Créé le: 15.09.2020
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Le Sablier

Nouvelle29 février, le jour en plus 2020

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© 2020-2024 Chantal Girard

Nous ne savons ni le jour ni l'heure, mais parfois certains nous font croire qu'eux savent... enfin c'est ce qu'ils pensent et nous, parfois, nous les croyons... ou pas !
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–        Ça va ?

–        Mouais… ça va comme ça peut aller après la soirée d’hier !

–        Ah oui ! t’as fait fort ! Je t’ai rarement vu dans un état pareil et pourtant on se connaît depuis… Depuis quand on s’connaît ?

–        Oh la la ! toi aussi t’as fait fort, si tu ne te rappelles pas depuis quand on s’connaît c’est que tu n’étais pas mieux que moi cette nuit !

–        Je te l’accorde, j’ai de la peine à remettre mes neurones en place. Bon, blague à part, on se connaît depuis quand exactement ?

–        Enfin, Tom, t’es pas sérieux ?

–        …

–        J’y crois pas !

–        Désolé, je ne suis pas fichu de me souvenir à quel moment tu es entré dans ma vie.

–        À quel moment je suis entré dans ta vie ?!!… Oh, oh, oh ! Rassure-moi là, hier soir je n’étais quand même pas fracassé au point de te confondre avec ma femme ?

A l’autre bout du fil Thomas éclata de rire :

–        Mais non ! c’est quelqu’un d’autre que tu as confondu avec Sandrine ! Enfin… quelqu’une.

Silence. Raphaël, bouche bée, a cessé un instant de respirer. Déconcerté il reprend d’une voix atone :

–        C’est pas vrai ?! Dis-moi que ce n’est pas vrai !

–        Pas de panique ! On était là pour t’empêcher de faire une grosse, une très grosse bêtise.

Après quelques secondes sans réaction de la part de son ami, Thomas reprit :

–        Enfin, tu te rappelles quand même ?

–        Rien de rien ! Et même sans cet horrible mal de crâne qui m’anéantit je ne suis pas sûr de me rappeler les tenants et aboutissants de cette beuverie.

–        Bon, écoute Raphaël…

–        Ouh ! je n’aime pas du tout quand tu m’appelles Raphaël, ça n’augure jamais rien de bon !

–        Je suis sérieux, il faut qu’on se voie pour faire un petit topo de la soirée. Après le boulot ça te va ?

–        Ce soir ?! Ah non, je reste avec Sandrine ; elle est partie sans me dire aurevoir ce matin, je crois qu’elle n’apprécierait guère que je l’abandonne deux soirs de suite.

–        C’est important Raph, il faut absolument que je te parle.

–        OK ! mais pas longtemps. On se retrouve au « Sablier » à dix-huit heures.

–        Ah non, non ! Pas au « Sablier » à « L’Été Indien ».

–        Tom ! je ne vais pas prendre ma bagnole pour aller jusqu’à l’autre bout de la ville alors qu’on va se voir dix minutes !

Thomas n’insista pas et raccrocha.

 

La bouche pâteuse et un marteau piqueur entre les deux oreilles, Raphaël se mit en quête d’un comprimé capable d’arrêter cette intolérable douleur amplifiée par le moindre mouvement.

Assis sur le rebord de la baignoire, un verre à la main où se dissolvait un antidouleur, il tenta de retrouver le fil de sa vie entre dix-neuf heures hier et aujourd’hui – il regarda sa montre – onze heures. Pensif il avala le contenu du verre avant de réaliser : « Onze heures… Merde ! j’ai raté mon rendez-vous ! » Il se leva d’un bond et retomba aussitôt pris d’un vertige accompagné d’une violente lancée dans la nuque. Avachit, les coudes sur les genoux et la tête dans les mains il soupira réalisant qu’il venait peut-être de compromette la chance de sa vie en mettant en péril, par sa négligence, le nouveau cap que prenait sa carrière. Vue l’heure, inutile de tenter quoi que ce soit pour rattraper le coup, trois heures de retard c’était fichu. Le plus sage était de se recoucher en attendant l’effet du comprimé ; il verrait plus tard quel motif invoquer pour justifier son rendez-vous manqué.

 

Quinze heures vingt.

Les idées un peu plus claires grâce à l’atténuation du mal de tête et à la douche glacée qu’il venait de prendre, Raphaël se sentait en meilleure forme ; il lui fallait maintenant un café bien serré pour se reconnecter au cours de sa vie après tout rentrerait dans l’ordre. En enfilant sa veste il croisa son reflet dans le miroir de l’entrée : navrant ! Teint grisâtre, pas rasé, des poches sous les yeux. « Il va falloir t’y faire mon vieux ! À presque quarante ans on ne tient plus l’alcool aussi bien qu’avant ! » Haussant les épaules il sortit en réalisant qu’il venait de parler à son miroir… De mieux en mieux !

Dehors il respira un grand coup et se senti aussitôt ragaillardi.

 

Savourant maintenant son double expresso au bistrot en bas de chez lui, il se demanda pourquoi son meilleur ami tenait tant à le voir si vite. « Qu’est-ce que j’ai bien pu faire ou dire pour qu’il soit aussi insistant ? » D’ici une heure il aurait la réponse, le temps de faire quelques pas. En sortant son porte-monnaie une carte de visite tomba à ses pieds, il la ramassa et l’examina. Tiens… Il ne se souvenait pas l’avoir mise dans sa poche hier soir…

La carte présentait d’un côté une impression en relief mentionnant : « Léa ~ Médium – Reçoit sur rendez-vous » suivaient téléphone et adresse courriel. Au verso une annotation manuscrite : « L’épreuve qui vous attend sera difficile. Il faut mourir pour renaître. Ce n’est qu’un passage. Je peux vous aider, appelez-moi dès que possible à mon numéro privé » Le portable indiqué n’était pas le même qu’au recto et aucune signature ne figurait au bas de la carte.

Qu’est-ce que c’était que ce charabia et qui avait écrit ces mots ? Léa ? Quelqu’un d’autre ? Mais qui était Léa ? Il n’avait jamais consulté de voyant et n’était pas près de le faire ! Qu’est-ce que ça voulait dire ? Était-ce bien à lui que s’adressait ce message ? Et que signifiait « L’épreuve qui vous attend sera difficile. Il faut mourir pour renaître… » ? Aucune question n’avait de réponse. Tom saurait peut-être, lui.

 

Un peu plus tard – avec une demi-heure d’avance – il entrait au « Sablier » et commandait une eau minérale. Il s’assit près d’une fenêtre et ressortit la carte de visite de sa poche. Au moment où le serveur déposait sa commande sur la table une main pressa son épaule :

–        Je peux ?

La voix qui s’exprimait ne lui était pas inconnue.

–        Non, désolé, j’attends quelqu’un.

La femme ignora sa réponse et s’assit en face de lui. Avant que celui-ci n’ait pu protester, elle posa sa main sur la sienne et plongea ses yeux vert émeraude dans les siens. Décontenancé par le regard envoûtant et la beauté auréolée par la chevelure flamboyante de celle qui lui faisait face il n’eut pas le réflexe de retirer sa main.

–        Comment allez-vous aujourd’hui ? dit-elle d’une voix suave qui finit de décontenancer Raphaël. Pourquoi ne m’avez-vous pas appelée ?

Tentant de reprendre pied, Raphaël articula :

–        Qui êtes-vous ?

En guise de réponse elle prit la carte de visite posée sur la table et la lui tendit.

–        Vous êtes Léa ?

Elle acquiesça.

–        Je suis navré votre visage ne me dit rien. Je ne crois pas vous avoir déjà vue.

–        Bien sûr que vous m’avez déjà vue et pas plus tard qu’hier soir.

–        Hier soir il y avait beaucoup de monde et je fêtais une promotion avec des amis, c’est possible que vous m’ayez vu, seulement maintenant j’attends quelqu’un et je n’ai pas envie de discuter avec vous. Ce n’est pas parce que nous nous sommes croisés dans un bar que je devrais vous faire la conversation. Je ne vous connais pas Madame, et je vous demanderais d’avoir l’obligeance de quitter ma table.

Léa sourit puis précisa :

–        Vous dites ne pas me connaître cependant moi je vous connais et j’ai des informations vous concernant.

–        Ah bon ? Par quel miracle, je vous prie ?

–        Je suis médium, c’est écrit sur ma carte, hier vous êtes venu me voir pour une consultation. Vous ne vous souvenez pas ?

–        Vous vous fichez de moi ? J’aurai consulté une cartomancienne ?

–        Médium, pas cartomancienne, lui répondit-elle sans se départir de son calme.

–        Mais je me fous de ce que vous êtes ! Je vous ai priée de me laisser tranquille. Je ne veux rien savoir de vos pseudo prédictions. Non mais, vous vous prenez pour qui ?

Raphaël s’était levé, menaçant, il assénait ses paroles comme des coups, au point que le serveur s’approcha et, d’un geste, lui fit signe de baisser le ton.

–        Asseyez-vous, lui dit-elle doucement.

Le visage renfrogné il prit une grande respiration et se rassit, bien décidé à abréger cette discussion. Elle enchaîna

–        Je ne vais pas vous ennuyer longtemps rassurez-vous, je voulais simplement savoir ce que vous comptez faire ?

–        Pardon ? Qu’est-ce que je compte faire ?

–        Oui, suite à la consultation. Vous paraissiez tellement perturbé que je vous ai proposé de m’appeler aujourd’hui pour que nous en reparlions. Vous avez bien lu ce que j’ai écrit sur la carte ?

Plutôt que de répondre il prit la carte, fit mine de la lire et la reposa.

–        Voilà, je l’ai lue.

L’assurance qu’il affichait tout à l’heure s’effrita quelque peu après l’involontaire relecture des mots : « épreuve… mourir… passage… » il n’en laissa pourtant rien paraître, du moins le crut-il.

–        Je vois que vous êtes toujours troublé.

Raphaël ouvrit la bouche pour répondre mais tout compte fait s’abstint. Après tout si c’était bien elle qui avait écrit ces mots elle allait pouvoir lui donner une explication. Et puis, objectivement, elle semblait saine d’esprit malgré ses propos sur sa prétendue médiumnité. Le plus sage était donc de la laisser parler.

Léa repris :

–        Vous ne dites rien ?

–        Je vous écoute.

–        Vous êtes sur la défensive parce qu’inquiet et…

Il la coupa :

–        Je ne suis pas du tout inquiet, je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

–        Je vais vous le rappeler. Lorsque vous êtes venu hier vers 22 heures vous étiez curieux de connaître ce qui allait se passer concernant votre promotion. Cependant, étrangement, aucun message concernant votre requête ne m’apparaissait.

–        Alors à quoi vous servez si vous ne pouvez pas répondre à des questions précises ?

–        Sachez que je ne suis pas maître de ce que je délivre, ce sont des messages qui me parviennent et que je transmets. C’est tout. Après, libre à celui qui vient consulter d’y trouver une réponse à ses interrogations ou pas.

–        C’est n’importe quoi !

–        Maintenant si vous me laissez parler je vais vous redire le contenu du message que, soi-disant, vous avez oublié.

 

Piqué au vif par le « soi-disant » il se leva brusquement et dans son élan renversa son verre. Le serveur arriva aussitôt pour nettoyer la table. Gêné, Raphaël s’excusa et se rassit.

–        Avant que vous poursuiviez, j’aimerais savoir qui a pris rendez-vous pour cette consultation ? Ce n’est pas moi, tout de même ?

–        Non, ce n’est pas vous ! c’est un des messieurs avec qui vous étiez hier soir.

Il accusa le coup et enchaîna :

–        Vous êtes sûre ?

Léa hocha la tête en signe d’approbation. Il lui demanda lequel de ses amis avait pris cette initiative.

–        Je ne saurais vous dire, les choses se sont faites par téléphone et mon interlocuteur m’a juste précisé qu’il serait avec vous. Comme ils étaient deux qui, de l’un ou de l’autre, m’avait parlé un peu plus tôt, je ne sais pas.

Raphaël resta perplexe avant de poser une question qui lui brûlait les lèvres :

–        Suis-je venu de mon plein gré ou avez-vous eu l’impression que l’on me forçait ?

–        Ah, pas du tout ! Vous étiez même plutôt impatient.

–        Je ne comprends pas… et comme je ne me rappelle de rien je suis obligé de vous faire confiance.

 

A cet instant, entrant en coup de vent dans le bar, Thomas arriva directement à leur table. Il s’adressa à Léa

–        Vous lui avez dit ?

–        Pas encore, répondit Léa.

Rassuré il prit une chaise et se joignit à eux. Raphaël enchaîna aussitôt :

–        Ah ! c’est toi le traître !

–        Mais pas du tout ! Je t’expliquerai. Si madame veut bien nous laisser entre amis…

Léa se leva, salua les deux hommes et repassa derrière son interlocuteur en se penchant vers lui

–        Vous avez ma carte, n’hésitez pas à m’appeler.

Sa main effleura son cou – il l’aurait juré – avant qu’elle ajoute « Bonne chance ».

Le temps que Raphaël, un peu troublé, reprenne ses esprits et se retourne elle avait disparu comme absorbée par la foule qui se pressait dans le bar.

 

Contrarié à plus d’un titre il se pencha au-dessus de la table et, sous le nez de son ami, d’une voix sourde le somma de s’expliquer.

–        Écoute, c’est Diego qui a tout organisé, moi ce que j’en dis…

–        Ah non ! tu ne vas pas t’en tirer comme ça ! Je veux que tu me retraces dans les moindres détails la soirée d’hier, ce que nous avons fait, ce que j’ai bu, pourquoi j’ai rencontré cette voyante et qu’est-ce qui s’est passé avec elle.

Tom lui remémora la soirée. Début assez soft avec un Spritz ou deux en attendant Diego, en retard comme toujours, puis champagne pour fêter sa promotion, enfin « future » promotion. Quelques tapas accompagnés d’un Nuit Saint-Georges…

–        Un Nuit Saint-Georges ? Rien que ça !

–        Oui, enchaîna Tom, parce que tu avais décrété que c’était un vin de circonstance puisqu’il faisait nuit…

–        Ah oui, d’accord ! Je vois. C’était quelle heure ?

–        Pas très tard, mais tu avais déjà bien biberonné !

Thomas continua de lui décrire la soirée par le menu et arriva au moment où ils étaient allés rejoindre la fameuse Léa.

–        Oui, justement ! comment se fait-il que tu aies pris un rendez-vous pour moi avec cette…

–        … Médium ! C’est toi qui étais tellement impatient de savoir ce qui allait se passer depuis que des bruits de couloir t’avaient appris ta prochaine promotion. Tu voulais connaître ton lieu d’affectation, etc. Bref, c’est Diego qui t’avait suggéré de rencontrer Léa et tu étais partant.

–        Alors… c’est Diego ?

–        Oui, il l’a consultée à plusieurs reprises. Cette femme a la réputation d’être très pointue et particulièrement performante. C’est pourquoi il t’a proposé de la rencontrer et t’a même offert la séance, par contre c’est moi qui ai téléphoné.

Il n’en revenait pas ! Non seulement que Diego consulte une diseuse de bonne aventure et donne foi à ces foutaises mais que lui, Raphaël, ait accepter d’entendre ces inepties… ça dépassait l’entendement.

Tom reprit :

–        Tu comprends maintenant ?

Raphaël se leva, très en colère.

–        Ce que je comprends c’est que vous vous êtes bien foutus de moi, tous les deux !

–        Enfin, Raph, tu étais d’accord ! Et tu ne t’es pas fait prier, crois-moi, lorsque tu l’as vue ! Ce qui s’est passé ensuite est sur cette clé USB.

Il lui tendit l’objet en précisant que c’était l’enregistrement de la séance de la veille. Raphaël, abasourdi, prit la clé. Tom ajouta avec un clin d’œil :

–        Je voulais te voir pour te rafraîchir la mémoire concernant Léa mais c’est elle qui m’a devancé à ce que j’ai vu ! Fais gaffe quand même.

–        T’es complètement dingue ? Si c’est pour ça que tu m’as fait venir… tu me fais perdre mon temps.

Il tourna les talons, plaquant là son ami, puis se ravisa :

–        Juste une chose encore, avec cette Léa, je me suis comporté comment ?

–        Disons que les rousses aux yeux verts ne t’ont jamais laissé indifférent et tu avais un coup dans l’aile… donc tu peux imaginer.

–        Non ! Je n’imagine pas, tu me dis ce qui s’est réellement passé une bonne fois pour toute !

–        Elle t’a remis gentiment à ta place lorsque tu as tenté de l’embrasser mais comme tu n’étais plus du tout gérable tu as insisté lourdement en lui proposant de l’emmener dans une chambre d’hôtel.

Toujours debout, face à son ami, Raphaël blêmit. Moqueur, Tom renchérit :

–        Je te rassure, elle a refusé !

 

Embarrassé par sa prétendue conduite et en rage – autant envers ses amis qu’envers lui-même – il sortit du bar et, obnubilé par ses pensées, s’élança sur la route sans se soucier de la circulation. Un crissement de pneus stoppa net son élan. La voiture s’arrêta de justesse contre sa jambe et, à cet instant précis, le temps se rembobina pour Raphaël.

« Ça y est, je me souviens de ce qu’elle m’a dit : Vous allez être confronté à des moments difficiles. Votre mort est programmée, vous allez mourir dans la nuit du 28 février au 1er mars. Oui, je me souviens très bien maintenant. Mais quel jour sommes-nous ? »

 

Quelques clients du « Sablier » s’étaient précipités en entendant l’intensité du freinage et les cris des badauds. Thomas était sorti également, et voyant son ami debout sans réaction au milieu de la rue, se précipita vers lui

–        Tu n’as rien ?

Raphaël répondit en reformulant à haute voix sa question :

–        Quel jour sommes-nous ?

–        Quoi ?

–        Quel jour sommes-nous aujourd’hui ? La date ! réponds-moi !

Sans chercher à comprendre Thomas lui rappela que c’était le 28 février.

–        Oh non ! Non, ce n’est pas possible ! Vite, il faut l’appeler ! Qu’elle vienne, je ne veux pas mourir loin d’elle !

–        Mais enfin ! Tu ne vas pas mourir. Regarde-moi… Regarde-moi ! lui dit-il en le secouant. Tu me vois, là ? C’est bien la preuve que tu n’es pas mort. Tu as failli mourir, ça oui ! mais tu es bien vivant !

Paniqué Raphaël insista :

–        Tu ne comprends pas, je vais mourir, Tom, je vais mourir !!

 

Thomas tenta une fois encore de le rassurer : oui, comme tout le monde il allait mourir un jour, mais ce n’était pas aujourd’hui.

–        Si, c’est pour cette nuit ! Elle me l’a dit et je sais qu’elle ne s’est pas trompée. Elle ne se trompe jamais. Oh ! Tom, je ne veux pas mourir !

Comme il s’était mis à pleurer une personne parmi les badauds suggéra d’appeler un médecin, une autre, s’étant approchée des deux hommes, leur proposa d’entrer dans le bar pour s’asseoir.

Raphaël n’entendait rien, il était effondré. « Appelle-la » répétait-il en boucle.

–        Tu veux que j’appelle Léa ?

–        Non ! Sandrine, il faut que je puisse lui dire que je l’aime avant de partir.

–        Raph, tu délires, tu es en état de choc. Je te dis que tu ne vas pas mourir !

Mais il n’écoutait plus rien, il perdait pied et, entre deux hoquets, lui fit promettre de dire à Sandrine s’il ne la revoyait pas qu’il l’avait toujours aimée : « Tu lui diras, hein ? Tu lui diras que je l’aimais. Tu me promets que tu lui diras ? Jure-le-moi ! mon ami, jure-le-moi ! »

 

Tom s’éloigna un instant pour appeler avec son portable, non pas Sandrine mais Léa, et lui demanda s’il était possible qu’elle descende tout de suite car son ami avait eu une grande frayeur en lien avec ce qu’elle lui avait annoncé la veille au soir. A l’autre bout du fil Léa répondit qu’elle arrivait.

Affaissé sur une chaise, l’air hagard, Raphaël était défait.

–        Elle arrive.

–        Sandrine ?! s’exclama-t-il en se levant d’un bond.

–        Non, Léa.

Il retomba lourdement sur son siège et se remit à geindre.

Descendant de son cabinet situé au-dessus du « Sablier » Léa entra précipitamment dans le bar et vînt vers eux.

–        Que se passe-t-il ? interrogea-t-elle

–        Vous m’avez dit que j’allais mourir dans la nuit du 28 février au 1er mars, et nous sommes le 28 février !

Éberluée, elle regarda les deux hommes l’un après l’autre et affirma qu’elle n’avait jamais dit ça.

–        Si, vous me l’avez dit ! Je ne suis pas fou.

Thomas maintint de force son ami qui, du larmoiement, avait viré à la fureur.

–        Mais je vous assure que je n’ai pas fait une telle prédiction. D’ailleurs j’ai pris mes notes. Je vais vous les relire : « Vous allez être confronté à des moments difficiles. Votre mort professionnelle est programmée si vous ne réagissez pas. Une femme vous fait miroiter une promotion qui ne se fera pas et vous – d’après les messages que je reçois – vous prenez ses dires pour des faits avérés. Soyez sur vos gardes, vous risquez d’y perdre des plumes. Ce qu’elle vous fait croire est aussi stupide que si je vous disais que vous allez mourir cette année dans la nuit du 28 février au 1er mars. Vous ne trouvez pas ça bizarre ? Mais voyons ! cette nuit-là n’existe pas, nous sommes en 2020, année bissextile ! » Voilà ce que je vous ai dit hier soir. Et je vois que vous avez la preuve entre vos mains.

 

Raphaël regarda ses mains, la gauche était refermée sur un petit objet. La clé USB où se trouvaient les mots qu’il avait retenus mais également tous ceux qui s’étaient échappés de sa mémoire, trahissant ainsi tragiquement le message délivré par Léa. Et sur l’étui de la clé, le symbole représenté était un sablier.

 

 

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