Créé le: 25.02.2020
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L’auberge de Saint Pantaléon

Voyage

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© 2020-2025 a Chantal Girard

Il est des lieux où le temporel et l’intemporel se côtoient, des lieux improbables, irréels, des lieux qui nous réconcilient avec la vie, l’ici-bas et parfois même avec l’au-delà….
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L’Auberge de Saint Pantaléon

 

– Alors pour monsieur j‘ai noté: la terrine, le tajine et le gâteau à la pêche. Et pour madame?

 

Nous avions déniché par hasard cette petite auberge hétéroclite au charme d’antan. En nous éloignant de Gordes, squatté par les touristes à l’heure du repas, nous pensions trouver facilement une table où grignoter quelque chose avant que l’heure du déjeuner ne soit définitivement passée. Mais, étonnement pour la région, les restaurants n’étaient pas légion ! Pourtant à force de tournicoter de droite et de gauche nous avions fini par apercevoir, au bord de la route, un tableau noir qui semblait indiquer qu’à cet endroit nous pourrions manger. Après avoir garé la voiture, nous pénétrâmes dans un jardin qui semblait appartenir à un particulier, aussi c’est un peu hésitants que nous nous avancions lorsqu’une femme, d’un certain âge, s’approcha de nous.

 

– Si vous voulez manger, n’hésitez pas, prenez place!

Elle nous précéda jusque sous une petite tonnelle

– Cela vous convient-il?

 

Oh oui! Cela nous convenait! Il y avait ici et là des tables et des chaises en fer forgé, disparates et de toutes les couleurs ; chaque table, séparée des autres, était abritée par une gloriette, un groupe d’arbustes ou dissimulée derrière un bosquet à l’abri des regards des autres convives de ce repas dominical. Repas qui – au premier abord – pouvait sembler être une réunion d’amis dans la propriété familiale de quelques parents éloignés!

 

En pénétrant dans ce lieu, sorti d’un autre temps, nous entrions dans une oasis de calme, de verdure et de fleurs luxuriantes, loin de l’affluence touristique du village de Gordes situé à quelques kilomètres juste un peu plus haut. A peine installés la patronne nous apporta LA carte. Une seule mais très grande! Une ardoise, mesurant un bon mètre de haut, sur trépied qu’elle posa sur le gravier proche de notre table. Le menu et ses alternatives y étaient tracés à la craie. Notre choix fait nous prîmes un pichet de rosé bien frais en guise d’apéritif et nous savourâmes l’instant.

 

Pendant la durée de notre halte le temps changea de dimension.

 

Autour de nous vigne vierge, mûriers, fines herbes, lauriers roses, pétunias, rosiers, géraniums et autres fleurs colorées donnaient un cachet particulier à ce “jardin de curé” reconverti en restaurant. Un délice pour les yeux et le nez autant que pour le palais. En effet, le menu était dans la même lignée que le reste: simple et excellent! Le cuisinier n’était autre que le mari de notre hôtesse. Il n’avait probablement pas fait d’apprentissage de cuisinier mais prenait goût à apprêter les mets qu’il concoctait comme si nous étions ses invités et qu’il nous recevait chez lui. D’ailleurs la réalité supportait la comparaison: c’était bien “chez” ce couple que nous étions puisque leur auberge s’avérait être, en fait, leur maison! A l’heure de la retraite ils l’avaient transformée afin de réaliser leur rêve: ouvrir un restaurant!

 

L’après-midi était fort avancée lorsque nous quittâmes la terrasse de ce jardin d’Eden. Nous venions de passer un moment privilégié et nous savions que, de tous les repas pris ensemble dans de multiples endroits, celui-ci s’inscrirait à l’encre indélébile dans nos mémoires.

 

* * *

 

Mon complice n’est plus là pour que nous évoquions ensemble ce petit moment passé dans ce coin de paradis. Lui a rejoint le vrai… Mais moi, en fermant les yeux, je nous revois dans ce lieu enchanteur et pour un instant, suspendu entre ciel et terre, je retrouve le goût unique de ce si beau dimanche.

 

De quoi sont faits nos souvenirs les plus lumineux, les plus intenses, les plus émouvants?

Rarement d’événements spectaculaires, de ceux que nous pensions alors inoubliables, parfois de moments importants, bien sûr, mais le plus souvent ils sont faits de petits détails, insignifiants au regard d’autres gens, mais qui nous ont, nous, touchés au plus profond de notre cœur. L’auberge de Saint Pantaléon fait partie de ceux-là.

 

 

 

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