Nouvelle écrite sur le thème “Entre terre et sel”. Les limbes : un monde parcouru d’ombres. Et si nous étions ces ombres ?
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Dans un lieu qui n’existe que dans les anciens mythes et légendes de notre pays, il y a un hameau qui oscille entre le jour et la nuit. Entre rêve et espoir.

Baigné entre la poussière de la terre et le sel de la mer, où le temps n’a aucune emprise, ses habitants sont autant d’ombres fugaces, qu’évanescentes, parcourant ses ruelles à l’image d’un village ordinaire.

Inconscientes de leur irréalité, scellées éternellement dans ce tombeau, elles mènent leurs existences enchaînées à un rêve sans fin. Oubliées de Dieu, elles attendent, entre rêve et espoir, goûtant l’amertume d’une éternité d’errance.

Jusqu’à ce que, quelque part au-delà des limbes, au détour d’une clairière, vient un promeneur.

Il a le regard de celui qui, consterné par la beauté de la nature, des paysages luxuriants, est absorbé dans une contemplation hébétée. Il ne sait si ce qu’il voit est réel ou le fruit de son imagination.

Son pas, suspendu entre deux espace-temps, est subitement attiré par un chant envoûtant.

Le pied se pose. Délicatement. La frontière est franchie. Et soudain, apparaît l’irréel, escorté par sa litanie enivrante.

Les notes sont troublantes, douce mélopée de tremolos vibrants qui hypnotise l’égaré. C’est un appel venu d’un monde imperceptible, inaccessible, mais pourtant si attirant.

Suspendu dans l’air, le paysage s’évanouit et dessine les contours d’un ancien village.

Le voyageur y entrevoit une vie foisonnante, passionnante, que son monde a occulté. Il s’éprend de cette ferveur, s’éprend du temps inexistant, de l’absence de contrainte.

Et tel Ulysse, il répond à l’appel des sirènes, se défait de ses chaînes et rejoint les promesses de béatitude. Il rit, chante et danse au rythme des ombres qui, maintenant, sont silhouettes, robes et corps.

Il découvre dans ce monde chimérique une chair tendre, des fruits goûteux et un amour intense, charnel. Le promeneur en oublie ses rêves, jusqu’à sa propre matérialité, pris dans l’écheveau d’une réalité abstraite.

Mais les ombres, elles, n’ont pas oublié.

La prison d’éternité où elles sont cloisonnées est là pour leur rappeler qu’un sort ne peut être conjuré que par le sacrifice d’un être vivant. Pour qu’à nouveau, Dieu daigne poser son regard bienveillant sur elles.

Dans un murmure qui s’étoffe entre leurs rangs, les formes reprennent leurs apparences inquiétantes et font, à la surprise de l’innocent égaré, jaillir son sang dans un flot torrentiel sur l’autel des libations.

Libérées de leurs chaînes, les présences redeviennent corps de chair et laissent derrière elles le voyageur qui, après une éternité à errer dans les limbes, s’éveille dans un village éphémère, entre la terre et le ciel.

Entre rêve et espoir.

FIN