Créé le: 15.02.2018
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Le crâne de crystal

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Il était magique…
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Le crâne de crystal

C’était encore le siècle passé. Je me trouvais à Londres et au travers d’une journée de brume bien épaisse, je trouvais le chemin qui mène au British Museum. Sans but précis, je déambulais d’une salle à l’autre, parcourant avec ennui toutes ces vitrines de dépouilles de civilisations disparues. L’imminence de cette fin de siècle était propice à ce sentiment d’inéluctable fin.

 

Puis, je fus attirée par une salle circulaire aux pourtours sombres. Ma curiosité éveillée, je fis un pas dans cette salle et mon regard convergea immédiatement vers le centre de la pièce : un seul objet y figurait, un crâne en crystal de roche. De taille humaine, comme le nôtre. Des faisceaux de lumières venant de plusieurs sources convergeaient au centre de la pièce, donnant vie à cette matière transparente et dense à la fois. Je fus comme hypnotisée, mon cœur battait plus vite et je m’approchais avec précaution, comme pour éviter d’être vue par le regard vide du crâne. Il dégageait une telle puissance ! La matière n’était pas tout à fait lisse et transparente, il y flottait des imperfections, des lignes et des points minuscules mis en évidence par la lumière, comme si l’univers entier se reflétait en lui, juste avant le Big Bang.

 

Fascinée par cet abîme, je me projetais dans le futur. Je serais exploratrice dans la jungle, archéologue de cavernes, irradiée par des années lumière de forces puissantes qui nous échappent depuis toujours, mais qui nous façonnent en gardant le secret. Je restais là, me tournant un film dont le réalisateur était ce crâne sourd-muet. On disait que son origine et sa fabrication gardaient tout leur mystère, que c’était peut-être un faux, le vrai étant enfermé dans un coffre de collectionneur anonyme…

bref, tout en lui suscitait le délire de notre imagination.

 

Je n’oubliais jamais cette expérience d’émotions intenses et la magie resta en moi. Tellement que des dizaines d’années terrestres plus tard, au siècle suivant, je me retrouvais à Londres et mon premier but fût de retourner au British Museum pour revivre la magie. J’étais loin d’imaginer ce qui suit…

 

J’avais repéré deux objets à voir absolument : le crâne de crystal et la pierre de Rosette. Cette dernière je la trouvais rapidement. Le Musée avait été entièrement réaménagé et l’espace ressemblait à un immense escargot dont chaque spirale amenait vers une autre civilisation. A l’accueil, une dame m’avait indiqué où se trouvait l’objet de mon souvenir.

Je montais, je descendais, demandais plusieurs fois mon chemin. J’avais traversé – paraît-il – plusieurs fois la salle en question. Pas de crâne. Un peu énervée, je confiais mon désarroi à une gardienne qui me répondit que le crâne était au fond à droite de la salle de L’Amérique précolombienne et que de toute façon c’était un faux, affirmation qui me choqua.

 

Cette salle était immense avec de grandes vitrines que je parcourais, scrutant chaque étage d’objets. Toujours pas de crâne. L’après-midi était déjà bien avancée et je décida de quitter le Musée. Avant de sortir de la salle, je vis une petite vitrine en contrebas, non éclairée et je m’approchais. Un objet ressemblant à du plastique opaque me sembla familier. Le crâne de Crystal ! Sidérée par l’état d’abandon dans lequel se trouvait l’objet qui m’avait tant marqué, je commençais à lire le texte affiché

qui ressemblait à un procès d’accusation. Il y eut deux célèbres crânes de cristal, celui du Musée du Quai Branly à Paris et celui du British Museum de Londres. Objets de toutes les convoitises, des expertises ultérieures ont révélés la supercherie d’un antiquaire qui a eu son heure de gloire. Recherches faites, il semble que les crânes ont été fabriqués au 19e siècle en Allemagne. Depuis, le Musée de Paris l’a supprimé de l’exposition et celui de Londres le montre comme un objet de honte archéologique. Son pouvoir reste cependant intacte dans le monde du cinéma comme le film «Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal». Les crânes continuent à semer le doute et les expertises ne sont pas terminées. Cela n’empêche pas des mouvements ésotériques de s’emparer de l’origine de ces crânes et c’est tant mieux.

 

Le crâne est peut-être faux, mais les émotions qu’il suscite sont réelles. Il enflamme notre imaginaire, nous fait rêver, nous donne l’énergie de poursuivre nos aspirations. En cela il reste magique. Il a donné lieu à un film à succès, car heureusement, les gens continuent de rêver. Aucun élément rationnel en ce monde n’a ce pouvoir.

 

Et lorsque certains pauvres humains affirment qu’il faut surtout dire la vérité aux enfants concernant le Père Noël ou autres histoires, je réponds que certains croient en un dieu qu’ils n’ont jamais vu. Je reste convaincue que l’imaginaire fait notre humanité pour son malheur, comme pour son bonheur.

 

Continuez à rêver… Votre réalité s’y trouve.

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