Il lut alors attentivement le reste et découvrit que trois personnes, dont les noms suivaient, disaient être retenues contre leur gré par un homme dans la cinquantaine, presque chauve et qui se faisait aider d’un individu plus jeune, apparemment déficient mental prénommé Yann.

 

Il fourra le message dans sa poche et fit le plein de sa mobylette. En passant près de son collègue, il lui parla brièvement de ce message et le sortit pour le lui faire lire.

 

–       C’est peut-être une mauvaise plaisanterie mais je préfère quand même laisser ce papier aux gendarmes. On ne sait jamais. Allez file, je m’en charge. Je passe de toutes façons devant la gendarmerie pour rentrer chez moi, ça ne me fera même pas faire un détour. A demain.

 

–       Merci. A demain !

 

******

 

 

Ce matin, Luca se préparait à accompagner une descente dans le quartier du port de Gênes, sur demande de ses collègues des stups qui avaient de bonnes raisons de penser qu’un cargo battant pavillon panaméen cachait une grosse quantité de cocaïne en provenance de Colombie. Comme ils étaient en manque d’effectifs, ils avaient demandé à la brigade criminelle de leur fournir de l’aide, d’où la mobilisation de Luca.

 

Juste avant de partir, l’homme de piquet de nuit lui tendit un message avant de rentrer chez lui.  Un français avait appelé cette nuit, et dans un italien parfait précisa-t-il, pour demander à parler à Luca. Le policier de faction lui avait proposé de prendre note de l’essentiel et de laisser Luca rappeler le lendemain.

 

Ce dernier lut en vitesse que la gendarmerie française avait découvert un message d’appel au secours signé des trois personnes disparues que le policier génois et ses collègues suisses recherchaient depuis des mois. Toujours en France, l’appel à témoin concernant l’expéditeur du colis mortel, commençait à porter ses fruits et les gendarmes tenaient une piste qu’ils préféraient vérifier avant d’en informer leurs collègues étrangers. Mais sachant que les deux affaires, les disparitions et le crash de l’avion intéressaient Luca et les suisses, ils tenaient à les informer des derniers développements en cours.

 

Luca pesta contre la corvée qui l’attendait. Il aurait de loin préféré contacter le capitaine de gendarmerie signataire du mail plutôt que d’aller participer au bouclage des docks et à la fouille de ce cargo.

 

La descente de police ne se passa pas aussi bien que prévu. Avertis par je ne sais qui, les marins du cargo étaient en train de jeter la drogue à la mer pendant que les autres avaient remonté l’échelle et prétextaient un problème technique qui les empêchaient de la redescendre, si bien que les policiers perdirent un temps précieux à se faire amener sur le bateau par une grue du port.

Au final, la saisie se limita à 5 kilos de cocaïne, ce qui était déjà important mais beaucoup moins que les dizaines de kilos qui devaient avoir été cachés dans les cartons de café avant d’être jetés dans le port et dont la seule trace consistait en quelques cartons endommagés devant lesquels les chiens s’étaient arrêtés mais sans que la fouille ne permette d’y trouver quoi que ce soit.

 

Il regagna les locaux de la police et s’empressa d’appeler son correspondant français. Le capitaine lui fit, en français cette fois, un bref résumé des derniers développements.

 

–       Nous venons d’avoir la preuve que les deux affaires étaient liées. D’abord, l’ l’appel à témoin pour l’expéditeur du colis a porté ses fruits. Un cafetier de Crest a reconnu, ou cru reconnaître dans le portrait robot son représentant en café, un certain Jean-Rodolphe Devantou, qui habite un petit village dans la région de Valence. Presque en même temps, un employé d’une déchetterie de la région nous a transmis un papier, trouvé dans une bouteille qui avait été amenée à la benne pour le recyclage. Sur ce papier, figuraient un SOS signé des trois noms des disparus qui vous concernent et le nom du complice de leur ravisseur, un certain Yann, qui, d’après les indications du message, serait d’une intelligence limitée. Or, en faisant des recherches sur ce Devantou, nous avons constaté qu’il était le tuteur légal de son cousin, un déficient mental léger du nom de Yann Avenas.

 

–       Et vous allez l’appréhender ?

 

–       Oui. Dans tous les cas, nous allons procéder à une vérification et une fouille domiciliaire. Nous n’attendons plus que le mandat du juge pour agir. Mais ce sera pour aujourd’hui encore.

 

–       Parfait. Rappelez-moi quand ce sera fait et je me charge d’informer mes collègues suisses.

 

–       Pas de souci, nous vous informerons dès que la perquisition sera terminée.

 

–       Merci, à tout bientôt.

 

 

Luca s’empressa d’avertir Hanspeter et Lucien qui ne cachèrent pas leur satisfaction et leur impatience d’en savoir plus. Luca les assura qu’il les tiendrait au courant le plus rapidement possible, dès que les français le rappelleraient.

 

 

******

 

En arrivant au bas de la petite route qui mène à la propriété de Jean-Rodolphe, les policiers aperçurent une fumée noire et ne tardèrent pas à découvrir la bâtisse et ses dépendances en feu. Les pompiers furent avertis dans l’instant et mirent moins de vingt minutes, ce qui est un exploit, pour parvenir sur les lieux du sinistre. Par miracle, seules les dépendances furent entièrement détruites, ne laissant que quatre murs de pierres dont le centre était encombré de poutres, de parois et de meubles calcinés, le tout parsemés d’outils et d’engins à peine reconnaissables.

 

La maison elle-même avait souffert : le toit s’était en partie effondré et la plupart des meubles étaient détruits. Cependant, le sous-sol où avaient séjourné les trois captifs était pratiquement intact malgré la porte et le soupirail laissés volontairement ouverts pour y faciliter la propagation des flammes. La salle de bain de l’étage était également presque intacte et serait d’un précieux secours pour y relever les traces ADN de ses utilisateurs, vraisemblablement le suspect et son cousin.

 

Les pompiers ne tardèrent pas à découvrir deux systèmes système de mise à feu retardée, identiques, dans la cuisine et la dépendance principale, assez ingénieux, faits d’un minuteur couplé à un grille pain imbibé d’essence et jouxtant ce qui avait du être un amas de papier, de cartons et de chiffons probablement eux aussi tous arrosés d’essence.

 

Mais la maison était vide. Aucune trace de vie, aucune âme qui vive dans ce bâtiment incendié.

Les gendarmes appelèrent leurs collègues de la police scientifique pour des prélèvements partout dans la maison où restaient encore des draps sur les lits, des brosses à dents dans les verres et même quelques habits.

 

Le capitaine appela brièvement Luca pour lui faire part de la situation et promit de l’informer dès que les analyses ADN seraient terminées et en lui demandant de lui fournir dans les meilleurs délais le profil ADN des trois disparus en possession des enquêteurs italiens et suisses. Luca fit le nécessaire immédiatement pour le Dottore Michelod et appela Lucien et Hanspeter pour qu’ils fournissent l’ADN des deux femmes, Alicia Galli et Josepa Durand aux français afin que ces derniers puissent tout de suite le comparer avec les résultats de leurs analyses, pour autant que les traces relevées dans la maison soient suffisantes pour établir ce profil.

 

Une semaine plus tard, les résultats tombaient. Pierre Michelod, Alicia Galli et Josepa Durand avaient bien séjourné dans la chambre sise au sous-sol de la maison de Jean-Rodolphe Devantou.

Par contre aucune trace de lui, de son cousin et a fortiori de ses prisonniers. Tant les contrôles aux frontières que les recherches sur place n’avaient rien donné. Devantou n’avait plus donné signe de vie à son employeur depuis plus de dix jours avant l’incendie et ne répondait pas aux appels téléphoniques.

 

Le personnel de la maison de retraite où séjournait son père ne l’avait plus revu mais avait reçu un chèque de 5000 euros signé de Jean-Rodolphe Devantou en faveur de son père. Il n’avait plus d’autres parents et les gendarmes ne savaient pas où chercher un indice permettant de savoir où il pourrait avoir un point de chute.

 

Deux événements, peut-être en lien avec cette fuite, méritaient d’être investigués : A Bourg-St-Maurice, un homme d’affaires s’était fait voler son véhicule devant l’hôtel dans lequel il séjournait. Il n’avait découvert sa disparition qu’au petit matin, en voulant reprendre son imposant 4X4, vert foncé et de marque Mercedes, pour gagner Aosta où il avait rendez-vous. Manque de chance, stressé par son rendez-vous manqué, il passa son temps au téléphone avec ses partenaires commerciaux et attendit plus de trois trois heures avant de déposer plainte, ce qui laissait au voleur une avance considérable.

 

Par ailleurs, deux douaniers italiens avaient été retrouvés morts, foudroyés chacun par un ou plusieurs coups de feu, vraisemblablement provenant d’un fusil de calibre 12, sans que personne ne fut témoin de la scène, peu avant le village de la Thuile en descendant vers le val d’Aoste. Or, il était avéré que Jean-Rodolphe, ancien chasseur, possédait une arme de ce calibre tout comme , par ailleurs, une carabine à répétition de 7,65.

 

Des recherches étaient en cours pour déterminer si ce vol et ces assassinats pouvaient être liés à la fuite de Devantou et donc imputables à ce dernier, ce qui donnerait à ce moment-là un indice sur la région dans laquelle il se trouvait. Le lendemain,  cette hyppothèse se confirmait par la découverte de l’utilitaire Peugeot, immatriculé dans la Drôme et appartenant à Devantou, abandonné, à moitié calciné, sur une piste forestière à l’écart de la route qui mène de Bourg-St-Maurice vers l’Italie.

 

Mais ces deux événements, précisa le capitaine de gendarmerie à Luca, dataient de trois jours au moins, ce qui laissait à penser que le fugitif avait largement eu le temps de disparaître dans la nature malgré le signalement du véhicule volé et la photo de Jean-Rodolphe, désormais disponible bien que datant d’au moins 10 ans, largement diffusée aux services de police français, italiens et suisses.

 

Mais à part ça, rien de nouveau. Le moral de Luca, Hanspeter et Lucien n’affichait pas, et c’est le moins qu’on puisse dire, une météo très clémente et les dernières nouvelles des pandores français avaient plombé leur satisfaction d’enfin avancer un peu dans cette enquête et leurs espoirs de la résoudre rapidement.

 

****

 

Yann était nerveux, posait trente six mille questions et cela irritait Jean-Rodolphe. Son cousin avait toujours vécu dans la maison de son cousin depuis la mort de sa mère. Or, le mas de Jean-Rodolphe n’était distant que de quelques kilomètres de la maison où il avait grandi. Son univers se résumait donc à ce petit coin de la Drôme dans les environs de Chabeuil et il avait du mal à accepter qu’il devrait désormais habiter ailleurs et que toutes ses questions, sur un éventuel retour « à la maison » restaient sans réponse.

 

Son nouvel univers le déstabilisait. Il avait perdu ses repères. Il n’aimait pas ces immenses montagnes qui les entouraient pas plus que l’isolement dans lequel ils se trouvaient. Le village le plus proche, Planpincieux, dans le val Ferret italien, se trouvait à plus de trente minutes de voiture, la petite route permettant d’accéder à leur maison étant à peine carrossable.

 

Le chalet était pourtant spacieux et confortables. Il était composé de 6 pièces et d’une grande cave boisée aménagée à l’époque en carnotzet ( on appelle ainsi dans le patois romand et haut-savoyard une petite cave aménagée où l’on stocke et déguste du vin entre amis) par l’oncle paternel de Jean-Rodolphe qui l’avait acquis au tout début des années 80 pour plaire à son épouse, une valdotaine de Courmayeur. Son épouse décédée dans un accident de montagne, l’oncle se laissa quasiment mourir de chagrin en 1992. Le chalet était revenu à son unique héritier vivant : son neveu Jean-Rodolphe.

 

Jean-Rodolphe ne s’y était que rarement intéressé, se contentant d’y revenir une fois par année, pour le nettoyer et procéder lui-même à quelques aménagements sans avoir recours à des artisans locaux. Il avait ainsi aménagé des toilettes et une salle d’eau à côté du carnotzet et amélioré l’isolation thermique et phonique de l’ensemble du bâtiment. Il n’en n’avait parlé à personne et avait laissé dans le chalet toutes les preuves qu’il en était propriétaire. Il n’avait rien gardé à son domicile de français de Peyrus. Les seules preuves de l’existence de ce chalet et de l’identité de son propriétaire devaient figurer à quelque part dans les archives cadastrales et fiscales de la municipalité de Courmayeur dont dépendait Planpincieux. Il était persuadé que personne ne penserait à se renseigner à la commune et savait que tous les cadastres ne figuraient pas encore en détails sur les informations accessibles au public et même aux autorités étrangères par internet.

 

Persuadé que le malin était en train d’étendre sa domination sur le monde, Jean-Rodolphe avait prévu de faire de cette maison isolée, loin du village, au pied des montagnes mais encore dans une zone boisée, un refuge dans lequel il pourrait échapper aux forces maléfiques de l’antéchrist qui étendaient leur domination sur le monde. Il y avait stocké des quantités d’aliments déshydratés et des boîtes de conserves et renouvelait chaque deux ans des denrées périssables de longue conservation comme les pâtes et le riz. L’eau d’une source privée, captée, était abondante et pourvoyait aux besoins des habitants du chalet en eau potable et sanitaire. L’électricité était assurée par une petite éolienne domestique et des panneaux solaires, ce qui lui évitait d’avoir recours au réseau public.

 

Imaginant qu’il aurait peut-être à se défendre, il avait laissé sur place, il y a quelques années, deux revolvers achetés au noir à Lyon. Maintenant, il avait également amené un fusil à pompes de calibre 12, sa carabine de calibre 7,65. sans compter le fusil de chasse traditionnel et acquis légalement, qu’il avait pris soin d’emporter dans sa fuite. En plus, il y avait du réseau et Jean-Rodolphe avait acquis un téléphone et une tablette numérique à cartes pré-payées permettant d’accéder à internet. Bref, il pensait en avoir fait un lieu idéal de survie.

 

Le trajet ne s’était pas déroulé sans problèmes. D’abord, ses hôtes avaient bien traîné une heure avant que le somnifère versé dans la soupe ne fasse effet. Enfin, Yann n’arrêtait pas de demander pourquoi on devait les transporter dans la camionette, pourquoi on devait partir, pourquoi son cousin avait installé les toasters avec ces réveils bizarres dans la cuisine et l’atelier. Jean-Rodolphe avait du élever la voix pour faire cesser ses questions.

 

Ensuite, son Peugeot Boxer avait commencé à donner des signes de faiblesse peu après la sortie de Chambéry. Il avait continué tant bien que mal, à faible allure, jusqu’à Bourg-St-Maurice qu’il avait atteint vers 2 heures du matin. Là une occasion s’était offerte à lui avec ce magnifique 4×4 Mercedes parqué devant cet hôtel que le propriétaire, distrait ou inconscient, avait laissé ouvert. Il lui avait bien fallu 15 minutes avec l’aide de Yann qu’il devait houspiller sans cesse pour transférer ses prisonniers endormis et réussir à mettre le contact, débloquer le volant et  démarrer.

 

Après, en descendant sur la vallée d’Aoste, il y avait eu ces imbéciles de douaniers italiens qui avaient voulu contrôler son véhicule. Il ne voulait pas prendre de risques. A peine le premier arrivait à la hauteur de sa portière que Jean-Rodolphe avait tiré, l’atteignant au cou et le tuant net. Son collègue qui se tenait juste à côté tenta de dégainer son pistolet mais fut fauché en pleine poitrine par de la chevrotine à sanglier jaillissant du deuxième canon du fusil de chasse. Enfin, il avait fallu rouler très vite pour arriver ici avant le jour afin d’éviter que l’on ne repère son véhicule dans le cas où le propriétaire aurait déjà signalé le vol. Il réussit  malgré tout à dissimuler le tout-terrain Mercedes dans la grange avant l’aube.

 

Mais maintenant, il était là et comptait bien aller jusqu’au bout de ce qu’il considérait comme une mission divine. Il lui restait maintenant presque 13 mois pour l’ accomplir. Et tant pis pour ses hôtes cette fois : les conditions de vie seraient plus sommaires et la nourriture moins variée. Mais ils l’avaient cherché. Sans ces messages dans les bouteilles, il n’aurait pas eu à prendre la précaution de quitter sa maison. Il ignorait par contre que l’envoi du colis au détenu Chanfêlé avait permis que son portrait-robot, puis sa photo depuis son départ de Peyrus, fassent l’objet d’un appel à témoin et d’une large diffusion dans les médias.

 

Il ne l’apprit que dans la nuit de son arrivée en consultant les journaux en ligne sur son portable. Il se félicita de son empressement à quitter son domicile de Peyrus avec ses prisonniers et de l’incendie qui devait avoir effaçé toutes les traces, mais apparemment pour rien puisque tant l’assassinat de Chanfêlé que les meurtres et les enlèvements lui étaient attribués.

 

Il se demanda où il pouvait bien avoir commis une erreur et se félicita des préparatifs antérieurs dans ce chalet qui lui permettraient de passer sous les radars pendant longtemps, au moins jusqu’à la fin de son engagement à faire justice espérait-il. Il faudrait aussi qu’il surveille et cadre son cousin au maximum. Au besoin, si ce dernier devenait trop encombrant et mettait en péril ses projets, il se dit qu’il devrait peut-être l’envoyer rejoindre sa mère, car après tout, ce serait peut-être faire œuvre de miséricorde que de procéder ainsi.

 

******

 

 

Il devait être 8 heures du matin. Alicia émergea la première. Dans un demi sommeil, elle crut d’abord qu’elle rêvait. La pièce avait changé. Elle n’était plus carrée mais rectangulaire et les gros moellons de pierres avaient fait place à des parois et un plafond boisés. Les lits dans lesquels dormaient encore Pierre et Josepa se trouvaient dans le fond de la pièce, dans les deux coins, accolés aux parois. Celui d’Alicia, également disposé dans un coin, faisait face à une large porte de chêne qu’elle tenta, en vain, d’ouvrir. Une plus petite porte en pin se trouvait à environ un mètre de ce qui devait être la porte d’entrée. Elle appuya sur la poignée et la porte s’ouvrit sur un cabinet de toilettes flanqué d’une petite cabine de douche. Elle se soulagea, tira la chasse et revint dans la pièce. Elle ne distingua aucun autre mobilier que les lits aux pieds desquels trônaient 3 chaises rustiques. A droite de la porte, une fenêtre à barreaux laissait entrevoir une forêt de sapins et de mélèzes et un pan de montagne.

 

Josepa se réveilla ensuite, suivie de peu par Pierre. Alicia s’adressa à eux :

 

–       Je ne comprends rien : je me rappelle avoir mangé la soupe, le pain et le fromage lä où nous étions avant et je me réveille dans cet endroit. Vous comprenez quelque chose ? Est-ce que je rêve encore ?

 

–       Non ma chère, articula Pierre, tu ne rêves pas. Il nous a certainement drogués puis emmenés jusqu’ici. Et à voir la luminosité extérieure et l’heure qu’il est, nous avons dû voyager toute la nuit. Par contre, je ne sais pas du tout où nous sommes. A voir la végétation que j’aperçois par la fenêtre, nous sommes vraisemblablement dans les Alpes. Pour les Pyrénées, il n’aurait pas eu le temps de faire ce trajet depuis hier soir. Nous avons fini de manger vers 22 h et je me rappelle que j’ai eu très sommeil et me suis couché avant vous. Exact ?

 

–       Oui, ajouta Josepa, c’est exact et nous t’avons suivi de peu. Nous avons continué à discuter quelques instants mais nous avions toutes les deux les paupières trop lourdes pour continuer. Après, je ne me rappelle de rien. Bon, à voir ce qui nous entoure, je pourrais résumer en disant que c’est un poil plus spartiate que notre dernier hôtel. Espérons que la nourriture ne sera pas à l’image de la pièce sinon, ça risque d’être un peu frugal pour moi et je vais devoir en référer à la direction.

 

–       Je vois que tu as gardé ton sens de l’humour. C’est bon signe, répondit Pierre, parce que ce que je constate, c’est que si nous sommes ici, notre ravisseur a dû être repéré. Et ça, c’est bien pour nous à moins que cet endroit ne soit encore plus difficile à trouver que le précédent et que la pression rende ce mec encore plus cinglé et mauvais qu’il ne l’est déjà. L’idée des bouteilles a peut-être servi à quelque chose à moins qu’un autre événements ne l’ait perturbé. En plus, nous n’avons même plus la TV et il est donc impossible pour le moment de savoir ce qui se passe dans le monde extérieur et ….

 

Pierre fut interrompu par la porte qui s’ouvrait. Yann et Jean-Rodolphe apparurent côte à côte dans l’encadrure. Ils avaient les deux les traits tirés, le teint pâle et les yeux cernés par le manque de sommeil. Ils n’affichaient plus les sourires narquois ou l’indifférence bienveillante qu’ils adoptaient quand ils leur rendaient visite dans leur précédente prison. Yann tenait un fusil de chasse pointé sur les occupants de la chambre. Jean-Rodolphe soupira puis prit la parole :

 

–       Des événements imprévus m’ont contraint à déménager et à vous transférer ici. Les règles sont les mêmes qu’auparavant : vous serez nourris et je vous fournirai ce qu’il faut pour votre hygiène personnel. Votre linge sera lavé et vos détritus évacués mais vous n’aurez plus droit à d’autres contenants que les assiettes et les verres de la maison. Vos poubelles seront fouillées et il ne vaut même pas la peine de penser à faire passer ne serait-ce qu’une

bribe de message à l’extérieur. Il n’y aura plus de télévision ni de journaux. Si vous voulez lire, j’ai trois bibles à votre disposition. Quant à votre comportement ici, il ne me regarde pas : vous vous arrangerez avec l’Eternel . Vous pouvez vous entraider, vous entretuer, vous insulter et même forniquer : peu m’en chaut du moment que vous ne tentiez rien de violent contre moi ou mon cousin, dans lequel cas je me verrais obligé d’abréger votre vie sans vous donner le temps du repentir.

 

La maison est isolée et il n’y a personne à moins de 3 kilomètres, donc inutile d’appeler : personne ne vous entendra et personne ne viendra. Je vous garderai le temps qu’il faudra avant de vous permettre de rejoindre vos conjoint pour un repos éternel. Des questions ?

 

–       Est-ce qu’on pourrait enfin savoir ce qui nous vaut l’honneur de votre invitation ?

 

–       Je vois que vous savez encore plaisanter : c’est bien, votre bon moral va tous nous faciliter la tâche. Je crois qu’il est en effet venu le temps de vous rappeler votre crime.

 

Ma femme, sa sœur, ma mère, ma tante et une amie avaient décidé de partir ensemble en vacances balnéaires il y a de ça quelques années. Malgré mes réticences face à ce que je considérais comme un caprice, j’avais tenu à m’occuper des réservations. Je m’étais donc rendu dans une agence de voyage de Valence et avais choisi un vol pour Majorque. A peine arrivé à la maison, je recevais un téléphone de l’agence m’informant que les six dernières places du vol désiré venaient d’être réservées par internet, cinq minutes avant ma venue à l’agence et que cela avait échappé à l’employée chargée de la réservation. Mais ils me proposaient un autre vol, un peu plus tard dans la journée. Après avoir protesté pour la forme, j’avais accepté. Un mois plus tard, l’avion assurant la liaison Lyon-Majorque dans lequel se trouvait ma famille, s’écrasait dans la mer suite à une panne inexpliquée des deux réacteurs ou une explosion. L’enquête n’avait pas pu le prouver jusqu’à ces derniers jours où l’assassin qui avait posé la bombe a avoué son crime et payé de sa vie pour cela.

 

Vous imaginez bien la haine implacable qui s’imposait à moi, envers les passagers qui avaient pris la place de mes proches et se rendaient ainsi responsables de leur disparition.  J’ai beaucoup prié et ai enfin compris que je ne retrouverais la paix intérieure qu’après avoir identifié et châtié les coupables. J’étais investi d’une mission divine : celle de leur faire prendre conscience de leur crime et de les remettre ensuite à Dieu qui décidera s’il daigne ou non leur faire partager la vie éternelle de ma famille trop tôt disparue.

 

Je n’eus donc de cesse, et cela m’a pris plus d’un an, de retrouver les auteurs de cette forfaiture et me débrouillai pour obtenir la liste des passagers que je réussis à pirater sur le site de la compagnie aérienne à partir de la date et l’horaire du vol. Ensuite, une fois les noms des 6 derniers passagers inscrits obtenus, il me fallut encore quelques semaines pour localiser ces gens-là. Une fois les adresses obtenues, j’ai procédé pas à pas, me rendant sur place, en Valais, à Fribourg et à Chiavari, surveillant mes cibles, notant leurs faits et gestes, leurs habitudes, les filant discrètement pendant plusieurs jours à chaque étape de mon plan

 

–       Alors c’était donc nous et nos conjoints ces six passagers, vos cibles, mais nous n’avons jamais…

 

–       Taisez-vous ! Vous m’avez demandé des explications, je vous en donne mais vous n’avez pas droit à tenter de vous excuser ou de vous justifier.

 

–       Mais nous….

 

–       Taisez-vous j’ai dit, ou vous n’en saurez pas plus. OUI c’était vous !! Vous étiez les derniers, pour les dernières places, à vous enregistrer pour ce vol que voulaient prendre mes proches. Ce qui est fait est fait et je ne veux ni excuses ni explications. Vous n’aviez peut-être pas l’intention de tuer ma famille, mais vos décisions du moment l’ont fait et je vous tiens pour responsables. Si vous n’aviez pas été aussi avides et pressés d’aller vous dorer sur les plages des îles Baléares, si vous aviez attendu un peu, c’est vous qui auriez été dans le vol suivant et mon épouse et ma mère seraient toujours en vie tout comme la mère de mon pauvre cousin Yann que j’ai recueilli malgré sa faiblesse d’esprit.

 

C’est le diable qui vous a inspiré. En vous faisant payer ce que vous avez commis, c’est le malin que je combats. Je voulais vous voir souffrir autant que j’ai souffert de la perte de ma famille. C’est la raison pour laquelle je décidai de n’éliminer que vos conjoints et de vous enlever pour vous voir souffrir ce deuil aussi longtemps que moi jusqu’à votre capture, c’est à dire un peu plus de deux ans.

 

J’aurais pu vous tuer tous les six mais ma mission est de vous permettre de racheter vos fautes dans cette longue attente de la mort et de vous ouvrir ainsi les portes du salut éternel pour vous et vos conjoints. Je vous en ai d’ailleurs tous informés par ce message laissé auprès de vos compagnons et compagne et que vous n’avez même pas chercher à méditer : « Puisses-tu ainsi expier ta faute, Dieu, peut-être, te pardonnera ».

 

Maintenant, tout est dit et je vous laisse

 

 

Les trois restèrent sans voix. Oui, c’est vrai, ils avaient tous fait un voyage dans les Baléares le 14 février 2015 et avaient effectivement réservé leur vol par internet. Par contre, ils n’avaient aucun souvenir que le vol suivant se soit écrasé en mer. Ils auraient du en entendre parler alors qu’ils étaient en vacances. Malgré l’insouciance des vacances, chaque couple se tenait au courant de l’actualité. Pierre dit aux filles que ce crash lui rappelait quelque chose mais il était sûr qu’il n’avait pas eu lieu à ce moment-là. Mais il conclut en affirmant que dans l’immédiat cela importait peu puisque leur ravisseur était persuadé de ce qu’il disait et n’entrait pas en matière pour une quelconque explication de leur part. Il fallait, vraiment, qu’ils trouvent un moyen de s’échapper avant que le délai fatal n’expire. Pierre insista :

 

–       Ce type est fou à lier. Inutile d’essayer de le convaincre de quoique ce soit. Le pire c’est qu’il justifie ses actes en les faisant cautionner par une soi-disant volonté divine.

 

Josepa acquiesça et ajouta :

 

–       Ces gens-là je les connais. Entre ma famille et celle de mon mari, nous avons des racines dans les trois grandes religions monothéistes : le christianisme, l’islam et le judaïsme. J’ai même des grands-parents qui étaient des athées militants. Donc, j’ai une certaine expérience de ce que peuvent être les croyances et les idéologies. Il y a certes des aspects bienveillants des religions, rassurants, prônant l’amour du prochain, le respect de tout être humain, l’envie de donner un sens à la vie, un cadre moral à nos conduites et une espérance d’un au-delà heureux dont la définition diffère selon les religions. Il y a plein de gens très croyants qui sont pétris de bon sens, ouverts, tolérants, calmes, doux et accueillants, mais ce sont les autres qu’on entend surtout. Ceux qui ont l’esprit conquérant, missionnaire et borné, et borné au centimètre, bien plus serré que n’importe quelle route nationale !

 

Ces prêcheurs obtus sont convaincus de détenir la seule vérité et de l’utilité d’un prosélytisme actif, voire agressif. Ces gens-là voient le diable partout : dans les autres religions, chez les athées, dans la musique, l’habillement, les arts, la musique, les contes, les guérisseurs et j’en passe sans jamais réaliser que le vrai diable, c’est la capacité de l’humain à faire du mal à ses semblables. Le diable n’est pas chez les sorcières que les chrétiens ont brûlé ou chez les faiseurs de secrets ou les shamann amazoniens ou sibériens, il est dans la tête des gens ! !

 

Les discours et les prêches proférés par ces psychorigides fanatisés sont vraiment pervers, peuvent s’avérer catastrophiques et faire d’infinis dégâts dans les têtes fragiles et influençables. Les paumés, les désespérés, les solitaires et tous ceux qui ont absolument besoin d’être admis, aimés, admirés et de faire partie d’un groupe peuvent devenir des zélateurs ultra violents de n’importe quelle croyance, juste pour se faire admettre et prouver qu’ils sont de bonnes recrues.

 

Mais pour qu’ils deviennent ainsi, il faut un terrain : l’absence de sens donné à la vie, la misère et la détresse sociales ou psychologiques. Pour que les gens se fanatisent, il y a d’abord l’habileté de tous ces dangereux fêlés de la cafetière à repérer les paumés à recruter.

 

A quelque part, ce mec qui nous détient est pareil aux terroristes qui mitraillent une terrasse de café, qui décapitent ceux qu’ils considèrent comme des mécréants. Les extrémistes islamistes n’ont pas l’exclusivité de ce genre de pratique : les inquisiteurs étaient chrétiens tout comme les dictateurs Franco, Pinochet, Videla ou le tueur norvégien Breivikh. Même certains courants de pensée laïcs, comme le nationalisme, le communisme à la sauce khmers rouges ou nord coréen par exemple, ont aussi produit des individus de cet acabit : des adeptes fanatisés et cruels incapables de penser par eux-mêmes..

 

Moi je ne vois pas d’issue. Tant que le leitmotiv, le trend comme ils disent, de nos sociétés occidentales surtout, sera de chercher le bonheur uniquement en tentant de faire du fric, on ne résoudra rien.

 

Quand vous pensez que moins de 100 personnes parmi les plus riches de la planète possèdent plus que trois milliards d’êtres humains parmi les plus pauvres, comment voulez-vous que l’on n’ait pas un vivier inépuisable de désespérés, partout dans le monde, qui, plutôt que de s’indigner et d’être solidaires, sont prêts à tout pour retrouver un peu d’espoir, de sens à leur vie ou bêtement une aumône, quitte à se laisser avoir ou acheter par ces discours pervers et trompeurs, qu’ils soient religieux, racistes ou nationalistes.

 

Mais rassurez-vous, je ne veux pas faire la révolution. Mes grands-parents ont vécu l’autogestion et l’espoir libertaire en Catalogne avant la guerre civile, mais on sait comment ça a fini. Je sais aussi que la violence gratuite a malheureusement existé aussi, sans proportion avec celle des fascistes mais quand même un peu, chez ceux que je considère comme des gentils dans ce conflit. Et depuis, ce genre de situation s’est répétée des centaines de fois dans le monde. Alors, prendre les armes, non merci !

 

Et je pourrais continuer sur les système éducatif qui calibrent la réussite en fonction d’impératifs de rendement, en occultant complètement l’éducation à la créativité, à l’autonomie, à l’esprit critique, au libre arbitre et à la capacité d’adaptation dont nos enfants auront besoin pour un monde qui change tellement plus vite que l’école.

 

S‘ils sont créatifs, critiques, adaptables, ils seront aussi plus indépendants pour refuser les pièges que leur tendent tous ces intégristes et idéologues à la mords-moi-le-nœud qui sèment la haine pour soi-disant aider ces jeunes paumés à sortir de leur condition misérable, qu’on la définisse de manière économique, émotionnelle, affective ou spirituelle.

 

Moi ce que je demande, c’est juste un monde sans violence,sans haine et sans misère. Je veux juste vivre décemment, être libre et si possible heureuse. Et je suis sûre que pour la majorité des gens, c’est la même chose. Et le pire, c’est qu’avec un minimum de bienveillance, de bon sens et de solidarité ce serait possible !! Alors, des connards comme ceux dont je vous ai parlé et maintenant en premier lieu celui qui nous détient, bordel !! je voudrais simplement les voir tous disparaître !!

 

–       Ben dis-donc Josepa, je ne te connaissais pas cette passion et cette rage. Mais pour le moment, calme-toi, dit doucement Alicia. Je sais que ça fait du bien de sortir de nos gonds par moments et de vomir sa colère, mais pour  l’instant il nous faut garder la tête froide et toute notre énergie pour trouver le moyen de sortir d’ici ! N’est-ce pas docteur ?

 

–       J’approuve et je prescris à chacun de nous une dose régulière de repos, quelques doses d’humour s’il vous en reste et un énorme bol d’espoir à avaler dans l’instant avant d’aller dormir et rêver que nous sommes ailleurs ! C’est la seule et la meilleure chose que nous pouvons faire pour l’instant.

 

( à suivre au chapitre 10)

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