Créé le: 05.07.2021
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Les péteurs

Billet d'humeur, Correspondance

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© 2021-2024 Hervé Mosquit

Chapitre 1

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je n'ai pas vraiment d'ennemi. Mais finalement, j'en ai trouvé un, polymorphe, envahissant, asphyxiant parfois, et que faute de mieux, j'ai surnommé "péteur"....
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Lettre aux péteurs

 

Le mot ennemi ne me plaît pas. Il trimballe de la haine et j’abhorre la haine qui a toujours été le principal obstacle à l’aspiration universelle de l’être humain : vivre en paix, dignement et heureux. C’est un peu comme le mot cercueil qui véhicule de la tristesse. Mais ce dernier, intrinsèquement, contient pour nous tous l’obligation d’y avoir recours un jour, ce qui n’est pas le cas de l’ennemi.

 

Le mot ennemi déclenche chez moi des fulgurances dramatiques et désolantes. Je l’associe presque toujours au mot victime. Je vois apparaître des maisons bombardées parsemées de corps mutilés et enchevêtrés dans les gravats, les dépouilles de soldats ou de civils fauchés par une mitrailleuse ou un sniper. Je pense à tous ceux qui sont victimes des guerres entre nations, des soi-disant guerres saintes, des rivalités familiales ou claniques, de la violence crapuleuse ou domestique et enfin des caprices coupables des dictateurs. La tyrannie et l’obscurantisme, soit dit en passant, ne sont pas à proprement parler des ennemis, mais juste de dangereux prédateurs qu’il convient d’éradiquer.

 

Personnellement, je n’ai pas d’ennemi, pas à ce que je sache… Je suis parfois mon propre ennemi quand mon impatience ou mes angoisses quant à la sécurité de mes proches prennent le dessus sur cette joie de vivre sans faille qui d’habitude règne sur ma vie. Je ne peux tout de même pas m’écrire à moi-même sans tomber dans ce narcissisme qui souvent chez les autres m’horripile.

 

A qui vais-je donc adresser cette bafouille ?

 

A bien réfléchir, j’ai peut-être un ennemi qui paradoxalement justifie et anime mes révoltes, mes colères, ma lassitude et parfois même ma bonne humeur quand ne subsiste que la possibilité d’en rire. C’est un ennemi polymorphe constitué de tous les fâcheux, les nuisibles, les quérulents, les violents, les prêcheurs de haine, les simples emmerdeurs et autres empêcheurs de vivre.

 

Je déteste généraliser. Cela doit probablement être un fruit de l’éducation à l’ouverture et à la tolérance que nous ont dispensée nos parents. Ces derniers m’ont toujours mis en garde contre toute généralisation à l’égard de n’importe quel groupe humain, qu’il s’agisse de nationalité, de couleur de peau, de religion de catégorie professionnelle, ou même de la  place dans la pyramide des âges. Il y a de tout partout dans le monde, du meilleur au pire et dans les mêmes proportions, me disaient-ils.

 

C’est donc par commodité, chers ennemis, que je m’adresserai à vous collectivement. Comme vous empuantissez mon environnement et celui de bon nombre de mes semblables, je vous désignerai à sous le terme générique de péteurs, en vous adressant cette supplique. Pourriez-vous, s’il vous plaît, mettre un terme aux incommodantes émanations dont je vous énumère, derechef et ci-dessous la liste.

 

Les flatulences xénophobes nauséabondes qui font de la peur de l’autre, de l’étranger, un fond de commerce politique en attisant la haine, en flattant les bas instincts, en accroissant l’ignorance et en oubliant que l’on peut être un bon citoyen, un honnête homme, quelles que soient notre origine, notre couleur de peau, nos croyances et, surtout, sans souscrire à ce délire haineux dont l’origine se trouve dans le mariage pervers de la méchanceté et de l’ignorance.

 

Les pets jaloux, mesquins et médisants qui torpillent la convivialité des communautés, alimentent la méchanceté, exacerbent l’acrimonie et l’amertume et dont les relents malodorants faits de ragots et de calomnies empestent et perturbent toute relation de bon voisinage.

 

Les vesses en rafales que lâchent les complotistes, les coronasceptiques, les amoureux des armes et chatouilleux de la gâchette ou autres gourous malfaisants pour qui le concept de liberté se limite au seul refus de la solidarité et de l’entraide. Ces gens-là ont une vision des  libertés et de la démocratie tronquée par leurs egos en formes de montgolfière qui ne leur permet pas de voir, au-delà de leur nombril, leurs semblables, leurs frères humains.

 

Les pets religieux au goût de croisade et de jihad des dogmatiques et fanatiques de tous poils qui troquent le Dieu d’amour de leurs religions contre un sectarisme borné, dévastateur et assassin. Ces saintes flatulences asphyxient le bon sens, le libre arbitre et tout simplement le respect d’autrui.

 

Les prouts pointus des pseudos élites qui, dans tous les domaines, pensent détenir l’exclusivité du bon goût culturel, du bon comportement social, de la bonne gouvernance, de l’éducation la plus adéquate, du meilleur comportement sportif, de la plus belle écriture et j’en passe. Affectés d’un ego aux formes de citrouille géante ces prétentieux à l’esprit étriqué ne jugent leurs prochains qu’à l’aune unique de leur petite lorgnette déformante personnelle.

 

Les flatuosités pétaradantes des prédateurs du bitume qui compensent dans la vitesse et la conduite risquée ce qui leur manque dans la tête, le cœur et la culotte. Ils pètent haut et fort leur droit de polluer et de risquer de tuer sans vergogne les autres usagers de la route.

 

Bref, on pourrait allonger à l’envi cette liste de nuisances que vous exhalez et répandez pour nous pourrir la vie.

 

Cependant, pour ne pas laisser filer la conclusion comme un pet sur une toile cirée, je dirais que le pet, le vrai cette fois, ne pourra jamais être interdit même en public et que je ne peux donc vous priver, chacun autant que vous êtes, de l’émission, souvent involontaire, de ce petit gaz libérateur. Le pet, le vrai, finalement, a aussi du bon : il soulage ceux qui le produisent ; il peut faire s’écrouler de rire une classe d’élèves, une assemblée de paroissiens ou un meeting électoral ; il pue, certes, mais cela passe si l’on s’en éloigne.

 

Par conséquent, je vous demande instamment de vous en tenir, exclusivement et désormais, à cet appel physiologique de votre panse et à renoncer à toutes les flatulences nocives citées plus haut

 

Si vous n’y parvenez pas et tentez de continuer à asphyxier vos semblables, j’essaierai de me dire : laissons-les péter dans l’azur, rions-en quand c’est possible et éloignons-nous quand vraiment ça pue trop. Gageons que si la majorité des êtres humains adoptent cette attitude, vos puanteurs malfaisantes deviendront aussi insignifiantes qu’un tout petit vent de rien du tout. Et le Monde, chers ennemis, malgré votre véhémence désormais inutile, s’en portera mieux…

 

 

Commentaires (10)

Chantal Girard
09.10.2021

Oh mais que j'ai aimé votre texte ! Un pur bonheur. Vous m'avez vraiment fait rire (mais était-ce votre intention ?) malgré les propos très sérieux qui visaient à blâmer - à juste titre - vos "péteurs-ennemis" qui, entre nous soi dit, sont aussi les miens. Il n'y a rien à ajouter que : Bravo !

Hervé Mosquit
09.10.2021

Merci Chantal ! et tant mieux si je vous fait rire, le rire est tellement important et bienfaiteur: A rrive le temps de l’espoir I nvente-toi des envies, M onte au bistrot de la Vie E t veille à la bien boire ! R ares sont les rires vrais : I ls filent l’amour et la paix R eviennent nous amuser, E t laissent l’ennui épuisé

Eloïz
30.09.2021

Félicitation Hervé pour ce texte bien senti ;-) Eloïse

Es

Escape
19.09.2021

Nos deux textes ont quelque chose de similaire cher Hervé :-)

Thomas Poussard
12.08.2021

Je ne dirai qu'une chose : c'est bien senti !

Hervé Mosquit
14.08.2021

Merci pour le commentaire même si ces mots bien sentis risquent de ne pas être en odeur de sainteté auprès de certains

Naëlle Markham
06.07.2021

Ne vous inquiétez, vous avez atteint votre but, quand je parlais de "déjantée" c'est justement parce que justement je souriais tant et plus...

Hervé Mosquit
07.07.2021

Déjanté ne me gêne pas....pas de souci...

Naëlle Markham
06.07.2021

J'adore cette peinture au vitriol et déjantée.

Hervé Mosquit
06.07.2021

Merci ! Même si mon intention était plus de déclencher des sourires que de de répandre du vitriol, j'apprécie que ma bafouille vous ait plue.

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