Prélude
1
Pourquoi se contenter d'une carte ? Lorsque l'on fait un tirage, devons-nous n'en retenir qu'une ? Non, bien entendu. Alors j'en ferai de même.
D'abord parce que le conformisme m'horripile et surtout parce que, dans mon cas, cela a du sens. Mon cas ? Celui de tout le monde finalement.
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La vie est un jeu de cartes et je n’ai presque jamais su tirer les bonnes. Quand on y pense, nous sommes tous et toutes entouré-e-s de cartes mais nous n’y prêtons pas attention. Il est vrai qu’à titre personnel, je ne me suis jamais retrouvé entre le rayon des courgettes et celui des aubergines en me disant : « Tiens ! Voilà un Empereur ! » Ou encore : « Mince… Le prix du poulet a augmenté, c’est sûrement un coup du Chariot ! »
Oui mais voilà. Et si les personnes que nous côtoyons au quotidien étaient parfaitement identifiables, voir même des copies conformes faisant partie intégrante d’un jeu de Tarot ?
Qu’en dites-vous ? Est-ce que cela pique votre curiosité ? Peut-être êtes-vous même d’ores et déjà entrain de vérifier et d’établir des comparaisons ? Un parent ? Un enfant ? Un patron ou un amant ?
Mais revenons à mon tirage ou plutôt mes tirages. Autant de cartes que de situations rocambolesques, granguignolesques et dramaturges. Comme je dis souvent, ma vie c’est un film à la Almodovar. Pathétiquement drôle et comico-émouvante.
Pourtant j’aime bien les cartes et même que j’en possède ! L’oracle de Triade, le Tarot de Néfertari et le Tarot Tzigane. Certes cela fait des lustres que je ne m’en sers plus mais fût un temps où je n’y allais pas de main morte ! C’était drôle et frais, presque mystique. Et puis, parfois, certains trucs arrivaient. Coïncidence ou pas, qui sait. Je me surprends parfois à aimer y croire.
Chaque carte possède sa signification, son propre caractère, ses tords et ses travers ainsi que ses points de lumière. Laquelle vous représente le mieux ?
Amusez-vous, cherchez !
Ma mère la Papesse
2
Femme si solide et stable, de ma structure tu es mon pilier. Je te dois tout depuis mon premier souffle. Toi la bonne vivante qui pense et sculpte l’avenir. Toi qui inspire la confiance qui aime recevoir et s’occuper d’autrui. Tu as été un soutien depuis le commencement. Tu l’es encore et toujours. Mère protectrice de ceux qui sont dans le désarroi. Mère accompagnatrice et guide sur le chemin, ton autorité naturelle et bienveillante s’installe avec douceur dans tous tes conseils réfléchis.
Pourtant, il arrive parfois qu’autant d’amour devienne suffoquant. Que la tendresse se fasse écrasante et que ton insistance se fasse intrusive. Ton passé ne te lâche pas, il te rattrape et lorsque c’est le cas, tu te mures dans le silence. Lui aussi se fait intrusif. Oublie. Oublie donc le mauvais. La vie est belle maman, maintenant tu le sais. Il t’en aura fallu du temps !
Je t’avais perdue. Tu étais enterrée sous le poids de tes années, de tes échecs. Qu’il est bon te voir refaire surface ! Que c’est bon de te regarder sourire, vraiment. Pas le sourire forcé et crispé qui se figeait sur ta triste figure depuis tant d’années. Mais celui que je retrouve maintenant depuis deux ans. Celui de mon enfance. Ce rire si rempli de joie, si sincère.
Ce si joli visage portant la sérénité et la bienveillance d’une Papesse, ma Papesse.
Mon fils le Mat (fou)
3
La seule carte qui se présentera toujours à moi à l’endroit. Ce Mat, ce petit fou que je vénère car oui, je vénère mon fils sans pour autant en faire un enfant-roi. Je l’admire car du haut de ses cinq ans et demi, il a traversé et traversera encore trop de terribles épreuves. Lui aussi à croisé la route du Diable, il en garde les séquelles. Mais assez parlé de démons, ne leurs donnons pas l’importance qu’ils ne méritent pas.
Aventurier au grand cœur, fou et passionné, mon petit Mat avance d’un pas sûr vers son destin. Intuitif, électron libre, il vogue au grée de ses émotions et ressentis. Il est aussi téméraire que Rambo, aussi assoiffé de liberté qu’un oiseau et ne suit que sa propre voie.
Mais attention ! Autant de folie peut mener sur des chemins bien dangereux mon enfant. Ne prends pas de risques inutiles et ne soit pas imprudent car souvent tu te perds dans tes méandres, tu t’obstines dans des idées incongrues qui peuvent te mener vers des chemins tortueux et compliqués.
Ne te perds pas mon amour, prend ma main et je te guiderai jusqu’à ton envol vers une douce folie saine et prospère. L’avenir t’appartient petit taré. Je t’aime.
La Roue de la Fortune est ma sœur
4
Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans elle. Si la Papesse est mon pilier, elle est mon socle. Je n’ai jamais vu un si petit bout de femme combattre les aléas de la vie avec autant de résilience et de sagesse. Elle est la seule que j’autorise à me gueuler dessus lorsque je déconne.
Elle sait parfaitement se centrer afin de poursuivre l’essentiel pour elle et ceux qu’elle aime. Elle est pleinement consciente de ses désirs et possibles ce qui bien souvent la mène au succès de ce tout ce qu’elle entreprend. Je ne sais pas si elle se rend compte que je l’admire.
Elle sait parfaitement saisir les opportunités qui se présentent à elle. Elle fabrique son destin et sa chance.
Mais elle a les défauts de ses qualités. Parfois trop cérébrale, trop mentale, elle s’inonde de questions jusqu’à s’y noyer et perdre tout repère. Lorsque je sens qu’elle tourne en rond, je tente d’éclaircir son chemin et dégager tout ce qui vient le polluer.
Nous sommes très complémentaires. Elle est la force tranquille, je suis la force dynamique. Elle m’apaise et parfois je la secoue !
Je t’aime sœurette.
Elle, le Diable
5
Il paraît que la plus belle astuce que le Diable ait trouvé c’est de faire croire qu’il n’existe pas. Et s’il n’existe pas c’est qu’il est capable de prendre toutes les apparences et aucune.
Si belle, si enfantine, elle se donne des airs tellement fragiles. Elle déambulait avec impudence dans sa robe noire aux motifs rouges. Chevelure ébène aux yeux vert dragon. J’étais envoûté tel Jésus dans le désert et j’y succombais quelques heures après. Elle avait réussi à distiller son poison dans mes veines jusqu’au cœur. J’étais foutu.
Peu à peu, elle m’a vidé de mon essence. Je ne vivais qu’à travers elle et pour la satisfaire sur tous les plans. Ses caprices, ses quatre volontés, le moindre de ses désirs, il me fallait les assouvir faute de quoi je payais le prix de son indifférence, de sa mesquinerie, de sa tromperie. C’est que, voyez-vous, il lui fallait plus qu’une seule proie avec qui jouer.
Mais ne vous y méprenez pas, croyez-vous que le diable est parfois ignare ? Que nenni. Il est très habile et bon commerçant et n’a aucune difficulté à amasser de l’argent ! Faussaire, manipulateur et usurier, il pratique le mensonge sans vergogne pour servir ses intérêts !
Elle s’est toujours abandonnée à ses désirs sans nullement réfléchir à la portée des ses actes et surtout aux conséquences. J’en paye encore le prix. Elle hais les responsabilités et les contraintes et se croit au-dessus des lois et conventions. Pour autant, tout ce que l’on pense qui constitue sa force ; ses excès, ses angoisses, son manque de discernement, son sens de la manipulation, etc., toutes ces choses-là causeront sa perte. Oui, même le Diable peut perdre la face qu’elle soit belle ou non.
Mon père l'Empereur
6
Maudite carte. Elle s’est toujours présentée à moi à l’envers. Mon père, ce tyran. Il ne fallait jamais remettre son avis en question sous peine de subir ses colères inquiétantes et sa brutalité. Il possédait un côté sombre qu’il cachait habilement. L’entourage ne savait rien. Il donnait le change à la perfection. Cette carte pourrait d’ailleurs très bien se marier avec le Diable sur ce plans-là. Il profitait de son emprise, du privilège de son pouvoir pour être cruel et despote. Trop autoritaire, trop têtu et avide d’argent.
L’Empereur, cet égoïste. Tout pour lui et rien pour ses proches sauf quand il devait parader devant ses potes. Là, il sortait le grand jeu tandis que moi je regardais le frigo dont la porte était attachée avec une chaîne et un cadenas. Je t’emmerde l’Empereur, tu n’as jamais su que je forçais la serrure en moins de 10 secondes ! Malheureusement cela ne change rien au caractère abjecte de la chose. Néanmoins toutes les têtes finissent par tomber y compris la tienne. Tu n’as pas eu de funérailles dignes d’un Empereur cher père. Tu es parti seul, abandonné de tous et c’est moi qui ai fait un festin ce jour-là et tu sais quoi ? La porte de mon frigo était grande ouverte.
Moi le Pape Bateleur
7
Pourquoi deux ? Parce que je le vaux bien ! Non je déconne. C’est juste que les deux cartes me vont comme un gant.
Depuis toujours, je me demande de quel endroit je peux bien sortir toute mon énergie. J’ai beau être éreinté, avoir peu dormi, etc., je ressens en moi comme une sorte de puit sans fond. Une flamme qui ne s’éteint jamais. Même par temps orageux, même par grandes bourrasques. Je reste debout et elle n’est pas née de si tôt la personne qui prétendra m’anéantir. J’aime ma force vitale et mon éternelle jeunesse. Même visuellement les gens ne me donnent pas mon âge, c’est assez drôle de voir leur tête lorsque je leurs donne cette information. Je suis un joyeux joueur, un chicaneur qui aime créer et écouter mon intuition. J’aime raisonner, débattre et m’exprimer afin d’échanger sur tout et rien. Refaire le monde.
J’aime l’amour, j’adore amuser mes ami-e-s, faire des projets sur la comète car tout est possible ! J’aime la vie et manifester mes sentiments, les bons comme les mauvais.
Trop impulsif ! Parfois indécis et mon impatience me fait perdre toute sagesse ! Quelques fois strict et pas mal de soucis avec la hiérarchie et l’autorité car j’ai une sainte horreur que l’on me commande. Je ne suis le sous-fifre de personne.
En vrai, ce n’est pas tant que j’ai un problème avec la hiérarchie et l’autorité, c’est que j’aime en être le porte-parole. J’adore enseigner, transmettre, guider mais tout ceci sans cadre, ça part en cacahouètes. J’aime rassurer et éduquer avec bienveillance. Un esprit de famille solide, avec des valeurs, des limites et des règles pour faire en sorte que la transmission du savoir se passe dans les meilleures conditions. Je me surprends parfois à philosopher avec des ami-e-s, à me révolter face à l’illogique de la justice.
Je désire être un père, un ami et un amant impliqué et juste. Un acrobate de la vie, le Pape des escamoteurs d’obstacles. Ô Bateleur mon Bateleur !
Postlude
8
La vie est un jeu de cartes et je n’ai presque jamais su tirer les bonnes. Est-ce la providence qui nous fait tirer telle ou telle carte ? Est-ce que nous sommes responsables de nos propres choix car nous avons pris la décision de prendre celle-ci plutôt que celle-là ?
La vie n’est-elle pas, finalement, une succession de tirages ? Le grand Tarot imperceptible de la vie. Êtes-vous cartésiens ou, parfois, vous laissez-vous porter au gré du mystère ?
Une certitude persiste. Les choses ne se passent jamais comme on l’espère, comme on l’avait exactement prévu. La vie, tout comme le Tarot, sont une source de divination. Qui peut affirmer connaître son futur ? Personne. Tout reste imprévisible, même les cartes et surtout l’existence à laquelle nous sommes voués.
Depuis la nuit des temps, l’art divinatoire a passionné et causé bien des mésaventures aux hommes. L’envie de découvrir son futur et ses secrets, pouvoir prévoir et prédire tout à l’avance. Mais à force de vouloir tout régenter, ne perdons-nous pas l’essentiel ? Ne perdons-nous pas l’instant présent ?
L’astrologie, la numérologie, la tarologie, parmi tant d’autres, nous poussent-elles pas à explorer, de façon présumée et irrationnelle, un avenir qui restera au final muet, secret et flou ?
Qu’elle est cette envie qui nous entraine à tout vouloir connaître ? Aurait-elle un quelconque rapport avec la peur inconsciente de la mort ? J’en suis intimement persuadé.
En ce qui me concerne, je trouve bien plus beau et effrayant de se laisser porter par la vie. Oui, beau et effrayant. Les deux vont de pair. Tout n’est pas bonheur et volupté. Tout n’est pas fait de rires et de gaieté. Parfois le drame frappe si fort qu’il nous laisse hébété. Souvent. Pourtant, je préfère largement une existence faite de surprises et d’aléas que l’ennui d’une destinée toute tracée et prévisible d’avance. Je me connais, je m’y ferais royalement chier. Oups ! Pardon si mon jargon vous chicane, pour certain-e-s, vos oreilles chastes. Non. En fait, j’en ai rien à foutre. Si vous n’aimez pas, passez votre chemin ou sautez une ligne.
Bref ! Où j’en étais ? Ah oui. Je disais donc qu’une vie toute prévisible, ce n’est pas pour moi. Ce n’est pas pour rien que je porte depuis des années la phrase « Carpe diem » tatouée sur mon avant-bras. Horace avait bien raison de cueillir ses jours tout comme je cueille les miens. Alors hâtons-nous et profitons ! Profitons des bons moments, tirons des leçons des mauvais et laissons le futur à sa place, dans l’inconnu des jours, des mois et des années à venir.
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