Créé le: 28.09.2019
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Le trésor de Puma Inti
Parvenir à prouver que certains faits de notre histoire lointaine ont le pouvoir de déclencher le chaos dans notre actualité, c’est résoudre la métaphore souvent rebattue :« Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » Dans l’état second où je suis plongé, y parviendrai-je ?
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La nuit dernière, j’étais ravi dans un rêve magnifique : je marche dans les rues de Cusco, en compagnie de mes amis. Le soleil brille, illuminant les robes multicolores des belles jeunes filles qui rient sur notre passage. Un groupe de musiciens jouent sur la Quêna et la flûte de Pan une belle mélodie andine rythmée par les guitares et les tambourins. Une grande fierté mêlée de joie m’envahit, jusqu’au moment où le son augmente soudainement, se déforme en un galimatias de notes indistinctes. La douleur d’une piqûre dans mon bras gauche me force à ouvrir les yeux. Je croise le regard un peu trouble de l’infirmière brune, penchée vers mon lit. Le son monte encore d’un cran, en me labourant les tympans. Les yeux de la femme s’injectent de sang, gonflent démesurément, jaillissent de leurs orbites, désormais vides. Je m’entends hurler, sans être certain que ces sons lugubres sortent réellement de ma bouche. Je me vois de l’extérieur de moi-même, comme si je n’étais qu’un squelette. Seuls, l’arrière de mon crâne et les os de mes talons reposent sur le lit. Ma colonne vertébrale est arquée, formant une voûte macabre de toutes mes vertèbres, tandis que les os de mes bras s’agitent pour tenter d’arracher la perfusion qui égrène goutte à goutte son poison violet. Sans savoir comment, je me retrouve prostré, attaché sur ce fauteuil, l’ordinateur sur les genoux, en train de vous raconter cette horrible nuit. Mes doigts courent sur le clavier, je voudrais les empêcher d’écrire, mais les touches de plastique sont les plus fortes, j’entends leur cliquetis obsédant dans mes oreilles, tandis que les lettres défilent sur l’écran de plus en plus vite…
Et c’est chaque matin le même scénario, je soupçonne ces deux tablettes qu’on me fait avaler au lever et dont les deux infirmières viennent chacune à leur tour vérifier les effets.
La blonde plantureuse arrive toujours vers les dix heures et s’en va, dès qu’elle a vu que j’étais assis à ma table en train d’écrire. Ne subsiste de cette visite qu’une légère trace de son parfum. Pour la brune fluette qui passe plus tard, c’est un peu différent. Dès qu’elle entre, mes phrases sont toutes imprégnées de sa présence discrète, mais plus encore de son souffle léger sur ma nuque lorsqu’elle se penche vers l’écran. Aucune des deux ne prononce jamais un mot, ni ne pose de question. Qu’est-ce qu’elles ont à me regarder comme si j’étais un extraterrestre ?
J’ai bien de la peine à me souvenir de ce que j’ai écrit d’un jour sur l’autre. Qui le lit ? Vous, peut-être, qui m’avez tant vanté les mérites du fameux médicament, derrière vos lunettes de psychiatre, vous m’avez regardé en prononçant d’un ton très professionnel :
“Vous verrez, ça va vous soulager. Vous l’avalez et vous vous mettez à votre clavier. Le reste se fait tout seul, pas besoin de vous forcer à faire des phrases, écrivez comme ça vient.
– Si je comprends bien, ça agit comme une sorte de sérum de vérité ?
– Si vous voulez…Bon, on commence dès ce soir et soyez sérieux avec la posologie, hein ?
– Oui, oui, vous pouvez compter sur moi.”
Depuis je ne sais combien de jours, je fais ce que vous avez dit, sans même prendre le temps de visiter le parc qui s’étend devant ma fenêtre. J’hésite d’ailleurs à y pénétrer, à cause des géants qui surveillent tout. Je ressens plein d’effets bizarres : engourdissements, images fantômes et ce tam-tam qui cogne dans ma poitrine, dès que le cliquetis des touches s’arrête.
Souvent, un des géants se tient face à moi, il fait entendre un souffle plaintif qui me glace le sang. J’aimerais qu’il fiche le camp, mais il insiste à entrer. La fenêtre n’est pas bien fermée, il va pouvoir venir comme hier s’asseoir sur le rebord de mon lit, sauf qu’aujourd’hui, il est seul. Sur le mur, les mots qu’il prononce s’écrivent un à un dans une langue inconnue, qu’est-ce que je dois comprendre ? Pour l’instant, une voix répète dans ma tête : tu délires, tu délires. C’est peut-être vrai…
Il y avait plusieurs familles réunies autour du prêtre. Il vociférait avec rage en contemplant le temple de Puma Inti et le palais du prince Sinchi Puma en proie aux flammes :
“La vengeance de notre grand dieu…s’accomplira par vos mains…faites-leur ce qu’ils nous ont fait.”
Tous gardaient la tête baissée, sans oser répondre. Certains parmi les plus jeunes tremblaient à l’idée de se voir désignés comme sacrifice au dieu d’or. Et le prêtre ne décolérait pas, hurlant de plus en plus fort. Finalement, il fit sortir tout le monde non sans avoir menacé une dernière fois : “Ne vous avisez pas de trahir mon ordre, il y va de votre propre vie.”
Tous se dispersèrent pour se mettre à l’abri. Au loin, les flammes montaient maintenant très haut sur l’horizon. La scène et les paroles proférées ce soir-là restèrent gravées si profondément dans les mémoires que personne ne parvint à les oublier et se fit un devoir de les transmettre à ses descendants.
Clic-clac, boum-boum, je sais que vous ne vous attendiez pas à ce que cette histoire ressorte de mes écrits spontanés. Ou peut-être qu’au contraire, vous avez tout fait pour me plonger dans des états qui me rendent vulnérable. L’idée me vient qu’il a disparu dans l’aventure, qu’on me l’a subtilisé durant mes longues heures de sommeil comateux.
Je me traîne jusqu’à l’armoire où j’ai mon sac de voyage avec un double-fond dans lequel je l’ai caché. Mais qu’est-ce que je raconte ? c’est votre médicament qui me fait écrire des bêtises, aucun secret caché nulle part, juré craché !
Des jours, des nuits, à défoncer ce clavier ? Je ne sais plus trop ce que je vous ai avoué à-travers ces pages, tellement je me sens au bord du précipice, attiré par le vide, une sensation de vertige me courant tout au long du dos. M’enfuir me tente de plus en plus, mais les bras géants qui s’agitent dans le parc m’enlèvent tout espoir de le faire réellement. Réalité, fiction, de quoi puis-je être sûr ? De quel droit ? en vertu de quel pouvoir ? au nom de quelle prétendue justice ? pourquoi me gardez-vous prisonnier dans cette chambre ? qu’attendez-vous encore de moi ? Je n’ai plus rien à dire, sauf : cessez de me torturer, arrêtez de me pousser vers la folie.
Je m’inquiète beaucoup au-sujet de cet arbre qui vient s’asseoir chaque jour tout près de moi ? Ne serait-il pas une sorte de “chamane” qui cherche par tous les moyens à me tirer les vers du nez, au-sujet du khipu : à quoi il sert, en quelle matière il est fabriqué, qui en possède ? Et ce thé fortement mentholé qu’il me force à avaler, ne serait-ce pas de l’Ayahuasca d’Amazonie ? En tant que psychiatre, vous devriez savoir que ce mélange de plantes hallucinogènes est super dangereux. On prête à cette drogue le pouvoir de manipuler les personnes qui en absorbent, en renforçant leur subjectivité. Cet inquiétant fantôme compte-t-il sur ce breuvage pour m’arracher les informations que vous désirez tant ? Peut-être que ça fonctionnera, peut-être pas. Le risque est grand de me voir délirer encore plus et qui sait ce qui pourrait sortir du chapeau : un lapin, un coucou, une lampe frontale ? Dites à votre arbre de cesser de me crier dessus, c’est insupportable !
“Le khipu, où est le khipu ? Quoi, qu’est-ce que vous avez à hurler ainsi, à propos de ce …khipu. Le seul que j’aie jamais vu se trouve dans la vitrine d’un musée de Genève. Quel musée ? Je n’en sais rien moi, cherchez vous-même et libérez-moi. Si je sais pourquoi il est dans ce musée ? Peut-être qu’il a été trouvé quelque part en Amérique du Sud. Si on en trouve beaucoup là-bas ? On en trouve, mais pas beaucoup. A quoi ça peut bien servir ? Dans les temps anciens, bande d’ignares, on s’en servait pour distribuer les tâches, comme ça tous les gens participaient à la communauté. Quoi, et aujourd’hui ? Vous savez bien que tout a été rasé : l’empire, les traditions, les temples, tout. Si je suis catholique ? La religion, c’est privé, non ? Ne gueulez pas aussi fort, vous allez finir par me crever les tympans, espèce de brute. Je suis agnostique, ça vous va ? Quel rapport avec le khipu ?
C’est pénible, je porterai plainte, ça vous pouvez en être sûr. Après m’avoir infligé tant de douleurs, expliquez-moi pourquoi vous vous intéressez tant à cet objet. Que je sache, la civilisation européenne n’a jamais utilisé ce genre d’organisation. Mes ancêtres, oui. Disons que chaque noeud, chaque nombre de noeuds, chaque couleur de cordelettes, chaque matière utilisée, tout avait un sens. Très souvent, le khipu informait les gens de la communauté sur le travail à accomplir, les marchandises produites et même quelques faits historiques. L’objet offrait tellement de possibilités qu’on les étudie encore aujourd’hui, pour tenter de décrypter ce qui pourrait bien être une véritable écriture. Mais maintenant, cela n’a plus de sens et, puisque cet empire n’existe plus, ne vous donnez pas tant de mal pour ce machin. Vous perdez votre temps, à mon humble avis.
Voilà l’infirmière blonde qui entre sans frapper, jette un oeil distrait et ressort sans une parole. Je garde en tête l’adage qui prévient : “Méfiez-vous des blondes.” Je préfère la brune, elle s’approche depuis quelque temps, comme si je lui faisais moins peur. J’attends son arrivée avec un brin d’impatience, bizarre. Elle m’a demandé une fois si je voulais qu’elle m’accompagne dans le parc, histoire de prendre l’air. J’en avais bien envie, mais j’ai refusé. Cette petite brune n’est pas de taille à affronter les gardiens. Elle ressemble aux jeunes filles de ma famille éloignée du Pérou, ses longs cheveux attachés en chignon, ses sourcils bien dessinés, un sourire éclatant, aucun bijou à son cou, ni à ses poignets, ni à ses doigts. Avec elle, je ne fais pas de chichi, j’avale les pilules qu’elle me tend avec un sourire encourageant : “Allez, l’écrivain, il faut prendre vos vitamines, sinon page blanche.” J’ai un petit faible pour elle, alors je prends le traitement.
Vous admettrez que je vous ai déjà appris bien des choses. Mais celui qui a le mieux raconté, devinez qui c’est ? Non, vous ne voyez pas ? C’est Victor Hugo, bien sûr. Il raconte l’histoire de Momotombo, un volcan qui refuse le baptême que les catholiques voulaient imposer aux volcans, parce qu’ils trouvaient que les tremblements de terre étaient trop fréquents dans leurs jeunes colonies d’Amérique du Sud. Mais le volcan s’insurge, en comparant l’ancienne religion inca, toute de violence et de sacrifices humains, avec la nouvelle religion inquisitrice. Il conclut :
J’étais content ; j’avais horreur de l’ancien prêtre ;
Mais, quand j’ai vu comment travaille le nouveau,
Quand j’ai vu flamboyer, ciel ! juste à mon niveau!
Cette torche lugubre, âpre, jamais éteinte,
Sombre, que vous nommez l’Inquisition sainte,
Quand j’ai pu voir comment Torquemada s’y prend
Pour dissiper la nuit du sauvage ignorant,
Comment il civilise, et de quelle manière
Le saint office enseigne et fait de la lumière,
Quand j’ai vu dans Lima d’affreux géants d’osier,
Pleins d’enfants, pétiller sur un large brasier,
Et le feu dévorer la vie, et les fumées
Se tordre sur les seins des femmes allumées,
Quand je me suis senti parfois presque étouffé
Par l’âcre odeur qui sort de votre autodafé,
Moi qui ne brûlais rien que l’ombre en ma fournaise,
J’ai pensé que j’avais eu tort d’être bien aise ;
J’ai regardé de près le dieu de l’étranger,
Et j’ai dit : Ce n’est pas la peine de changer.
Ce cher Victor était très bien informé, il a su en tirer parti de manière brillante. Quand vous songez à son oeuvre, vous saluez le talent, l’imagination, le drame, les personnages. Mais ce qui est moins connu, ce sont les informations de première main obtenues d’une de ses employées de maison, originaire du Pérou. Un jour, alors qu’elle apportait à son patron son thé préféré, elle le vit penché sur son écritoire, en proie au doute et à la procrastination. Elle se permit une remarque, du genre :
“Pas facile de pondre des histoires, monsieur Hugo, parfois on sèche, comme vous dites!
Il leva la tête, surpris qu’on vienne le tirer de sa perplexité :
– Qu’est-ce que vous y connaissez, Maria Conchita ? J’aimerais vous y voir.
– Mais, monsieur Hugo, j’en connais des histoires, moi aussi. Ma mère en avait toujours une à nous raconter.
– Comme des contes pour les gosses, alors.
– Non, pas tout à fait, je peux vous en raconter une, si vous voulez, ça s’appelle la vengeance du khipu.
– Une divinité de vos ancêtres ?
– Non, un instrument pour distribuer le travail dans l’ancien empire inca.
– Ah! Et qu’est-ce que c’était que cette histoire de vengeance ?
– Alors que les conquistadores espagnols étaient en train de soumettre le pays, un de nos prêtres qui servait Inti, notre dieu soleil, a confié à plusieurs familles la mission de venger les exactions commises par les envahisseurs. Ce khipu particulier servait d’ordre de mission, parce qu’il indiquait des dates auxquelles les vengeances devaient être exercées tout au long des siècles. Et ces familles se sont toutes enfuies, pour se répandre un peu partout dans le monde.
– Et en quoi consistait ces vengeances ?
– “Faire comme ils nous ont fait”, avait dit le prêtre inca, en voyant brûler le temple d’Inti.
– Brûler des cathédrales, des églises ? c’était ça la vengeance ?
– Oui, et ma mère assurait que, même si ça ressemblait à une histoire inventée, parmi les descendants de ces familles, plusieurs avaient vraiment passé à l’action, tout au long des siècles.
– Ah! bon ? elle citait des exemples ?
– Non, non, elle n’allait pas jusque-là. Elle finissait toujours son histoire de la même manière. Elle mettait un index sur sa bouche et disait : mais chut, c’est secret. Nous, les gosses, répétions aussitôt : chut, c’est secret.”
– Si je te suis bien et, en admettant que cela ne soit pas une légende, quelqu’un pourrait avoir reçu, il y a plusieurs siècles, la mission de mettre le feu à une cathédrale française, Notre Dame de Paris, par exemple.
– Ça, je n’en sais rien. Personne n’a jamais vu de khipu dans ma famille. Vous ne le direz à personne, Monsieur Hugo, je vous en prie.
– Promis, Maria Conchita, chut, c’est secret !”
Elle repartit vers son ouvrage et son patron vers son écritoire qu’il ne quitta plus jusqu’à la nuit, écrivant la nouvelle histoire qui lui était venue en écoutant son employée.
Bien sûr, vous pouvez aussi penser que vos médicaments me font délirer et qu’il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce que j’écris. Mais de très nombreux incendies, qui restent inexpliqués, ont frappé des cathédrales tout au long des siècles jusqu’à nos jours. En voici une petite liste non exhaustive :
1533 – Cathédrale Notre-Dame d’Anvers (Belgique)
1596 – Cathédrale de Cadix (Espagne)
1759 – Cathédrale de Strasbourg (France)
1823 – Basilique St-Paul-hors-les-Murs, à Rome (Italie)
1836 – Cathédrale de Chartres (France)
1844 – Cathédrale d’Arequipa (Pérou)
1863 – Cathédrale de la Compania de Santiago (Chili)
1877 – Cathédrale de Metz (France)
1922 – Basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec (Canada)
1930 – Cathédrale de Puno (Pérou)
1972 – Cathédrale de Nantes (France)
1997 – Cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin (Italie)
2016 – Cathédrale Saint-Sava de New-York (USA)
Devant cette longue série, vous vous demandez à coup sûr comment les incendiaires s’y sont pris pour bouter le feu à tant d’édifices, sans que cela puisse être clairement expliqué. Je ne voudrais pas me vanter, mais poussé par votre pharmacopée, je me résigne à vous expliquer la méthode. Pour commencer, on fait macérer un mélange très secret de différentes plantes. On obtient ainsi un gel extrêmement inflammable qui, en plus d’être inodore et incolore, a la particularité d’attirer les araignées. Lorsqu’elles en absorbent, tout leur organisme en est infecté, pareil pour les toiles qu’elles tissent, idem pour les oeufs qu’elles pondent. Toute la chaîne devient sensible à la moindre étincelle. Il suffit donc de déposer la mixture dans des endroits inaccessibles, ce qui ne manque pas dans des édifices anciens, comme les cathédrales et les églises.
Comment se fera l’étincelle ? parfois volontairement, à l’aide de pierres ou de briquet, mais le plus souvent fortuitement : un mégot mal éteint, la flamme d’un réchaud, un feu d’artifice, des installations électriques défectueuses, ou une étincelle jaillissant d’un outil ou d’une machine utilisée sur le chantier. L’un ou l’autre de ces éléments finira par déclencher le feu et ce, d’une manière quasi insoupçonnable.
Sachant cela, vous imaginez aisément que, si des architectes décident d’installer un gigantesque échafaudage métallique autour d’un édifice religieux réputé mondialement, ils prennent le risque d’ouvrir toute grande la porte à la plus magnifique vengeance du siècle.
Dans le bref moment de lucidité dont je jouis à l’instant, je m’aperçois que vous ne jouez pas vraiment le jeu. En effet, malgré tout ce que j’ai dévoilé depuis que vous me gardez prisonnier, je n’ai pas obtenu le plus petit répit. Vous vous acharnez jour après jour à me pourrir l’existence. Je suis tellement harassé et dégoûté par vos poisons qui déforment mes pensées que je préférerais mourir que d’en goûter un de plus. Las, si la toute dernière révélation que je vais vous concéder contribue à m’épargner l’horrible brouillard et l’odeur pestilentielle que vos plantes fumigènes répandent ici, je tente le coup. Oui, il est vrai que ma famille se transmets, depuis cinq siècles, un khipu destiné à venger la destruction du temple. Le chiffre 179094 est indiqué par l’ensemble des cordelettes qui forment la partie claire, tandis que celles de la partie foncée indiquent le chiffre 20191504. Les deux parties concernent un but que je ne tarderai pas à vous révéler, ou pas. Ne rêvez pas qu’il vous suffise de me mettre la pression pour que, de manière quasi automatique, vous obteniez de quoi servir vos intérêts. La machine humaine réserve toujours d’étonnantes surprises, c’est d’ailleurs ce qui en fait le charme…
Youppie ! Ce matin marque un grand jour, celui de ma délivrance. En effet, cher tortionnaire, apprenez qu’à l’heure où vous lirez cet ultime message, je serai loin, très loin, quelque part dans un jet privé qui se posera bientôt dans un endroit que vous n’imagineriez jamais. Vous avez voulu vous faire passer pour un médecin chargé de percer le mystère de l’incendie de Notre Dame de Paris. Mais vous n’êtes finalement qu’un escroc de grands chemins. Bien sûr, vous allez courir à ma chambre pour constater qu’elle est vide. Ensuite, je peux parier que vous allez crier sans succès après la belle infirmière brune, votre complice dans toute cette affaire. J’ai peur qu’elle reste bien incapable de vous répondre avant longtemps, puisqu’elle a avalé contre son gré quelques-uns des comprimés qui m’étaient destinés. Quant à la blonde, je vous avais prévenu de toujours vous méfier des blondes, elle est assise confortablement à mes côtés. Ensemble, nous trinquons comme de vieux compères, au succès de notre vengeance parfaite. Pourquoi parfaite ? Parce que, selon la promesse formelle du prêtre d’Inti, tout khipu réalisé vaut de l’or. Beaucoup d’or pur va donc nous être remis en échange de cet objet séculaire. Vous emparer de lui pour toucher la récompense était bien votre objectif, n’est-ce pas ? C’est un ratage total, mais ne vous désolez pas, vous aurez peut-être d’autres opportunités, puisque plusieurs khipus sont encore en circulation.
Bien cordialement, votre ex-prisonnier.
Post-scriptum : de l’an 1529 à l’an 2019 où nous vivons, 490 années se sont écoulées, soit, en tenant compte des années bissextiles,179094 jours. Et la date du 15 avril 2019 vous rappellera sans doute un célèbre incendie, non ? Et pour éviter toute ambiguïté, de grâce, prononcez donc le -u de khipu correctement, donc -ou.
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