Faire rire est très subtil… et parfois involontaire
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Le clown qui me faisait rire à l’insu de son plein gré

Le réveil me cause depuis un quart d’heure déjà, signe qu’il est temps de se lever. Je saute dans mes habits et gagne le salon où je suis accueillie par des aboiements enjoués et des battements de queue frénétiques. Je profite un moment du bonjour enthousiaste de mes deux chiennes, caressant l’une et l’autre à tour de rôle, puis je les laisse sortir dans le jardin. Pendant qu’elles s’égayent dehors, je nettoie leurs gamelles avant de les remplir avec leur ration du matin.

Soudain, on sonne à la porte. J’ouvre et je tombe nez à nez avec un clown. Je n’ai aucune sympathie particulière pour les clowns. Il est même plutôt rare que je les trouve drôle. Mais ça ne m’empêche pas d’éprouver de la compassion pour ce qui va arriver, je lui demande, comme une mise en garde :

– Vous n’avez pas peur des chiens, j’espère ?

Il me dévisage bizarrement, comme s’il trouvait ma question saugrenue, presque autant que moi je trouve saugrenu le fait qu’il se trouve là, sur mon paillasson, de bon matin. Alors qu’il s’apprête à formuler une réponse, un bruit de cavalcade se fait entendre à l’angle de la terrasse. Le clown tourne la tête et devient livide en voyant débouler mes deux chiennes. Il faut préciser que ce n’est pas un clown blanc et que son teint soudain très pâle fait ressortir le rouge artificiel de son nez, de ses joues et de sa perruque frisée. Visiblement il a compris le sens de ma question maintenant. Et moi, rien qu’à le regarder, j’ai ma réponse : il a peur des chiens.

Le clown est au bord de l’évanouissement alors que mes deux toutous tournent autour de lui pour lui faire la fête. Et manifestement, à voir son expression, c’est bien sa fête !

Tout d’abord le clown reste pétrifié, ce qui est plutôt une bonne idée, ça a un effet calmant sur les chiens. Mais quand la petite, enfin, je dis la petite, mais elle fait quand même 45 kilos. Quand la petite, donc, tente de passer entre ses jambes, le clown perd complètement les pédales, il se met à gesticuler, à sautiller d’un pied sur l’autre et à tenir des propos incohérents sur sa mère et la fin du monde. Il finit par trouver refuge sur bac à fleurs en pierre, heureusement vide, à côté de l’entrée. Son comportement bizarre a vite fait d’exciter la grande, 50 kilos, qui se met à aboyer dans sa direction pour l’encourager à venir jouer avec elle. Mais le clown ne saisit pas la subtilité de l’invitation et se croit maintenant menacé. Il pleure presque, geint, supplie. La petite lui renifle les chaussures. Il tente une esquive mais ne peut pas vraiment lui échapper, perché sur son pot de fleurs, et ses godasses trop grandes se retrouvent maculée d’un vernis certes brillant mais néanmoins un peu gluant. La grande s’approche alors et se met à le renifler, partout, en faisant de grands bruits de respiration. Elle le fait très consciencieusement, une parcelle après l’autre, avec tout le sérieux requis. Et plus elle monte, plus le clown semble s’allonger, comme s’il pouvait échapper à cette truffe inquisitrice par quelque miracle d’élongation.

Et moi je regarde la scène, hilare. Je devrais certainement intervenir, éloigner les chiens, lui demander ce qu’il fait là…

Le pauvre !

Mais bon, pour une fois qu’un clown me fait rire…

Allez, juste encore un petit moment.

Commentaires (1)

Pierre de lune
24.12.2016

Excellent titre ! Pour un texte surréaliste qui fonctionne très bien sur le mode de la complicité entre le narrateur et le lecteur, qui ont le "décodeur à toutous" et savent ces sympathiques chiennes inoffensives ... Ce que le clown, tout à sa peur panique, n'est pas en mesure de décrypter ! "Mais que diable venait-il faire dans cette galère ?!" Oui, on se pose la question :-)) Wouaff !

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