Pierre, Josepa et Alicia sont libres mais le ravisseur s'échappe et l'enquête n'est pas terminée...
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Luca décrocha. Il était de mauvais poil. Cela faisait cinq fois en moins d’un quart d’heure qu’il était dérangé dans sa filature d’un homme soupçonné d’extorsion de fonds dans les commerces de la région au profit d’une bande locale probablement liée à une organisation criminelle plus importante. Il répondit brusquement mais à l’écoute de son interlocuteur, son visage changea et il ne put réprimer un petit cri de joie et un soupir de soulagement.

 

L’appel venait d’un officier des carabiniers du val d’Aoste qui l’informait de la libération du dr. Michellod et de deux autres captives dont il lui donna l’identité. Luca répondit qu’il se débrouillerait pour demander le transfert du prisonnier à Gênes ou pour se déplacer lui-même à Aoste pour l’interroger mais qu’il confirmerait la chose aux carabiniers dès qu’il aurait le feu vert de sa hiérarchie.

 

Enfin il touchait au but. Enfin il allait comprendre ce qui s’était passé et pouvoir à la fois mettre un terme à leur enquête et surtout rassurer Ornella Michellod qui venait de sortir de l’hôpital et se trouvait actuellement dans une maison de convalescence dans la région d’Arenzano, sur la côte ligure au nord-ouest de Gênes. Son domicile restait sous suveillance et elle-même sous protection policière de crainte que le meurtrier ou des complices ne récidivent.

 

Il appela en premier lieu son supérieur et demanda à être remplacé pour la filature en cours.  Le suspect s’éternisait dans un café de Sestri Levante et il ne fallut pas moins de 20 minutes pour qu’un collègue prenne le relais sans que rien ne se soit passé. Il  réussit ensuite à joindre immédiatement, et c’était presque un miracle, Lucien et Hanspeter pour les mettre au courant de la bonne nouvelle.

 

Il était un peu tard pour envisager un déplacement dans la journée et Luca leur assura qu’il ferait tout pour être envoyé sur place ou alors que le prisonnier soit transféré à Gênes dès le lendemain matin. Il leur demanda s’il était possible que les juges en charge des deux meurtres et enlèvements, à Fribourg et en Valais, mandatent ses deux collègues pour l’accompagner dans ses interrogatoires du suspect qui n’allait pas tarder à devenir un prévenu.

 

Deux heures plus tard tout était réglé, avec quelques petits bémols cependant.

 

Sur demande du juge, les deux détenus seraient transférés dès le lendemain matin à Gênes où Luca pourrait, avec l’accord du commissaire Calabresi son supérieur, reprendre l’enquête et procéder à l’interrogatoire de Devantou et de son cousin. Il pourrait demander l’aide de ses collègues suisses mais que par téléphone et depuis leur territoire, pour autant que les magistrats suisses acceptent cette demande et ne veuillent pas attendre une éventuelle extradition de ce criminel vers la Suisse.

 

Il était par contre exclu de les autoriser à venir enquêter en Italie, l’Union Européenne ayant en effet rompu toute coopération avec la Suisse sur le plan juridique, économique et même culturel en l’excluant du programme Erasmus, cela, suite aux nouvelles lois helvétiques sur l’expulsion des criminels étrangers qui ne respectaient pas le droit européen en matière de droits de l’homme et de libre circulation des personnes et conséquemment aussi aux récentes mesures prises dans le domaine de l’accueil des réfugiés où la Confédération ne respectait plus  ses obligations internationales en la matière.

 

Quant aux trois témoins, précisa le juge, les carabiniers d’Aoste pouvaient très bien compléter leurs auditions quitte à ce que Luca leur précise par téléphone ou courriel de quels renseignements exacts avait-t-il besoin pour poursuivre son enquête. Il était inutile d’imposer à ces victimes le délai supplémentaire que constituerait un passage par Gênes, avant de retrouver leurs familles respectives.

 

Ce n’était pas le scénario idéal mais Luca s’en accommoda et il en informa immédiatement

ses deux collègues suisses.

 

Du côté des suisses, les juges en charge des deux dossier auraient autorisés sans problème Lucien et Hanspeter à seconder leur collègue italien, cependant, force était de constater que les récentes victoires du parti nationaliste en Suisse faisait que ce genre de coopération allait rester lettre morte tant que le peuple suisse, entubé par une propagande aussi mensongère que strictement basée sur la peur et les émotions négatives, continuerait de voter des lois qui mettaient leur pays au ban de l’Europe et d’une bonne partie du reste du monde.

 

L’un des juges, écoeuré par cette situation imposée par des politiciens irresponsables, affirma même à Hanspeter : « Dommage que nous n’ayons pas à faire au Soudan, à l’Arabie Saoudite, à la Biélorussie ou à la Corée du Nord, en matière de fermeture d’un pays sur lui-même, ils sont assez proches de nos nationalistes et auraient peut-être volontiers accepté de coopérer dans une enquête policière ».

 

Ils comptaient sur le retour éventuel en Suisse de deux des rescapées, les deux jeunes femmes, afin de les écouter en tant que témoins. Mais ils ne pouvaient en aucun cas les forcer à regagner leur pays. Et le voudraient-elles vraiment après les changements politiques intervenus pendant leur captivité ? Rien n’était moins sûr.

 

Hanspeter et Lucien ne purent que faire le poing dans la poche, attendre des nouvelles de Luca et  celui de l’éventuel retour des deux femmes.

 

Ces démarches faites, Luca appela Ornella Michellod sur son portable. Elle était en train de se promener sur les hauts d’Arenzano flanqué d’une aide-soignante de la maison de repos et suivi à distance par le policier chargé de sa protection. Le médecin l’avait obligée à accepter la présence de la soignante à ses côtés, à chaque fois qu’elle sortait, de peur qu’elle ne fasse, en raison de sa déprimante situation, un geste inconsidéré. Ornella l’avait pourtant assuré que si elle avait songé à se suicider, elle l’aurait fait tout de suite en sortant de l’hôpital et qu’en plus, il lui semblait que la présence policière suffisait. Tant qu’on ne lui apporterait pas une preuve du décès de son mari, elle garderait espoir de le retrouver et donc, une raison de vivre.

 

Mais elle fut incapable d’infléchir la décision du médecin qui restait intraitable et finalement, elle ne prit pas ombrage de cette présence, somme toute assez rassurante.

 

Alors, quand elle répondit à l’appel de Luca, la joie fut telle qu’elle fut incapable de dire un mot . Elle demanda ensuite où se trouvait exactement Pierre et si elle pouvait lui parler. Luca l’assura qu’il allait donner son numéro, qu’elle devait garder secret, aux carabiniers d’Aoste et que son mari la rappellerait certainement d’ici la fin de la journée.

 

Il s’exécuta et effectivement, moins d’une heure plus tard, Pierre la rappelait.

 

Ils avaient tellement de choses à se dire et tellement d’émotions à maîtriser que le dialogue ne fut pas vraiment possible mais se résuma à une longue suite de silences et de sanglots entrecoupés de déclarations d’amour qu’ils peinaient à articuler. Au bout d‘un moment, Ornella lui demanda où il se trouvait. Il donna l’adresse de l’hôtel dans lequel les policiers les avaient logés. Elle ajouta simplement : «  je viens ».

 

******

 

Fatigués, peu enclins à reprendre les grandes discussions qui avaient enflammé leur captivité, les trois anciens captifs profitèrent d’un moment de calme en ce premier matin de liberté pour régler des détails pratiques comme le déblocage de leurs comptes en banque et le transfert d’un minimum d’argent à Aoste afin d’assurer les aspects pratiques de leur vie actuelle en termes d’habits, d’affaires de toilette, de téléphone portable et autres objets nécessaires à la vie quotidienne.

 

Alicia et Josepa partageaient une chambre contigue à celle de Pierre. Josepa avait l’épaule bandée et devrait rester sous antibiotique et anti-douleurs pour quelques jours. Par chance, seul le muscle avit été lacéré par la balle mais aucun os n’avait été touché. La plaie avait ensuite été copieusement désinfectée, recousue et pansée. Elle était ressortie le soir-même de l’hôpital, en compagnie de Pierre et d’Alicia, accompagnés de deux carabiniers. On leur avait demandé de rester encore deux jours à disposition des forces de l’ordre, le temps de consigner leurs témoignages et de les transmettre au policier italien chargé de l’enquête, l’inspecteur Luca Sopranzi, que Pierre connaissait déjà pour avoir eu recours à son aide lors du passage en Suisse de Mamadou et sa famille, juste avant l’agression d’Ornella et son enlèvement.

 

Josepa et Alicia prirent chacune contact avec leurs familles respectives. Josepa appela ses parents à Sabadell près de Barcelone où ces derniers habitaient encore le même 4 pièces dans lequel elle avait grandi. Elle téléphona également à ses beau-parents, à Igualada, qui lui racontèrent les obsèques d’Ali auxquelles avaient assisté ses parents. Ils lui racontèrent l’émotion qui avait étreint toute l’assemblée présente, la cérémonie dirigée à la fois par un prêtre catholique et un imam, les chants en catalan, en espagnol, en français et en arabe qui avaient ému les participants. Ils demandèrent à Josepa de venir les trouver dès qu’elle le pourrait. Elle eut de la peine à retenir ses larmes mais leur promit de passer.

 

Dans la foulée elle contacta sa cheffe à l’hôpital de Fribourg, lui résuma son aventure et lui dit qu’elle redonnerait des nouvelles d’ici quinze jours. Dès que les autorités l’autoriseraient à quitter Aoste, elle prendrait le premier train en partance pour Milan et de là, le premier vol à destination de Barcelone.

 

Alicia téléphona à ses parents mais leur demanda de venir dans sa maison de Sapinhaut, d’y faire un minimum de ménage et de venir la chercher à Aoste le surlendemain. Ils lui dirent que le délai risquerait d’être court pour obtenir des visas, désormais nécessaires pour toute l’Union Européenne mais qu’il pourraient sans problème venir la chercher à la sortie du tunnel du Grand St-Bernard ou à Martigny si elle prenait le bus qui assurait la liaison quotidienne entre Aoste et cette ville sise au coude du Rhône qui portait aussi le nom romain d’Octodure. Ils choisirent cette dernière solution et se donnèrent rendez-vous deux jours plus tard à la place de Rome à Martigny, là où s’arrêtent les bus en provenance d’Aoste.

 

Pierre lui, lisait journaux sur journaux comme pour s’imbiber d’une actualité dont il avait été privé pendant près d’une année et surtout, pour l’empêcher de laisser l’impatience de revoir son épouse le submerger d’émotions incontrôlables.

 

Ornella avait tant insisté que le policier en charge de sa protection accepta finalement de contacter Luca et de lui demander l’autorisation d’accompagner Mme Michellod. Cette permission lui fut accordé sans problème et en fin de matinée, ils roulaient en direction d’Aoste qu’ils atteindraient en moins de trois heures de route.

 

******

 

Au même moment, un fourgon cellulaire sortait de la prison de Brissogne. A son bord se trouvaient Jean-Rodolphe et Yann. On leur avait enlevé les menottes et Jean-Rodolphe avait reçu une bible en français qu’il avait demandé pour la lire pendant son voyage vers Gênes. Puis les policiers avaient verrouillé la porte arrière du véhicule. Devant se trouvaient le chauffeur accompagné d’un autre représentant des forces de l’ordre. Le fourgon prit la direction d’Aoste pour rejoindre l’autoroute.

 

A l’entrée du village de Pollein, la camionnette d’un carreleur pressé, arrivant du hameau de Moulin déboucha sur la route principale sans prendre garde et entra en collision latérale avec l’arrière gauche du fourgon cellulaire. Ce dernier, sous le choc, se renversa sur le côté et  l’un des pans de la porte arrière se disloqua et s’ouvrit. Le chauffeur et son aide étaient sonnés et coincés dans l’habitacle. Yann gisait sur une paroi du fourgon, avec une plaie ouverte sur le front. Jean-Rodolphe, au moment du choc, s’était recroquevillé et accroché au banc sur lequel il était assis.

 

Sonné mais intact et conscient, il ne demanda pas son reste et s’enfuit à pied, en courant en direction du village. Il enfourcha un vélo qu’il trouva devant une maison et pédala le plus rapidement qu’il put en direction du centre ville d’Aoste, empruntant les plus petites routes qui lui semblaient prendre cette direction. Il traversa ensuite la ville en direction du nord, puis après avoir peiné dans la route en pente raide qui surplombe le chef-lieu valdotain, il abandonna sa bicyclette à l’entrée de Gignod, sur la route du Grand St Bernard, tout près de l’embranchement qui mène à la vallée de la Valpelline.

 

En pédalant, il avait réfléchi à ce qui lui semblait le plus sage dans l’immédiat. Il voulait gagner la Suisse. Il y avait ouvert un compte à la mort de sa mère. Il avait en effet hérité de cette dernière un petit domaine de vignes et un mas attenant, qu’il avait revendu un bon prix à des anglais. Il avait versé cet argent sur un compte d’une banque genevoise, en prévision de sa retraite qu’il pensait prendre sur les rives suisses du lac Léman. A l’époque, le secret bancaire suisse était encore total et l’échange automatique d’informations n’était pas encore entré dans les mœurs. Comme Jean-Rodolphe n’avait pas touché à ce compte depuis des années, il espérait que les autorités françaises n’en n’aient pas eu vent. A l’heure actuelle, le total de ses avoirs devait avoisiner les 400 000 francs.

 

Dans l’immédiat, il était sans le sou avec juste les habits qu’il portait sur lui. Passer en suisse serait le seul moyen d’assurer sa survie pendant une clandestinité qui risquait de durer. En plus, la Suisse étant depuis une année en délicatesse avec l’Union Européenne, la coopération policière devait avoir subi un coup de frein, ce qui l’arrangeait bien.

 

Le seul problème serait la frontière. Il savait que les italiens contrôlaient beaucoup plus ce qui entrait que ce qui sortait. Côté suisse, c’était l’inconnu mais il n’avait pas le choix. Il décida de faire du stop et de choisir plutôt la route du col que celle du tunnel. A cette saison, l’hospice du Grand St Bernard serait plein de touristes et il n‘aurait pas à se poser la question de participer au paiement du péage du tunnel si quelqu’un voulait bien le prendre à bord, ce qui n’était pas gagné d’avance. Il misa cependant sur son air de monsieur tout-le-monde qui lui donnerait probablement plus de chance de trouver une voiture que s’il était un jeune routard avec des dreadlocks et un énorme sac à dos.

 

Il n’eut pas à attendre longtemps : Une grosse voiture familiale, à plaques valaisannes, avec deux parents et deux enfants en âge pré-scolaires s’arrêta.

 

–       Vous allez où ?

 

–       Je vais à l’hospice du  Grand St Bernard. Je dois y rejoindre mon épouse qui s’y est rendue avec des voisins de Lausanne mais ma voiture est tombée en panne et j’ai du la laisser à Aoste jusqu’à la semaine prochaine. Je revenais d’Alessandria où j’avais un rendez-vous pour le travail.

 

–       Vous faites quoi ?

 

–       Je suis commercial pour une entreprise d’horlogerie de Genève mais j’habite Lausanne.

 

–       Allez montez derrière avec les enfants, on continuera la conversation en roulant. On s’est arrêté parce que notre fils trouvait que vous ressembliez à son grand-papa. Nous revenons d’Aoste où nous sommes allés faire quelques courses et rentrons chez nous à Martigny en passant par le col. Nous avons promis aux enfants d’aller voir les chiens à l’hospice.

 

–       Merci beaucoup !

 

–       Ne nous remerciez pas, vous êtes chargé de faire la conversation et de raconter des histoires à nos deux pingouins. Ce sera le prix de votre transport.

 

La voiture passa St-Rhémy-en-Bosses et se lança sur la route sinueuse qui mène au col. A la douane, il n’ y eut aucun contrôle. Les douaniers italiens jetèrent un coup d’œil distrait dans la voiture sans demander aucun papier. Les suisses, apercevant les plaques valaisanne et constatant la présence d’une famille, grand-papa compris, firent juste un signe de la main pour leur signifier d’avancer.

 

Arrivés à l’hospice, il les remercia et fit semblant de se mettre en quête de son épouse. En réalité, il se dirigea vers un autre parking et se mit à observer les voitures qui y étaient stationnées. Il jeta son dévolu sur deux voitures, l’une anglaise, l’autre hollandaise et attendit.

 

Au moment où les occupants de la voiture anglaise s’approchaient, il les interpela et leur expliqua qu’il était monté à pied depuis Bourg St Pierre et qu’il cherchait à redescendre vers Martigny, sa femme qui devait venir le chercher ayant eu un empêchement de dernière minute. Le couple anglais accepta volontiers à la condition qu’il prenne le volant jusqu’à la sortie du tunnel, un suisse étant certainement mieux à même de leur faire descendre cette route du col qui leur avait donné tant de sueurs froides dans la montée. Il accepta avec plaisir. Une heure plus tard, ils étaient à Martigny. Jean-Rodolphe prit congé et se dirigea vers une succursale de la banque dans laquelle il avait son compte. Il retira une grosse somme en liquide et ne laissa sur le compte que

5 000 francs, juste histoire de ne pas le fermer complètement.

 

Il se rendit ensuite à la gare où il acheta un billet de train pour Fribourg, ville qu’il connaissait relativement bien pour y avoir séjourné et réalisé ses repérages avant le meurtre d’Ali et l’enlèvement de Josepa.

 

******

 

Luca poussa un énorme juron. Il venait d’être informé de l’évasion de leur principal suspect. Son complice, un simplet semble-t-il, prénommé Yann, arriverait à Gênes en fin de journée, par hélicoptère cette fois. Il prit contact avec les carabiniers d’Aoste afin qu’ils assurent la protection des trois témoins principaux et s’assurent que les retours dans leurs foyers respectifs se feraient sous escorte policière. Il apprit aussi les intentions du Dr. Michelod de regagner Chiavari avec son épouse tandis que les deux femmes avaient annoncé leur intention de se rendre en Suisse et en Espagne.

 

La protection des époux Michelod serait organisée par lui-même dès leur arrivée. Il se chargerait de contacter son collègue valaisan pour qu’il mette en place une protection d’Alicia et les policiers catalans pour celle de Josepa, avec, dans les deux cas, la consigne de maintenir cette surveillance jusqu’à l’arrestation de Devantou. Il en profita pour informer aussi Hanspeter en lui demandant de diffuser en Suisse l’avis de recherche qu’il allait transmettre derechef à Interpol.

 

La réaction de Lucien et d’Hanspeter fut semblable à la sienne : de la rage et une déception immense contre ce coup du sort qui renvoyait l’arrestation de leur suspect repoussée à une date inconnue et laissait planer une menace contre les trois rescapés.

 

******

 

A leur grande surprise, Josepa et Alicia n’eurent aucune démarche à faire pour leur voyage de retour. Josepa fut conduite dans l’après-midi à l’aéroport de Milan en hélicoptère et accompagnée par un policier jusqu’à ce qu’elle soit assise dans un avion à destination de Barcelone. Elle reçut la consigne de ne pas se rendre seule au domicile de ses parents mais de les attendre à l’aéroport où ils viendraient la chercher en compagnie d’un policier catalan. A 20h elle arrivait chez elle, calle san Jaume, à Sabadell

 

En même temps, deux carabiniers prirent en charge Alicia qu’ils remirent à Lucien et un autre collègue valaisan venus l’attendre à la sortie du tunnel du Grand St Bernard.  N’ayant pas eu à utiliser les transports publics, elle avertit ses parents d’aller directement chez elle. A 19 h., elle arrivait dans sa maison de Sapinhaut où l’attendaient ses parents et ses beaux-parents.

 

Seul Pierre était resté encore à l’hôtel, Ornella, en route pour le rejoindre, ayant annoné son arrivée en fin de journée. Il fut demandé à Pierre d’avertir les carabiniers de l’arrivée de son épouse. Il aurait alors environ deux heures avant de repartir vers le Sud pour regagner leur domicile de Chiavari, accompagnés du policier qui escortait actuellement son épouse.

 

A 17.30 h. on frappait à la porte de la chambre. Ornella entra. Pierre fondit en larmes, de même que son épouse. Ils s’étreignirent un long moment. Après quelques minutes à rester immobiles, enlaçés, pleurant chacun en silence, Ornella referma du pied la porte de la chambre et lui dit en l’embrassant :

 

–       Tout de suite, ici, maintenant. Après on parlera…

 

Pierre n’eut que le temps de murmurer « Ti voglio tanto bene… » avant d’enlever fébrilement les vêtements de son épouse et de se défaire maladroitement de son pantalon. Il couvrait sa femme de baisers et s’agenouilla devant elle mais celle-ci le redressa en lui disant :

 

–       Je t’ai dit maintenant ! Pour les préliminaires et les amuses-bouches, on a toute la vie devant nous, mais là, caro, je veux le plat principal !

 

Joignant le geste à la parole elle empoigna son membre dressé et le guida en elle, appuyée contre la porte de la chambre. Ils firent ainsi l’amour pour la première fois depuis des mois, debout, comme s’ils voulaient rattraper le temps perdu et exorciser la mort et la perte ressentie de l’autre qui avait empoisonné leurs vie jusqu’à aujourd’hui. Pierre ensuite, murmura :

 

–       Je dois t’avouer quelque chose amore mio…

 

–       Tais-toi- je sais ce que tu vas me dire. Je sais que tu n’étais pas seul à être prisonnier de ce malade. J’ai entendu parler de ces deux femmes et j’imagine le calvaire qu’elles ont du subir, tout comme toi, au cours de ces derniers mois. J’ai été jalouse, même beaucoup, de te savoir enfermé avec elles, c’est normal. Mais je sais que tu m’as cru morte. Je sais aussi que, quoique tu aies fait pour te sentir vivant dans cette situation, je l’aurais fait également. Alors tais-toi ! Tout ce qui compte c’est que tu sois là maintenant, que tu ne sois pas mort, moi non plus, que nous sommes ensemble et allons le rester ! Le reste je m’en fous !

 

Pierre ressentit un immense soulagement. C’est un peu comme si Ornella lui ôtait, en quelques mots, ce poids énorme, cette boule au creux de son ventre, cette culpabilité qui le rongeait depuis qu’il avait appris qu’elle avait survécu.

 

Ils se rhabillèrent, descendirent au bar boire un verre et appeler les carabiniers pour les informer qu’ils étaient prêts à prendre le chemin de Chiavari. A 23 heures, ils ouvraient la porte de leur maison. Luca les attendait à l’intérieur, les salua, leur présenta les deux policiers qui resteraient en faction devant leur domicile et leur donna rendez-vous pour le lendemain afin de s’entretenir avec eux un instant, juste avant de tenter d’interroger le cousin du meurtrier.

 

( à suivre au chapitre 12 )

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