Créé le: 02.12.2017
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L’espoir fait vivre

Amour

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Il marchait de son pas hésitant, rouillé, les yeux tendus vers l’avant, vers l’avenir. Peu à peu, son corps s’était flétri, il était pâlot, chauve et plus petit. Mais il marchait. Toujours. Chaque matin, il allait retrouver celle qu’il aimait.
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L’espoir fait vivre – 1

Il marchait de son pas hésitant, rouillé, les yeux tendus vers l’avant, vers l’avenir.

Peu à peu, son corps s’était flétri, il était pâlot, chauve et plus petit.

Mais il marchait. Toujours. Chaque matin, il allait retrouver celle qu’il aimait.

 

Il l’aimait sans espoir. Elle l’avait fulminé d’une seule phrase, un demi-siècle plus tôt,

Quand, avec un sourire triste, elle avait annoncé : « Dans ce cas, j’épouserai André ».

Elle croyait mettre ainsi un terme à leur amour. Illusion naïve dont elle avait besoin.

 

De loin, il l’avait vue en robe de mariée, largement évasée, au sortir de l’église.

Il n’avait pas parlé. Il était atterré en ce jour de liesse, fuyant son regard, fuyant sa grossesse.

Il l’avait vue ensuite, au bras de son mari, lui sec et elle s’arrondissant,

Froidement impeccables sur le chemin de la messe.

 

Le souvenir de son amour pour sa peau blanche satinée de caresses,

Pour ses tétons dressés qu’il avait tant léchés, pour ses courbes généreuses,

S’incarnat finalement en un bébé braillard.

Son fils.

 

L’espoir fait vivre – 2

Il les avait vus au sortir de la maternité, les avait suivis dans leurs promenades classiques.

Il avait vu sur son visage, dans ses yeux adorés, l’amour qui à lui n’était plus destiné.

Elle l’avait entièrement reporté sur ce bambin joufflu,

Qui riait aux éclats quand il volait au ciel non sans avoir botté la croupe de sa mère.

Il n’avait rien dit, se fondant dans le parc, adorant cette femme qui lui avait tout donné,

Tout repris.

 

Tant d’années suivirent. L’enfant grandissait, droit comme un if.

Il était heureux qu’elle n’en ait point eu d’autres.

Il pouvait ainsi se savoir unique, le seul capable d’aimer assez cette femme,

De pénétrer son âme assez profondément pour y créer la vie.

 

De loin il vit l’enfant devenir écolier, collégien, étudiant en médecine, riant au bras des filles.

Puis il se maria, partit pour la grande ville, revenant plus rarement.

Et il vit cette femme perdre de son dynamisme, son pas élastique devenir plus pesant.

Ses épaules s’affaissèrent, ses commissures aussi.

Lui-même claudiquait en la suivant de loin.

Jamais il ne parla, ne croisa son regard.

Jamais.

 

L’espoir fait vivre – fin.

Et pourtant, l’espoir l’habitait.

Un jour, peut-être, la place serait libre.

Alors il parlerait.

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