Créé le: 24.11.2018
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La danseuse aux cheveux blonds

Journal personnel

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© 2018-2024 Thierry Villon

Elle danse pour elle, mais j'en prends pour moi
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S’en aller, s’envoler, se soustraire, s’absenter, se liquéfier, se perdre dans la masse, s’oublier, s’annihiler, se satelliser, en un mot comme en plusieurs, ne plus être là. C’est l’enjeu d’un lâcher-prise, ce terme qui veut dire tout et rien en même temps. Cela doit porter un nom précis chez les bons francophones, mais je n’ai pas d’idée ce matin. Les palmes des cocotiers sont bien placides pas un petit souffle d’air, ou vraiment très léger et rare. Il faut le chercher dans les mouvements, et les apercevoir au bon moment.

 

La fille aux cheveux d’or a déployé ses bras, elle danse dans la cour pavée et moi, je bois chacun de ses gestes comme un ivrogne qu’on aurait privé d’alcool durant un bon moment. Oui, la beauté, la grâce, la féminité, tout cela me manquait, quand j’y pense. Quoi de plus régénérant que voir quelqu’un s’abandonner toute entière dans une danse tellement intime que c’en est dérangeant. Mais je contemple le miracle en train de se produire sous mes yeux. Pas d’adjectif autre que : subjugué. Non, aucun autre ne convient. Et elle s’élance avec grâce, traverse la cour en tournoyant et se retrouve dans le gazon fraîchement tondu. Que va-t-elle encore inventer ? Des arabesques dans ses doigts fins, des sautillements sur ses jambes agiles de danseuse ? Des tournoiements de tête qui font voler son ample chevelure autour d’elle ou des inclinaisons qui la courbent vers le sol d’où elle se redresse en saluant le ciel de son sourire éclatant ?

Quelle joie peut-elle bien donner en plus de cette émotion qui me fait venir des larmes aux yeux ? Quels sentiments étranges sa danse peut-elle encore susciter en moi ? Je sais : je ne suis plus un simple spectateur, je suis devenu acteur de son moment privilégié, je communie avec sa joie je me nourris de ses gestes, je renaîs à la vie, je retrouve le souffle de l’inspiration, je sens la créativité sous mes doigts, comme la belle femme qui danse sent la prairie sous ses pieds. Je me voyais courbé et perclus de doutes et de tristesse. Elle me redonne une chance, elle danse. Elle me fait me redresser, reprendre courage, repartir avec confiance vers mon destin d’écrivain, vers mon enfant artiste qui souffrait d’impatience dans le fond de mon âme endormie. Elle danse pour me guérir, elle danse pour ne plus me voir souffrir, elle danse par amitié, pour que ma solitude se délite, pour que je puisse voir enfin que je ne suis plus l’être affolé de se voir vieillir en marge, elle danse encore la belle femme aux cheveux blonds, elle me rassure dans son élan de grâce et de vitalité, elle me renvoie toute la force de son corps, toute la beauté de son art, toute l’espérance de sa présence entière à ce qu’elle fait, à ce qu’elle vit, à ce qu’elle aime. Oui, elle aime et c’est ce qu’il me fallait en ce jour. Sentir, en même temps que voir, la beauté rejoindre l’amour, la grâce rejoindre la guérison, la féminité rejoindre l’essence de l’humanité, l’abandon effacer la laideur des faubourgs.

Quand on n’a que l’amour, nous avons dans nos mains, tout ce qu’il faut pour allumer le feu de l’envie de vivre dans l’âme humaine. Repose-toi, belle danseuse, et reprends ton souffle. J’espère tant te revoir et je ne doute pas un seul instant que cette espérance ne sera jamais déçue.

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