Créé le: 01.09.2022
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La chaise

Poème en prose, Poésie

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© 2022-2025 a Bondebarras

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Je patiente,
je désire,
je reste,
j’attends.
j’attends ici.

 

Ici, c’est l’endroit où je me trouve.

 

Je me trouve sur une chaise.
Une chaise prêt de la poubelle.
La poubelle déborde
La poubelle sent mauvais
La poubelle est proche de la chaise.
La chaise est bancale.
Elle bouge la chaise,
beaucoup.

 

Beaucoup de temps que je l’attends.
Je l’attends dans le froid.

 

La chaise est dans le courant d’air.
A mon plus grand désarroi.
La nuit tombe.
Je tombe,
tombe de fatigue sur la chaise.
Oui, je l’attendais.
J’attendais cette chaise.
Ce que je n’attendais pas,
c’est le froid.
Ce que je n’attendais pas,
c’est l’odeur de l’amas;
l’amas de la poubelle.
Je m’endors.
Je m’endors sur une chaise.
Je m’endors profondément sur la chaise.
Je m’endors profondément sur cette chaise froide.
En plus d’être petite la chaise, elle est froide et bancale.
C’est une chaise de la gare.
Désormais, il faut attendre.
Il faut attendre demain.
J’avais tout plaqué,
Tout, tout absolument tout.
De gare en gare,
de chaise en chaise,
j’attends.

 

Ma vie était bien rangée.
Mon avenir bien déterminé.
j’étais cuisinier.
Mon physique est atypique.
Grand et fin.
Fin comme un pic.
Les joues creusées,
Les gens m’évitaient.
Le menton en avant,
Ils me craignaient.
Ces joues et ce menton,
je m’en servais,
tout m’était dû.
Il me fallait fuir cette façade,
fuir ce regard, fuir ce corps.
Fini de travailler de mes mains,
Ces mains si abîmées.
Longues et fines,
le travail n’a cessé de les dégrader.
Fini de faire ça.
Enfant, mes cheveux étaient noirs.
Le stress avait tout blanchi.
c’était dur à croire.
Mes sens étaient développés.
Mon nez, à l’image de mon physique,
pouvait tout renifler.
Mes lèvres,
étroites et circulaires,
adoraient toucher,
adoraient goûter.
Pourtant, je détestais manger.
D’une vision imparable,
je savais tenir une assiette.
Était-ce par ce que mes yeux étaient bleus ?

 

Sur cette chaise,
Sur cette petite chaise froide,
j’attends.
J’attends en bougeant.
La chaise est bancale.
Ma vie est bancale,
bancale comme la chaise.
Cette chaise sur laquelle j’attends.
Peu m’importe la destination.

 

Abandonné et traîné de foyer en foyer,
Cuisiner, c’était pour en sortir,
pouvoir m’assumer et quitter ses fous alliés.
Ma vie est comme mon corps.
mon corps est fin.
ma vie est vaine.
Jusque là, elle n’en valait pas la peine.
De la peine, des peines, ma peine,
ma peine traine d’enfant à ma trentaine.
c’est pour ça que j’ai lâché.
Lâché mon métier de cuisinier.
Un jour,
un jour, au foyer.
Un matin,
un matin au petit déjeuner.
Il était l’heure de manger.
Au menu
orange pressée,
yaourt brassé,
pain grillé.
Et le tout à l’unité.
ce matin là,
mon corps transpirait l’alcool.
J’ai voulu beaucoup manger.
Éponger les traces de la veille.
Il me fallait plus.
Plus d’orange pressé
Plus de yaourt brassé
Plus de pain grillé.
Et j’ai volé.
on m’a vu.
ça c’est su.
On m’a attrapé
Puis agressé.
Agressé pour un verre d’orange pressé,
Agressé pour un yaourt brassé
Agressé pour du pain grillé.
Moi qui pensait avoir tout vu.
Coup de poing,
Coup de pieds,
ils étaient de plus en plus.
Tous sur moi à m’arracher le butin.
Quelqu’un s’interpose.
Nous sépare.
L’alcool avait fait son travail.
Je n’avais même pas mal.
Ce jour-là,
le jour du vol,
je me suis juré de ne plus jamais manger au foyer.
Fini cette nourriture infâme.
Fini les rations.
Au vu de mes talents,
j’ai choisi, ce jour là,
d’embrasser le métier de cuisinier.
Quel regret d’avoir fait ce choix.
Choisi de voler.
mais aussi de cuisiner des plats.
j’en étais réduit à ça…
Cuisiner.
Au lieu de guérir ce manque,
je l’ai agrandi.
Agrandi mon besoin,
mon énorme besoin que de manquer cruellement d’amour.
Ma vie, je l’ai vécu dans l’oubli,
comme une casserole mal lavée
ou comme cette chaise pas réparée.
Enfermé dans un cercle vicieux,
un souvenir a tout façonné.
Piégé par un métier,
ce métier a creusé mes joues,
ce métier a brûlé mes mains.

 

Tout le monde fuyait mes colères.
Seul, terriblement seul,
je n’y arrivais plus.
J’arrête la cuisine.
Cette fuite me garantit,
de soigner ce corps,
de devenir quelqu’un,
de m’accepter.

 

J’abandonne la chaise, là.
là à la gare.
Je saute.
Je saute dans un train.
Le premier à quai.
Sans rien.
Quelqu’un m’agrippait le bras.
Quelqu’un me retenait.
Il me tendait la chaise,
la chaise bancale.
Il m’offrait la chaise
trouvant que j’avais l’air bien.
Je saute.
Je saute dans le train avec ma chaise.
Je suis content.
Je l’aime bien ma chaise finalement.

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